Ce serait la « coalition de la honte », selon Georges-Louis Bouchez, le président du Mouvement réformateur (MR). Le libéral francophone désigne ainsi l’accord que les socialistes et écologistes viennent de conclure avec les communistes du Parti travailliste belge (PTB) à Mons, la capitale de la province du Hainaut. Une première en Wallonie.
Lors des élections municipales du 13 octobre, la liste du maire sortant Nicolas Martin a résisté à la poussée des libéraux qui avaient juré de prendre ce bastion socialiste. Mais le PS avait perdu sa majorité absolue dans la bataille, ce qui l’avait contraint à trouver un ou plusieurs partenaires de coalition. Il se tourne alors vers les Engagés (centristes). Sans succès. Il décide donc de poursuivre l’aventure avec Ecolo, son partenaire dans la majorité précédente, et étonnamment vers le PTB. La nouvelle alliance totalise 28 sièges, dont 22 pour le PS, 4 pour le PTB et 2 pour Ecolo. Elle marque surtout l’entrée du PTB au conseil communal d’une commune wallonne.
Le Parti communiste tient ainsi la promesse faite à ses militants de prendre le pouvoir là où il est en mesure de l’exercer. Il a déjà tenté l’expérience sous le label PvdA à Zelzate, en Flandre, lors de la précédente législature. Certains médias l’ont jugé concluant.
« C’est avant tout un accord local et communal pour gérer une ville »
Mais à Mons, c’est une toute autre histoire. Cette ville de 100 000 habitants a toujours été un fief du PS. L’ancien Premier ministre fédéral, ancien ministre-président wallon et actuel député européen Elio Di Rupo en a longtemps été la figure de proue, avant de céder la mairie à Nicolas Martin. Ce dernier restera dans l’histoire comme le Wallon qui a porté les communistes au pouvoir, même si leur poids dans la nouvelle majorité est relatif.
Le libéral Georges-Louis Bouchez dénonce la nouvelle alliance, parlant de « folie absolue ». Pour Nicolas Martin, au contraire, « le PTB s’est montré modéré et constructif lors des discussions ». Le socialiste se veut rassurant : « Nous avons enfin trouvé un accord qui donne entière satisfaction à toutes les parties et surtout à la ville et à ses habitants (…) C’est une première en Belgique francophone, mais il s’agit surtout d’un accord local et communal pour gérer une ville, qui dispose de compétences locales, telles que la gestion des routes, le développement commercial et l’amélioration du cadre de vie dans les villages. Il faut donc se concentrer sur ce niveau local.»
Le PTB, de son côté, a arrosé son vin en acceptant un programme a priori en contradiction avec ses valeurs, notamment parce qu’il soutient le développement d’un secteur économique fort fondé sur l’initiative privée. «C’est pourquoi je l’ai dit de manière quelque peu provocante, car certains commentateurs politiques ou médias exagèrent en disant que la gauche la plus radicale prendrait le pouvoir ici. Mais cela se fait partout en Europe», souligne le maire Nicolas Martin.
Le maire de Mons franchit un tabou majeur
Pourtant, ce qui passe pour un simple accord politique au sein de la majorité montoise sert de rupture du cordon sanitaire pour ses opposants. Par le passé, le libéral Georges-Louis Bouchez s’est souvent prononcé contre l’idée que le PTB puisse être considéré comme un groupe politique parmi d’autres. À l’entendre dire, cette extrême gauche – qui n’a jamais nié ses liens avec le maoïsme et le marxisme-léninisme, responsables de dizaines de millions de morts – devrait être bannie des couches du pouvoir au même titre que l’extrême droite.
Selon le quotidien francophone Le soircette analyse est à prendre avec des pincettes. « Rien n’empêche les partis belges de s’allier à l’extrême gauche. La Charte de la démocratie francophone, signée au lendemain du cordon sanitaire dans le nord du pays, visait à éviter d’être contaminée par des idéologies antidémocratiques et à ne pas s’allier avec l’extrême droite. Le PTB, parti extrémiste, communiste mais non raciste, n’était donc pas concerné.» Toutefois, « s’il ne brise aucun cordon, le bourgmestre de Mons franchit un tabou majeur, qui pourrait accélérer la mobilisation dans d’autres communes : Molenbeek, Forest ou Schaerbeek. (…) Les prochains mois nous diront si Nicolas Martin a été brûlé par le risque pris aujourd’hui.»
Le président du PS Paul Magnette tente de son côté de rejeter la faute sur l’opposant. “C’est autant l’attitude du MR et des Engagés que le résultat des urnes qui ont conduit à cette situation”, explique le socialiste dans les colonnes du journal francophone. La Libre Belgique. Il relativise : « Cette alliance à Mons est une expérimentation. » « Expérience » qui donne paradoxalement corps à ce « front de gauche » que Carolo qualifiait avant les élections de « machine à perdre ».
La montée au pouvoir des communistes à Mons répond à celle de l’extrême droite dans plusieurs villes flamandes. A Ninove, le Vlaams Belang dispose désormais de la majorité absolue. Il vient de rejoindre les conseils communaux de Ranst et d’Izegem. Du jamais vu auparavant. Les listes « traditionnelles » qui ont noué une alliance avec l’extrême droite dans ces deux communes n’ont pas brisé le cordon sanitaire si l’on se réfère aux accords passés, mais force est de constater qu’elles contribuent à l’entreprise de diabolisation lancée ces dernières années par le Vlaams Belang. .
« Les chars chinois ne vont pas atterrir sur la Grand-Place de Mons »
Au-delà de sa posture populiste, l’extrême gauche sera-t-elle un partenaire fiable et compétent ? Au contraire, va-t-il dynamiter la démocratie locale de l’intérieur ? Dans quelle mesure la campagne agressive menée à Mons lors des élections municipales par le libéral Georges-Louis Bouchez n’a-t-elle pas contraint les socialistes à s’allier aux communistes ? Franchir la « ligne rouge »… L’avenir nous le dira.
En attendant, les représentants locaux du PTB jurent qu’ils feront leur travail consciencieusement. “Il y a beaucoup d’attentes pour nous, nous sommes conscients que nous serons observés, surtout dans les premières semaines, mais ensuite nous trouverons notre rythme de travail”, promet Céline De Bruyn, future échevine de la Jeunesse, de la Petite Enfance, de l’Égalité. Opportunités et logement. La communiste se dit consciente des difficultés budgétaires et des réalités de gestion d’une ville comme Mons, en l’absence de toute « solution miracle ».
Quant au maire Nicolas Martin, il jure que « notre programme n’est pas un programme bolchevique ». “Les chars chinois ne vont pas débarquer sur la Grand-Place de Mons”, ironise-t-il.
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