« Musée rime avec histoire figée sous cloche. » La phrase, prononcée par la ministre de la Culture Rachida Dati en avril dernier, lors d’un déplacement à Tulle, a fait sursauter l’historien de l’art Adrien Goetz. « Il ne faut vraiment jamais mettre les pieds dans un musée pour dire une chose pareillese lamente-t-il. Les musées sont constamment en mouvement, ils s’enrichissent, se renouvellent, s’ouvrent… »
Pour l’illustrer, Adrien Goetz a écrit Mes musées en liberté, 120 balades artistiques en Francequi n’est pas un guide mais « un plaidoyer pour ces musées et trésors de notre pays ».
À Châteauroux, une relique de l’histoire des musées
Le musée Bertrand, à Châteauroux (Indre), abrite un reliquaire inestimable, celui de Vivant Denon. Ce petit musée portatif contient un morceau de la chemise que Napoléon représenta le jour de sa mort, un morceau d’os de Molière, un morceau de dent de Voltaire, un morceau de moustache d’Henri IV et les cheveux d’Agnès. Sorel… « Une véritable relique de l’histoire du musée »selon Adrien Goetz, qui y voit aussi une bonne dose d’humour.
Au Musée des Beaux-Arts de Tours (Indre-et-Loire), c’est l’inventivité qui a marqué l’historien de l’art : comme il leur manque la pièce centrale d’une œuvre (la prédelle du retable de San Zeno), exposée au Louvre , ils décident d’exposer à sa place la copie réalisée par Degas. « Une merveilleuse idée »salue le membre de l’Académie des Beaux-Arts.
Au musée Sainte-Croix de Poitiers (Vienne), Adrien Goetz a eu plaisir à découvrir un verre reliquaire du 9e siècle, trouvé au 19e in Saint-Savin-sur-Gartempe, which is “pour l’instant le seul témoignage intact de ce type d’objet qui nous soit parvenu”. Sans oublier le tableau magnétique La Vénus qui pleure par Romaine Brooks, un portrait de sa compagne Ida Rubinstein, qui n’est autre que celle à qui Ravel a dédié son Boléro.
Des lieux très animés
Ces quelques exemples du Centre-Ouest suffisent à nous rappeler « qu’il n’y a pas que le Louvre dans la vie et qu’il n’est pas nécessaire que de grands chefs-d’œuvre arrivent de Paris » pour que tous ces musées soient “dynamique”, soutient Adrien Goetz.
Il les considère comme de merveilleuses portes d’entrée pour découvrir les villes qui les abritent. Mais aussi comme des lieux très vivants. « Le musée n’est plus un espace fixeil se félicite. Désormais, on peut faire du yoga, des initiations culinaires, des ateliers pour enfants… On y vient pour vivre une expérience, pas pour absorber des connaissances ou acquérir un vernis de culture. »
Un changement à mettre au crédit des professionnels qui y travaillent et « qui n’a pas attendu les directives du ministère de la Culture pour faire tout ça »rappelle l’historien. Ces guides, conférenciers, médiateurs ou animateurs « mal payés et peu reconnus alors même qu’on leur confie des trésors ». Si Adrien Goetz veut croire que « le musée n’est plus un sport d’élite ou une citadelle intimidante qui porte un critère de distinction sociale »c’est en grande partie grâce à eux.
Haro à propos du selfie, vraiment ?
L’historien vante aussi l’ouverture permise par les réseaux sociaux. «Ils ont le mérite de mettre toutes les œuvres sur un pied d’égalité et de permettre des vues»il écrit dans son travail. L’auteur développe sa réflexion dans une interview : « Grâce à de nombreux comptes Instagram dédiés aux œuvres d’art, nous disposons d’un mélange d’images inédit. Et l’autorité qui nous fait les regarder n’est plus savante. Il n’est ni enseignant, ni professeur, ni conservateur. C’est une nouvelle légitimité qui ne s’impose pas avec autorité. »
Il veut à cet égard contester les critiques virulentes à l’égard de la pratique des selfies : « On peut facilement dire : « Les gens sont stupides, ils prennent des photos dos aux œuvres. » Mais je le vois plutôt comme une forme d’appropriation. C’est l’idée d’avoir sa place devant ou à côté d’une œuvre. Ce n’est pas si absurde. » Emporté par son éternel optimisme, il conclut en riant : « Que les grincheux râlent ! » »
« Mes musées en liberté – 120 balades artistiques en France » d’Adrien Goetz, éditions Grasset, 352 pages, 23 €.
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