Une bonne façon de faire face à la rareté des légumes verts est de s’appuyer sur la diversité végétale des citrouilles. Le chef du Jardin des délices David Baggs, à Craponne-sur-Arzon, mélange les couleurs et les saveurs. La courge et la citrouille constituent une excellente entrée de saison.
Ingrédients
Un joli filet de truite du Vourzac (pour une personne), lentilles vertes, légumes : carotte, courgette, brick, chou rouge, citron, bouillon de poisson préparé la veille, beurre doux (pour perler, nourrir la truite), sel, poivre , mélange cinq baies, poudre de piment d’Espelette, crème fraîche, coulis de framboise.
Temps
Cela prend environ 45 minutes, en tenant compte de la veille de la préparation du bouillon.
Astuce(s)
Le bouillon de poisson qui est présenté dans une assiette creuse est assaisonné au moment de servir avec un peu de jus de citron (quelques gouttes) pour l’acidité et surtout l’effet décoloration : la couleur violacée du chou devient rose
Du jardin à l’assiette, la citrouille est en fête
Quelle drôle d’histoire que celle de Jack à la lanterne qui, pour avoir voulu pactiser avec le diable, s’est vu refuser l’entrée au paradis comme en enfer. Le héros de ce conte irlandais se retrouva contraint d’errer à jamais avec un navet évidé dans lequel brillait une braise. Le navet se transformera plus tard en citrouille. Notre « héros » du jour n’est pas originaire de Green Erin, mais de « Perfidious Albion ». Le chef David Baggs – dont l’accent londonien trahit ses origines – ne cache pas son goût pour les « légumes ». En cette saison, cucurbitacées, courges et autres citrouilles dont les couleurs éclatent sur les étals de légumes ont été retrouvées, Halloween oblige, jusque dans la décoration de la salle du Jardin des délices, le restaurant de David Baggs à Craponne-sur-Arzon. La salle (une vingtaine de places assises) est le domaine d’Alison, sa fille. Il y a douze ans, Le Jardin des Délices a succédé à un autre établissement qui avait déposé le bilan. David Baggs a quitté très jeune la banlieue londonienne pour s’installer en France. Son épouse étant originaire de la Côte d’Azur, c’est tout naturellement à Nice que le couple s’installe. Le chef a visité plusieurs palais locaux, comme le Negresco, pour n’en citer qu’un.
Le jardin des délices terrestres de David Baggs
« Mon épouse et moi avons décidé d’élever nos enfants dans un environnement plus calme », explique ce fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’agriculteurs qui ont ressenti l’appel de la campagne. La famille s’installe à Sembadel. L’élevage de chiens succède à l’aviculture lorsque David Baggs rejoint Pippo, à l’hôtel Régina du Puy, et reprend du service derrière un piano de cuisine. Puis à Craponne-sur-Arzon, au sein de la maison appartenant à la famille Paillet, le chef britannique a choisi de voler de ses propres ailes en concevant ce restaurant bistronomique à l’ambiance résolument familiale.
Qui a dit que les Anglais ne juraient que par le rôti de bœuf ?
“Beaucoup n’y croyaient pas au début, mais j’ai des clients qui viennent chez nous surtout pour manger du poisson”, assure le chef qui raffole particulièrement de poulpes, calamars et autres poissons méditerranéens. Il est toujours à la recherche de produits atypiques comme la plie de 4 kg qui donne des tranches épaisses. Le chef privilégie le poulpe cuit à basse température, juste snacké, accompagné d’un risotto aux petits épeautre.
« Les Anglais ne savaient pas protéger les produits avec des signes de qualité comme les Français »
David Baggs (vide)
Ce descendant d’une famille paysanne parle en connaisseur de cette céréale ancienne que la maison Sabarot a entrepris de remettre au goût du jour : « Il a mâché et puis, il entre dans le cycle culturel de la lentille qui fixe l’azote. » A Craponne, on peut aussi déguster un risotto vieux Cantal au goût légèrement noisette. Mais David Baggs a un autre penchant : les légumes. De par ses origines, il les préfère cuites « à l’anglaise », juste blanchies, avant de les dorer dans l’huile d’olive.
Mélangez les potirons et variez les plaisirs
C’est à deux pas de Craponne-sur-Arzon, à Saint-André-de-Chalencon, que le Jardin des délices se procure des paniers de légumes (selon la récolte du moment), auprès du maraîcher Christophe Dupuis. « Il est important de travailler en confiance avec un fournisseur », assure le chef craponnais qui apprécie la différence qu’il peut y avoir entre l’Angleterre et la France. « Les Anglais ne savaient pas protéger les produits avec des signes de qualité comme les Français. Prenons l’exemple du cheddar, fromage emblématique du Somerset, il est désormais devenu plus populaire au Canada et en Australie qu’en Grande-Bretagne », regrette David Baggs.
« La truffe d’été est moins chère et moins aromatique que la truffe noire »
David Baggs (vide)
La citrouille, quant à elle, est répandue partout, tout aussi populaire en France qu’outre-Manche. Le restaurant le sert en entrée chaude. Le plat revigorant et parfumé est composé d’un mélange de courge ou potiron à la belle couleur orangée, et de courge, jaune et blanche, au léger goût d’artichaut. La truffe d’été (en conserve) sublime le plat. «C’est moins cher et moins aromatique que la truffe noire», explique le cuisinier. On le trouve généralement en épicerie fine. Le mariage avec le goût de l’artichaut est harmonieux.
Une fois cuite une demi-heure, la chair de la courge servira de base à la recette. Le potiron sera cuit séparément. Il viendra avec les oignons rouges (plus doux que les jaunes) pour tapisser le fond d’un ramequin et ajouter un peu de croquant. La purée de courge avec de la crème fraîche et des tranches de truffe d’été sont ajoutées par dessus. Une crème légère passée au siphon complète la décoration du plat sans oublier une pincée de paprika rouge pour la décoration – et ajoute une touche épicée ! Cette recette d’automne, en version éventuellement totalement végétarienne et très facile à réaliser une fois l’épreuve du tranchage des cucurbitacées réussie, ne peut que ravir les papilles.
Le restaurant.
Le Jardin des délices de Craponne-sur-Arzon est ouvert du mercredi au dimanche le midi. Vendredi et samedi soir.
Les Cucurbitacées, une grande famille
Les cucurbitacées offrent une incroyable diversité de formes, de goûts et de couleurs. Une aubaine pour les collectionneurs et les sélectionneurs du monde entier. En Haute-Loire, c’est à Saint-Germain-Laprade que se situe l’un des grands spécialistes. Bruno Defay, auteur d’un livre Trésors de courges et de potirons, pourrait en parler pendant des heures…
La nature a décidément bien fait les choses. Au temps de Jean de La Fontaine, que serait-il arrivé à ce villageois se reposant sous un arbre, et qui s’étonnait pour la citrouille qu’un si gros fruit soit doté d’une queue si frêle. Jusqu’à ce qu’un gland se détache du chêne… Bruno Defay confirme que la botanique conserve le terme « fruit » pour le potiron.
La grande famille des Cucurbitacées est composée de genres, au sein de ceux-ci d’espèces et au sein de ces dernières de variétés. Toutes les courges ont leur utilité, comme celle en forme de courge que l’on découvre dans le jardin de Bruno Defay et que l’on croirait simplement ornementale. Cependant, il était autrefois utilisé pour sonder les fûts de vin. Bruno Defay recultive régulièrement des graines provenant des quatre coins du monde qui lui sont confiées pour les conserver, car ces dernières ont une durée de vie limitée à cinq ans maximum. Certaines plantes semblables à la courgette et dont la chair est fermentée sont utilisées pour fabriquer une boisson alcoolisée.
Le potimarron bleu hongrois, peu fibreux, fait des merveilles en soupe. La courge olive verte à la chair très parfumée est considérée comme l’une des meilleures. C’est une citrouille (Cucurbita maxima) reconnaissable à son pédoncule sphérique. Et pourtant, elle n’attire pas l’œil comme la citrouille avec son goût de châtaigne et sa couleur orange vif. Si Bruno Defay ne peut conserver toutes les courges de son potager, il réserve les graines qui servent à faire du pain. Il lui est arrivé de créer un menu complet à base de citrouilles. De la courge butternut crue râpée en entrée (ou gratin), puis de la courge en corne cuite au four et en dessert pour faire de la brioche à la place de la farine, tandis que le kiwano, appelé melon cornu, ou concombre du Kenya font d’excellents sorbets.
Philippe Suc
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