quand les crues de la Nive et de l’Adour deviennent monnaie courante

VVendredi 18 octobre, la marée haute est annoncée à 18 heures, avec un coefficient élevé (112). Les pluies régulières de la semaine avaient déjà fait déborder l’Adour et la Nive la veille et le matin même. Vers 17 heures, la rivière, alimentée par l’amont, déverse son trop-plein dans Bayonne. Au bord du spectacle inexorable, dans les rues du Petit Bayonne, on observe l’eau recouvrant asphalte et pavés avec le flegme de ceux qui commencent à en avoir vu d’autres.

Le maire de Bayonne, Jean-René Etchegaray, parcourt la zone exposée bottes aux pieds, flanqué des chefs de service. « Quand on parle aux gens, on a l’impression qu’une forme de résilience s’installe. Comme une rationalisation dans l’attitude des Bayonnais. » Ou le fatalisme, tout entier contenu dans cette scène : au bas de la rue Poissonnerie, un artiste du festival Points de vue réalise une fresque sur un immense mur, tandis que la Nive s’étend, sous les regards blasés des convives des terrasses du les couloirs.

Fonctionnement raclette

Depuis mercredi et la mise par la préfecture de l’alerte orange aux crues et précipitations, la Ville de Bayonne diffuse des messages d’alerte. Sur le terrain, via ses réseaux sociaux. Des restrictions de circulation sont prises pour interdire l’accès aux sections les plus exposées. Impossible, par exemple, d’emprunter la rue du Bastion royal. Et lorsque la marée haute coïncide avec l’heure de pointe sur les routes, cela donne lieu aux embouteillages observés vendredi soir sur le pont du Génie et sur la D 810.

Quai Galuperie, une mère et son fils aimeraient rentrer chez eux mais l’eau bloque l’accès à leur immeuble en première ligne. « Il va falloir se déchausser… » C’est le « dress code » de ce début de soirée trop arrosé qui commence « au Petit » : baskets à la main, jean retroussé au-dessus des genoux. Les tenanciers de bars et de restaurants chassent les premières infiltrations à coup de raclettes. Ceux installés dans les points les plus bas ne prennent plus cette peine : 20, 30 centimètres de liquide brun rendent toute lutte vaine. « Il faut maintenant attendre que la marée reflue. » Les quelques personnes qui ont installé des batardeaux souffriront moins. D’autres ont surélevé leurs meubles. Depuis une fenêtre du quai Chaho, une jeune femme lance à un ami une paire de bottes emballées dans une poche.

Au bord de l’Adour, les quais de Lesseps et Amiral Sala, très exposés, offrent toujours des images spectaculaires des crues. Le cinéma Atalante en a souffert, qui a dû fermer une partie de la journée jeudi et vendredi et a également dû sortir des clauses samedi pour nettoyer après l’intrusion de la rivière. Les premiers logements du quartier ont souffert vendredi soir.

Échauffement

Pour autant, l’épisode de vendredi, pas plus que celui de jeudi, ne sort pas de l’ordinaire. Le chef du service d’hygiène et de sécurité de la Ville de Bayonne, Daniel Curutchet, évoque les inondations des années passées : « En 2021, 2019, 2009, nous avons eu des événements beaucoup plus dangereux, du fait de la force des courants. » L’homme de l’art a des souvenirs très précis de ces inondations. « En 2009, la crue a presque emporté le pont du Mayou. » En 2021, c’est celui du Génie qui a dû être banni, fragilisé par le choc des malles emportées par la Nive. « Nous avons constaté un niveau de la Nive à 6,25 mètres à la station de mesure du Pont Blanc, en Floride. » Ce vendredi, la rivière s’est arrêtée à 5,35 m.

Le cadre mentionne également la crue de l’Adour de 2014, pour sa durée inédite, avec huit épisodes de crues. L’alignement des millésimes témoigne d’un rapprochement des événements. Rue de Coursic, un collectif de militants de l’association environnementale et sociale Bizi ! fait le lien avec le réchauffement climatique. Dans un décor décalé, les militants brandissent ce slogan : « Dérèglement climatique = événements extrêmes plus souvent, plus violents. » « Aujourd’hui, nous avons les pieds dans l’eau, et demain, jusqu’où aurons-nous l’eau », affirme un militant.

« Demain », c’est ce samedi 19 octobre où la préfecture maintient la vigilance orange.

Déborde vers le sud

Alors que Saint-Pée-sur-Nivelle, Ascain et plus au sud Hendaye surveillaient de près le niveau des rivières et l’état des terres régulièrement inondées, à Saint-Jean-de-Luz et Ciboure, c’est plutôt le secteur du port qui a été dans la ligne de mire. L’effet conjugué des fortes précipitations des dernières heures et des coefficients très élevés de la journée (112) a donné lieu, côté luzien, à quelques débordements, contenus, mais toujours spectaculaires et inquiétants. Même si aucun dégât majeur n’est signalé, ni là ni ailleurs, le spectacle offert depuis le quai de l’Infante et la place Louis-XIV donne lieu à de vives conversations. En toile de fond, La Rhune mais surtout la question du réchauffement climatique et de ses effets de plus en plus visibles.