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Maître Grolleau lâche la barre

L’idée d’un portrait dans la presse et la réaction immédiate est défensive. Réflexe criminel ? Elle ne peut pourtant le nier, lundi 30 septembre, la descente des vingt-huit marches du palais de justice d’Agen, si souvent empruntée sans même y penser, a clôturé un chapitre ouvert en 2007. Privée de sa robe noire, de son armure de coton léguée à sa grande amie Laurence de Behr, Sophie Grolleau, figure familière des prétoires agenais, y reviendra peut-être dans quelques années, mais de l’autre côté du bar. L’ancienne avocate ayant obtenu le concours de la justice, la désormais juriste envisage désormais son avenir professionnel dans le rôle de procureur de la République, voire celui de juge d’instruction.

« Se lever une dernière fois pour parler en faveur d’un accusé dans une affaire humainement difficile, c’était émotionnellement intense, en effet », reconnaît l’Agenaise arrivée ce jour-là, une heure avant le début de l’audience, pour se retrouver seule dans la cour d’assises. Comme s’il convenait de marquer l’instant dans le silence et la méditation.

Très timide

A bien y réfléchir, l’injustice fondatrice qui a posé les bases de la défense pourrait être la mort d’une grand-mère dans la fleur de l’âge, personnage central de cette famille matriarcale italienne, laissant à la petite Sophie, 4 ans, un souvenir encore douloureux. . « D’après ma mère, j’ai toujours voulu être avocate. Quand j’étais enfant, ma marraine m’a offert un magazine sur les animaux, me disant que cela pourrait m’intéresser si jamais je voulais devenir vétérinaire. Mais visiblement, mon choix était déjà fait. » Porteuse de la voix des autres, cette personne très timide – « c’est assez paradoxal » – en a fait le fil conducteur de ses jeunes années, en tant que déléguée de classe ou par son engagement politique, atavisme oblige, en prenant sa carte RPR à l’âge de 20 ans. 18.

« L’engagement dans la ville est, pour une fois, un héritage familial. Lorsque j’ai déménagé à Agen après avoir vécu à Lafox, on m’a proposé d’être sur la liste de Jean Dionis pour les élections municipales. Cela fait deux mandats que j’ai rejoint l’équipe, mais en politique comme dans tout le reste, j’ai toujours eu le souci de rester à ma place. Quel que soit le domaine, je pense qu’il faut toujours être apprenti avant de vouloir devenir maître. L’humilité et l’observation façonnent également l’expérience.

Celle des prétoires a été marquée par des figures d’avocats pénalistes, autour de la trinité Édouard Martial, Michel Gonelle et Philippe Briat. « J’ai beaucoup appris à leurs côtés, j’aime cette génération d’avocats, adepte des joutes verbales. Ce qui ne nous a pas empêché d’aller déjeuner ensemble après l’audience», sourit Sophie Grolleau, qui craignait de recevoir des reproches de la part de ses clients, annonçant qu’elle arrêtait son activité.

« Au contraire, ils m’ont soutenu, et cela m’a rassuré dans mon choix. » Dans le sillage des dix-sept dernières années, des affaires marquantes, comme la rixe mortelle qui a coûté la vie au Villeneuvois Kamal El Garmaoui, ou le cas des filles disparues de Nérac, aux côtés de leur mère Naïma Bel Allam. « Une personnalité qui m’a beaucoup fait réfléchir, notamment sur la présomption d’innocence. Ce dossier a encore occupé sept ans de ma vie. Du côté des parties civiles, Me Grolleau affirme également avoir soutenu les familles de Piechocki, Cyndi Saramiento, ou encore l’une des victimes de Gérard Micieli.

Une autre approche du droit

« Ma reconversion tient aussi à la perspective de défendre la société, après l’avoir fait pour des intérêts privés. Je pense qu’être conseiller de police m’a mis sur cette trajectoire. Défendre mes idéaux, le respect de l’autorité, des règles, arrêter de banaliser la rébellion contre la police. L’évolution de la société me fait peur, en tant que femme, mais aussi pour mes enfants. La montée des violences, la diffusion de la drogue… Il était temps d’envisager une autre approche du droit, plus objective, celle portée par la justice correspond davantage à mes valeurs.

En mettant de côté la robe noire pour embrasser de nouveaux horizons, Sophie Grolleau s’affranchit aussi du sentiment de devoir prouver, se justifier, parce qu’elle est la fille de. L’impossibilité d’être nommée dans une juridiction relevant du ressort de la cour d’appel d’Agen pendant au moins cinq ans l’éloignera de son Lot-et-Garonne natal.

Désormais, on ne l’appellera plus maître, ni même Sophie Grolleau, du nom de son ex-femme qu’elle a pu conserver, ni même celui qui figure sur sa carte d’identité, Grolleau-Bonfanti. En devenant magistrate, elle redeviendra également Sophie Leguevaques.

 
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