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En Creuse, quatre radios associatives pourraient être menacées par les coupes budgétaires de la loi de finances 2025

La nouvelle loi de finances 2025 multiplie les coupes budgétaires, menaçant notamment le fonds FSER, dédié aux radios associatives. Un coup dur pour ceux qui diffusent en Creuse, notamment du RPG.

À l’incompréhension s’ajoutent de nombreuses interrogations à Radio Pays de Guéret, depuis l’annonce de la baisse de 35% du Fonds de soutien à l’expression radio (FSER). Éducation, santé, le projet de loi de finances 2025 a également choisi de faire des économies sur le financement des radios associatives.

La pluralité des médias menacée

« Pourquoi cibler les médias indépendants, les radios qui œuvrent pour la diversité culturelle et l’expression citoyenne ? », demande Thibaut Blond, directeur de Radio Pays de Guéret, l’une des quatre radios associatives diffusant en Creuse (1). « On ne comprend pas trop, ou on n’ose pas comprendre… » Si la coupe budgétaire devait se concrétiser, l’existence même de ces structures pourrait être compromise. Mais ils emporteraient avec eux bien plus que le simple mérite d’exister.

« Dans un territoire comme la Creuse, on apporte déjà une pluralité de médias, une pluralité de ton, de sujets, de postures, d’opinions et cela semble encore essentiel à toute démocratie »

Thibaut Blond (director of Radio Pays de Guéret)

Sans oublier que l’objectif de la radio communautaire « est aussi de donner la parole à un échantillon le plus représentatif de la population du territoire sur lequel elle est implantée ». Leur disparition ne peut pas être une bonne nouvelle pour le pluralisme, la démocratie et le « faire société ».

« Lorsqu’on assiste à une assemblée générale ou à un rassemblement de membres du RPG, on constate que cela transcende les catégories sociales et les générations. Nous réunissons dans une même salle des personnes très différentes qui ont un projet commun qui s’appelle la radio associative. C’est l’essence même des associations. Et c’est vraiment ce qui est menacé. »

En , il existe 770 radios communautaires. « Entre 650 et 700, selon les années, bénéficient du FSER », estime Thibaut Blond, directeur du RPG. Un fonds qui existe depuis 1982 et qui fonctionne aujourd’hui grâce aux recettes de l’Etat affectées à ce fonds. Si ces stations de radio devaient décliner, « il est possible que près de 2 000 emplois directs disparaissent ».

Aujourd’hui, RPG fonctionne avec un budget annuel de 180 000 euros, auquel le FSER contribue à hauteur d’environ 40 %. Un financement qui est accordé après la validation d’un dossier qui doit cocher de nombreuses cases (lire ci-dessous).

« Nous sommes dans la réaction, dans la mobilisation de nos auditeurs, de nos partenaires, dans l’information aussi, car il faut expliquer ce qu’est le FSER, que ce n’est pas de l’argent qui tombe du ciel »

Thibaut Blond (director of Radio Pays de Guéret)

Pour constituer son budget, la radio s’appuie sur des apports, « un peu de publicité commerciale mais très peu », par la volonté mais aussi par la configuration du territoire, et des services financés par des institutions ou des collectivités.Thibaut Blond, director of Radio Pays de Guéret @Julie Ho Hoa

« Dans les écoles par exemple, nous faisons des ateliers d’éducation aux médias qui sont financés par la Drac, dans les maisons d’arrêt, dans les établissements de santé mentale dans le cadre du système culturel et de santé. Il existe également le dispositif City Policy à travers lequel nous proposons chaque année des projets de médias citoyens dans les quartiers. La Région alloue également une enveloppe aux radios qui font un travail de découverte et de promotion des artistes néo-aquitains », explique le directeur de RPG dont l’identité, comme beaucoup d’autres radios associatives, passe aussi par la programmation musicale.

Tant d’actions sont possibles car financées par ces partenaires. Mais encore une fois, avec un budget plus petit, moins d’actions.

« Leurs budgets baissent aussi, donc à un moment donné, moins d’argent pour l’éducation, moins d’argent pour la culture, moins d’argent pour la justice, moins d’argent partout, il y aura moins d’avantages donc on travaillera aussi moins »

Thibaut Blond (director of Radio Pays de Guéret)

C’est la qualité même de l’offre culturelle et informationnelle de ces radios qui est en jeu. « Peut-être qu’en fonction de l’issue, il faudra se dire qu’il va falloir courir après la publicité », confie Thibaut Blond. Au détriment du temps consacré au reporting, mais aussi au traitement. Depuis 2011, RPG explore les « formats de type magazine long », en plusieurs rubriques, se concentrant sur une thématique phare du territoire, ancrée dans l’actualité – il y avait le loup, la forêt –. « Ça permet d’approfondir le sujet. , c’est super intéressant et c’est ce qu’attendent nos auditeurs. »

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Au détriment également du temps alloué à la formation des stagiaires scolaires et des personnes en reconversion ou en réinsertion professionnelle. L’emploi aussi. Aujourd’hui, RPG compte trois salariés et ne compte pas les sacrifier.

« Réduire les effectifs, c’est avoir une antenne de moins bonne qualité et encore moins d’argent qui va pouvoir rentrer, donc ce serait vraiment se tirer une balle dans le pied », insiste le directeur de la radio qui, malgré tout, reste réaliste et conscient qu’il il sera sans doute nécessaire de le faire en cas de difficultés financières trop importantes. @Julie HoHoa

« Toutes les radios communautaires sont déjà dans une situation financière très délicate, remplissant des missions pourtant extrêmement importantes pour les populations. C’est très grave ce qui se passe mais j’ai espoir que ça réveille un peu tout et qu’on en ressorte avec un lien renforcé avec les populations», confie Thibaut Blond qui cite les nombreux messages de soutien que reçoit la radio.

Les radios communautaires de la région ont interpellé les parlementaires et les élus locaux. RPG et Radio Vassivière ont également lancé une pétition en ligne sur change.org (Sauvons nos radios communautaires). Le Gral (Groupement des radios associatives libres) et Ferarock (Fédération des radios associatives de musiques actuelles) sont en contact avec les trois syndicats nationaux (2) qui doivent rencontrer très prochainement le cabinet du ministre de la Culture.

Bien plus qu’une simple subvention, un « levier d’activité »

De nombreuses conditions sont requises pour bénéficier du FSER, qui démontrent toute la valeur ajoutée de ces radios sur un territoire.

«C’est mon dossier FSER de l’année dernière», explique Thibaut Blond en saisissant une pile de papiers d’une dizaine de centimètres d’épaisseur. Un beau bébé pesant « 3,2 kg ». @Julie HoHoa

« Cela me prend trois mois. C’est beaucoup de travail de rédaction administrative. Nous devons faire 400 à 500 rapports par an, cela fait donc beaucoup d’attestations à demander. C’est quand même assez fastidieux. »

Thibaut Blond (director of Radio Pays de Guéret)

Mais indispensable pour espérer bénéficier d’un financement du FSER, un fonds de soutien divisé en deux parties : une partie fixe, dite partie de fonctionnement et une partie sélective. Pour obtenir le premier, vous devez prouver que les recettes publicitaires sont inférieures à 20 %, fournir le budget global de la radio et être accompagné d’une déclaration de revenus certifiée par un comptable. « Aujourd’hui, nous recevons en moyenne 40 000 € de part fixe, explique Thibaut Blond.

La seconde, sélective, nécessite davantage de compilation administrative et de validation de sept critères qui correspondent à des missions essentielles de la communication sociale locale (action éducative, culturelle, en faveur du développement local et de l’environnement, intégration et lutte contre les discriminations, etc.), de diversification. des ressources, ou encore la consolidation des emplois et la formation professionnelle des salariés. Une commission mixte attribue des points (jusqu’à 12,5) qui équivaut à une valeur monétaire. Ensuite des coefficients entrent en jeu pour calculer le montant dont bénéficiera la radio. @Julie HoHoa

“C’est ce fonds de soutien qui est sérieusement menacé”, précise le directeur de RPG dont la radio est notée en moyenne 11,5 sur 12,5 et qui peut prétendre en moyenne à 40 000 € de cette part sélective.

« Ce n’est pas une simple subvention mais un levier d’activités. C’est-à-dire que ces 40 ou 60 000 euros du FSER, on n’a pas besoin d’aller les chercher. Au lieu de cela, nous pouvons nous concentrer sur la recherche d’autres financements et le développement d’autres projets. Ces fonds étaient un réconfort. Un confort qui s’est réduit, réduit, réduit petit à petit et aujourd’hui c’est juste la chaise en bois qui nous est enlevée.

Thibaut Blond (director of Radio Pays de Guéret)

Après la disparition des aides aux emplois associatifs en 2017, cette nouvelle coupe nette fragilise encore davantage ces structures qui, contrairement au secteur audiovisuel, également impacté par les coupes budgétaires, n’ont que très peu de marge pour rebondir. “On ne s’en remettra pas”, craint Thibaut Blond.

(1) Aux côtés de Radio Vassivière qui a fêté ses 40 ans, RCF Limousin et RMJ.
(2) L’Union nationale des radios libres, la Confédération nationale des radios associatives et le Syndicat des musiques actuelles.

Texte & photos : Julie Ho Hoa
[email protected]

 
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