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Qu’est-ce qui pousse un jeune à commettre un crime violent ?

Plusieurs crimes impliquant de jeunes délinquants ont été très médiatisés ces dernières semaines. On peut penser à l’adolescent de 14 ans qui s’est rendu dans la planque d’un club scolaire des Hells Angels à Frampton armé d’une mitrailleuse, ou encore à l’accusé dans l’incendie du Vieux-Montréal. Le chef du Service de police de Montréal (SPVM) et le ministre de la Sécurité publique n’ont pas tardé à dénoncer la situation. Mais qu’est-ce qui pousse un jeune à commettre un crime violent ?

Tiago Murias est un avocat pénaliste qui représente de jeunes contrevenants depuis 2012. Il a également déjà représenté le jeune de 14 ans décédé à Frampton dans une affaire précédente. Il est ainsi à l’avant-garde des changements survenus dans le monde souterrain ces dernières années.

On a souvent l’image qu’il y a plus de délinquants juvéniles, mais quand on regarde les chiffres, on se rend compte qu’il n’y a pas plus de délinquants. Cependant, les crimes sont plus gravesnote l’avocat.

Selon lui, le trajectoire criminellec’est-à-dire que la progression du type de délits commis par les jeunes délinquants était autrefois graduelle. Leurs premiers crimes ont peut-être été des crimes d’opportunité contre la propriété – pensez au vol à l’étalage ou au vandalisme – avant de passer à des crimes plus violents.

Cependant, aujourd’hui, il est beaucoup plus courant de voir des jeunes qui en sont à leurs premiers démêlés avec la justice comparaître pour des crimes violents, y compris le déchargement d’armes à feu, explique-t-il.

De plus, Tiago Murias affirme que depuis qu’il exerce le droit, six de ses clients mineurs sont décédés.

L’attrait du gain

Interrogé par l’animatrice Geneviève Garon à l’émission D’abord les infos du week-end Pour comprendre ce qui explique ce phénomène, Tiago Murias cite d’abord l’attrait du profit. Pour un adulte, 3000 dollars, c’est beaucoup d’argent, imaginez pour un enfant de 14 ans. Et je dis un enfant parce que pour moi, 14 ans, c’est un « gamin ».

Toutefois, les jeunes qui souhaitent obtenir ces sommes ne le font pas toujours par pure cupidité. L’avocat cite le cas d’un de ses clients à qui on a proposé un petit contrat sur Telegram pour aide ta mèrequi cumule deux boulots pour joindre les deux bouts.

Ce sont des jeunes qui ne connaissent pas forcément les tenants et les aboutissants de ce qu’ils vont faire.poursuit-il, tout en ajoutant que les jeunes qu’il représente sont également en quête de sentiment d’appartenance et de réussite.

Plus tôt cette semaine, le chef de SPVM, Fady Dagher, a imploré les familles des jeunes délinquants à collaborer avec la police. Mais en pratique, Tiago Murias explique que ce n’est pas toujours évident pour ces parents.

Certains d’entre eux défendent leur progéniture à tout prix, d’autres n’ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour les aider. Certains parents sont tout simplement dépassés, ils veulent juste de l’aide et malheureusement, cette aide n’est pas nécessairement disponible lorsqu’elle est nécessaire.

Des jeunes issus de l’immigration

Fady Dagher, né en Côte d’Ivoire de parents libanais, et Tiago Murias, fils d’immigrés, se disent bien conscients des dangers du profilage racial ou social.

Au micro d’Alain Gravel, les deux hommes expliquent que les groupes criminels ciblent les jeunes des quartiers défavorisés qui comptent une forte proportion d’immigrants pour faire le sale boulot. Tous deux parlent de prédation contre les jeunes vulnérables.

Dans le cas du jeune recruté sur Telegram pour aider financièrement sa mère, cet adolescent venait d’arriver au Canada. Selon les statistiques citées par Tiago Murias, pas moins de 93 % des jeunes criminels sont issus de l’immigration.

C’est vrai qu’il y a un risque de stigmatisation, mais il faut trouver une solutiondit-il. On ne peut pas abandonner des quartiers entiers de Montréal parce qu’on dit que ses jeunes méritent moins que les autres.

Tiago Murias émet également l’hypothèse que les parents tout juste arrivés au Canada ne connaissent pas toujours les codes sociaux d’ici. Certaines personnes ont l’habitude de laissez les jeunes jouer dans la rue de leur pays.

L’avocat pénaliste est d’avis que certains parents pourraient être rencontrés pour leur expliquer davantage prosocial pour occuper leurs enfants. Mais dans ces quartiers aux infrastructures souvent défaillantes, cela peut constituer un défi, selon lui.

Prévention

Contrairement à de nombreux policiers, le chef de SPVM ne parle pas exclusivement de répression. Il favorise également la prévention. C’est aussi pourquoi il a demandé en début de semaine aux parents de collaborer avec la police. Quand quelqu’un frappe à ta porte, ce n’est pas par hasardprécise-t-il.

La police avait également tenté d’arrêter des personnes autour du jeune homme décédé à Frampton mi-septembre.

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Le directeur du Service de police de Montréal (SPVM), Fady Dagher (Photo d’archive)

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Tiago Murias est d’accord. Il n’est pas opposé à l’ajout de policiers, mais déplore que la prévention ait été négligée. En même temps qu’on parle d’ajouter des policiers et de durcir les peines, pourrait-on aussi investir de l’argent et rétablir des programmes qui ont été abrogés dans les profondeurs de la criminalité?

Il cite deux programmes qui ont fonctionné Bienmais qui ont été abrogés dans la région de Montréal lors d’un point bas du cycle de la délinquance dans les années 2010.

L’avocat estime également que la réhabilitation des parcs et autres infrastructures dans les quartiers habités par les jeunes qu’il représente aurait un effet positif, puisque ses clients se plaignent souvent de ne pas avoir rien à faire.

Durcir les peines ?

Lorsque le ministre de la Sécurité publique du Québec, François Bonnardel, évoque la possibilité d’allonger les peines de prison, Tiago Murias n’est pas d’accord.

Il faut arrêter avec ça, c’est un mythe qui n’a aucun fondement scientifique. Toutes les études de criminologie démontrent que la sévérité des peines n’a absolument aucun impact sur le taux de récidive.

Une citation de Tiago Murias, avocat criminaliste

Quant à Fady Dagher, il est plus nuancé. L’un des accusés dans l’incendie du Vieux-Montréal venait de purger une peine de neuf mois de prison pour une autre histoire d’incendie criminel et de possession d’arme à feu. Fady Dagher estime donc que la peine n’était peut-être pas assez dissuasive.

Mais il est également conscient que l’emprisonnement de certains membres du crime organisé ne les décourage pas du tout. Ces délinquants je préparerais voire en prison pour leurs prochaines missions, explique-t-il.

Je pense que tous les jeunes méritent notre aide partage Tiago Murias. Je pense que l’État a l’obligation morale d’aider ces jeunes, surtout lorsqu’ils repartent avec moins de vie.

With information from D’abord l’info weekend, Les faits d’abord and Gabrielle Proulx

 
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