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Troisième lien : un pont immense pour préserver les croisières ?

Le gouvernement Legault envisage la construction d’un pont routier comme troisième lien, privilégiant cette fois un corridor situé à l’est du Québec. Plusieurs détails ne sont pas connus, mais déjà une évidence s’impose : les infrastructures devront être élevées, très élevées, si l’objectif est de maintenir exactement le même trafic maritime sur le Saint-Laurent.

L’automne symbolise la saison des croisières dans la Vieille Capitale. Parmi les visiteurs réguliers, le Reine Marie 2 attire l’attention par sa taille imposante. Cette ville flottante pesant près de 80 000 tonnes mesure 345 m de long et 45 m de large.

Le géant des mers culmine à 62 m au-dessus du niveau du fleuve, bercé par les marées atteignant parfois jusqu’à 6 m dans la région. Il lui est donc impossible de traverser le pont de Québec, dont la hauteur libre sous l’ouvrage est de 47 m à marée haute.

Le pont du troisième maillon doit disposer d’un dégagement de 70 m pour permettre le passage des navires de croisière. Par exemple, le tablier du pont de Québec a un dégagement de 47 m, et le Queen Mary 2 mesure 62 m de hauteur.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperrière-Roy

Dernier port du Saint-Laurent accessible au paquebot, la compagnie de croisière Cunard a fait de la capitale québécoise un lieu d’embarquement et de débarquement pour un voyage transatlantique reliant Québec, New York, Southampton (Angleterre) et Hambourg (Allemagne).

Pour ce seul navire, quelque 6 000 passagers débutent ou terminent leur voyage au pied du Château Frontenac chaque année, selon les données du Port de Québec.

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Le Queen Mary 2 était, lors de son entrée en service en 2003, le plus grand navire de croisière au monde. Une quarantaine de navires l’ont désormais dépassé. (Photo d’archives)

Photo: Radio-Canada / Régis Desrosiers

La hauteur totale du Reine Marie 2 aurait pu être encore plus important. Pourtant, un obstacle majeur se serait dressé devant le navire et l’aurait privé d’une escale emblématique située dans le port de Brooklyn, face à la Statue de la Liberté et à l’île de Manhattan.

Là, la porte d’entrée vers la Big Apple depuis la côte est américaine nécessite un passage sous le pont Verrazzano-Narrowsdont la hauteur libre est de 69,5 m.

A marée haute, le Reine Marie 2 passe juste sous le tablier. Comme l’explique New York Times à l’occasion d’un reportage célébrant les 50 ans du pont, la cheminée du paquebot a été raccourcie par rapport aux plans initiaux, afin de permettre l’accès à la baie de New York.

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Un frein aux croisières ?

En optant pour un pont et le corridor à l’est, le gouvernement Legault ajouterait un obstacle potentiel à la navigation entre l’estuaire et les terminaux de croisière de la capitale. Pour rejoindre Québec, les paquebots n’auraient d’autre choix que de passer en dessous.

Si l’objectif est de maintenir exactement le même trafic maritime, y compris des navires de croisière du calibre de Reine Marie 2, l’ouvrage doit avoir une hauteur libre d’au moins 70 m au-dessus du chenal principal de la voie maritime.

La distance entre le sommet du navire et l’élément le plus bas du pont varie en fonction des caractéristiques de mouvement du navire et doit être d’au moins trois mètres.indique Transports Canada.

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Le corridor à l’est (en rouge foncé), privilégié par la Coalition Avenir Québec (CAQ), devra traverser la voie maritime et créera un nouvel obstacle sur le Saint-Laurent.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperrière-Roy

Plusieurs autres grands navires pourraient être concernés par un nouvel obstacle. LE Joie norvégienneun autre géant de 167 000 tonnes, accoste également au Québec avec ses 3900 passagers, sans oublier ses (pas si petits) frères Gemme norvégienne et Ciel norvégienou même lePrincesse émeraudede la compagnie de croisière Princess.

Cunard, propriétaire de Reine Marie 2, suivra de près ce qui se décidera au Québec.

Nous sommes conscients du projet et nous attendons avec impatience [prononcer] plus au moment opportun. Jusqu’à ce que nous ayons plus d’informations, nous ne pourrons pas commentera déclaré Sam Cole, porte-parole de la société anglo-américaine.

Le port prudent

Invité à partager son point de vue, le Port de Québec refuse de commenter spécifiquement le projet du troisième lien. Le Port de Québec ne s’est pas immiscé dans la discussion entourant le troisième lien et n’a pas l’intention de le faire» déclare immédiatement Frédéric Lagacé, porte-parole de l’administration portuaire.

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Le Norwegian Joy est l’un des plus gros navires à naviguer sur le Saint-Laurent jusqu’au Québec. Le voici dans le fjord du Saguenay, dans la Baie des Ha! Ha!. (Photo d’archives)

Photo : destination.saguenay.ca

Il rappelle cependant l’importance des croisières et leurs retombées économiques. Le Port de Québec sait que le gouvernement du Québec est bien conscient de l’importance des croisières internationales pour le Québec et des caractéristiques de ce créneau, pour toutes les escales et les navires sur le Saint-Laurent.

Citant les orientations stratégiques du ministère du Tourisme, M. Lagacé souligne un engagement dans l’accueil touristique : En le lisant, on comprend que, à travers lui, le gouvernement soutient le créneau des croisières internationales.

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En 2023, le Port de Québec a accueilli 154 000 croisiéristes et 41 navires de 28 compagnies différentes, totalisant 131 escales. (Photo d’archives)

Photo : Radio-Canada / Louis-Philippe Arsenault

La province a également investi beaucoup d’argent pour aider à moderniser les installations de croisière sur le Saint-Laurent, y compris au Québec. En 2018, le ministère du Tourisme a accordé 15 millions de dollars au Port de Québec pour la construction d’un deuxième terminal de croisière, au Quai 30, à l’embouchure de la rivière Saint-Charles.

L’autorité portuaire souhaite continuer à investir dans ses terminaux, visant notamment à électrifier les quais de ses Vision 2035 réduire l’impact environnemental de cette industrie, réputée polluante. On demande au gouvernement du Québec de couvrir la facture de plusieurs millions de dollars.

De plus en plus grand

De plus, on constate actuellement une tendance à la démesure dans le secteur des croisières. Si le Reine Marie Le n°2 était le plus grand du monde lors de son lancement en 2003, des dizaines de paquebots l’ont depuis délogé.

Selon l’International Cruise Line Association, la part des navires de 3 000 passagers ou plus dans la flotte active passera à 30 % en 2028, soit une hausse de 10 % par rapport à 2018. Le secteur est également en croissance depuis plusieurs années.

Autrement dit, certains bateaux qui pourraient venir au Québec dans le futur, grâce aux 20 m de colonne d’eau disponibles dans le fleuve et à l’absence d’obstruction, pourraient ne pas exister pour le moment.

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L’Icon of the Seas de Royal Caribbean est aujourd’hui le plus grand navire de croisière au monde. Pesant 250 800 tonnes, il est cinq fois plus lourd que le Titanic. (Photo d’archives)

Photo : Royal Caribbean International

Certains navires qui sortent des cales se trouvent aujourd’hui à plus de 65 m d’altitude, parfois plus. Beaucoup sont équipés de cheminées escamotables pour passer sous les obstacles.

C’est le cas de certains paquebots de la compagnie Caraïbes royalesqui possède la plus grande flotte de la planète. Construits au chantier naval de Turku en Finlande, ces navires doivent pouvoir passer sous la connexion du Grand Belt au Danemark afin d’atteindre l’océan Atlantique.

L’obstacle a une hauteur libre de 65 m qui serait infranchissable sans ces cheminées télescopiques.

Pont à haubans ou pont suspendu ?

Le pont Verrazzano-Narrows est l’un des plus longs ponts suspendus du monde et d’Amérique.

Long de 4,2 km, il fait quatre fois la taille du pont Pierre-Laporte. Selon l’ingénieur Bruno Massicotte, professeur de génie civil, géologique et minier à Polytechnique Montréal, cette technologie ne serait pas appropriée pour le troisième lien vers l’est. Ce type de pont nécessite des blocs d’ancrage imposants pour les câbles porteurs à chaque extrémité.précise-t-il.

Un pont à haubans serait probablement plus approprié, à son avis. Il cite comme exemple le pont de Normandie, qui relie Le Havre et Honfleur par l’estuaire de la Seine, en France. Un tablier légèrement plus haut serait nécessaire, mais globalement, ce type de structure est aujourd’hui plus plausible.

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Le pont de Normandie relie Le Havre à Honfleur, en France. (Photo d’archives)

Photo : Getty Images / Charly Triballeau

Comme d’autres avant lui, M. Massicotte convient qu’une hauteur libre d’environ 70 m serait nécessaire pour maintenir le même trafic dans la voie maritime qu’actuellement. Le Pont de Normandie, bien qu’inspirant, n’a qu’une hauteur libre de 52m.

A ces inconnues s’ajoutent l’insertion des approches du troisième maillon dans l’environnement bâti, la topographie du fond du fleuve (profondeur des pieux), les changements climatiques (montée du niveau de l’eau), les mesures de sécurité autour des piliers pour éviter un accident maritime. comme à Baltimore et, enfin, l’impact visuel des infrastructures sur le Vieux-Québec, classé au patrimoine mondial.UNESCO.

Tous ces éléments influenceront la faisabilité et les coûts de construction.

Québec prend des notes

Le gouvernement du Québec, pour sa part, estime qu’il est encore tôt dans le processus pour évaluer la hauteur et réaliser une modélisation, notamment parce que l’itinéraire n’est pas encore déterminé.

Le ministère des Transports et de la Mobilité durable tiendra compte du trafic actuel dans ses choix, affirme-t-on. Il est toutefois important de mentionner que le ministère prendra en considération la taille des navires circulant sur la voie maritime.écrit le porte-parole Nicolas Vigneault.

Québec promet de consulter les associations de pilotage, Transports Canada et d’autres partenaires maritimes. Comme pour tous ses projets, le ministère consultera les autorités compétentes et entend se conformer aux normes et règles en vigueur.

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a promis une mise à jour cet automne.

 
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