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« Prendre des chemins de traverse est une forme de liberté »

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Le paon qui fait la roue

En guise de respect, elle a concocté un programme « feu d’artifice », comme elle dit, doublant presque le nombre de réunions, qui montait parfois jusqu’à quatre par semaine. « Comme le paon fait la roue en présentant ses plus beaux atours », sourit-elle, elle a réuni, autant que possible, les auteurs qui lui tiennent à cœur, et avec qui elle a su nouer des liens de confiance. “Je me rends compte que ce qui relie ces personnalités, c’est leur liberté profonde, celle de ne pas avoir peur d’être soi, celle de prendre des chemins de traverse, celle de pouvoir allier profondeur et légèreté.”

Ainsi de l’écrivain égyptien Alaa El Aswany : « C’était très important pour moi qu’il ouvre les lumières de cette saison, le 17 septembre. Le soir d’Alexandrieson nouveau roman, est très proche de Le bâtiment Yacoubian. A la lecture, on comprend, de l’intérieur, comment un pays tombe dans la dictature. Seule la fiction permet ce genre d’expérience intime. Ainsi, deux jours plus tard, de Sophie Calle, la plasticienne qui fait de l’écriture un médium essentiel : « Qui est plus libre que Sophie Calle dans la façon dont elle conjugue sa vie personnelle et son travail d’artiste ? Je suis toujours émue par ce qu’elle a partagé avec le public.

Faire des étincelles ou pas

Impossible de citer tout le monde dans cette saison qui en dit long sur celui qui l’a mise en place. Mais signalons aussi, le 29 octobre, une rencontre improbable entre Giuliano da Empoli, l’auteur de Aimez-vous le Kremlin, et Edouard Philippe, ancien Premier ministre français et candidat à l’élection présidentielle de 2027 : « J’aime créer des duos étonnants. Dans ce cas, ce sont les similitudes de leurs parcours, entre engagement politique et écriture, qui ont attisé ma curiosité », explique-t-elle. Parfois ces couples font des étincelles, parfois c’est l’inverse, comme entre Luc Ferry et Bernard Werber, « qui ne se sont pas du tout trouvés ». En 2009, Jacques Chessex devait s’entretenir avec Amélie Nothomb, “tous deux étaient ravis” mais l’auteur de L’Ogre est décédé subitement peu de temps auparavant.

Citons également, dans cette ultime saison, une exposition de dessins de Patrick Chappatte (juste avant les élections américaines), Stephan Eicher, Catherine Lovey mais aussi Cédric Sapin-Defour, l’auteur du best-seller surprise (400 000 exemplaires), Son odeur après la pluie (« un favori d’une rare sensibilité sur la relation entre l’humain et l’animal »), le philosophe Charles Pépin (« un maître de la transmission joyeuse »), Christophe André, Vincent Kucholl et Vincent Veillon, Coline Serreau et, en guise de conclusion, le journaliste François Busnel (« parce qu’il incarnait la curiosité et le plaisir de lire et que nous avons marché en parallèle pendant toutes ces années »).

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La métamorphose du paysage

Delphine de Candolle nous sert une deuxième tasse de sencha. Vingt-cinq ans donc. Soit environ 1 300 rencontres, près d’une dizaine de cercles de lecture, un Festival de littérature jeunesse, une Semaine de la littérature anglophone dont la première édition vient d’avoir lieu. Le tout dans un paysage littéraire romand qui s’est transformé en un quart de siècle, avec l’entrée en scène de la Maison Rousseau et Littérature, de la Fondation Jan Michalski, du Livre sur les quais, du Festival du LÀC, et des librairies qui sont aussi devenues des lieux de rencontre avec les écrivains. Je crois en la complémentarité entre tous ces lieux. Avec des identités fortes et distinctes, nous ne touchons pas le même public, à part des passionnés qui circulent de l’un à l’autre », estime le dirigeant.

Alors pourquoi partir ? « C’est une question d’énergie », répond-elle promptement. « Si c’était à recommencer, je signerais à deux mains mais il faut le dire, c’est un métier de haute intensité… » Depuis une dizaine d’années, un thème prend de plus en plus de place dans la vie de Delphine de Candolle (et dans la programmation de la Reading Society), celle de la protection du climat et du bien-être animal.

Planter des graines

En lisant des essais, des articles de journaux mais plus encore en suivant des militants et des associations sur Instagram (« qui sourcent et recoupent leurs informations »), elle découvre et invite Blaise Hofmann, Pablo Servigne, Cyril Dion ou encore Camille Etienne. Ensuite, la nécessité de passer des paroles aux actes est devenue évidente. « Je compte me donner un an pour rencontrer des personnes qui m’inspirent sur ces questions et voir dans quelle mesure je pourrais être utile dans l’accompagnement de projets et de collectes de fonds par exemple. Si je peux seulement semer quelques graines pour faire avancer les choses, cela me semble logique.

Elle a mûri et préparé minutieusement ce départ avec Emmanuel Tagnard, journaliste de longue date à la RTS, devenu responsable de la communication et de la programmation anglophone de SDL. Depuis deux ans, ils se partagent également la responsabilité de la saison, « Emmanuel s’occupe du printemps et moi de l’automne ». A partir de janvier 2025, au départ de Delphine de Candolle, il concevra l’intégralité du programme. Une passation de pouvoir en douceur donc.

La théière est vide. Delphine de Candolle souhaite néanmoins partager une fierté : la force de l’esprit d’équipe qui unit les neuf personnes impliquées dans le fonctionnement du SDL, de la directrice administrative Lillian Chavan aux bibliothécaires, en passant par les membres bénévoles du Comité et du Commission de lecture. Nous avons également parlé de la déforestation, de la Bolivie en flammes et des conditions indignes imposées aux animaux dans les abattoirs. Un clin de cil et une heure s’était écoulée.

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