La présidente du Conseil du Trésor, Sonia LeBel, a renvoyé jeudi la balle à l’Autorité des marchés publics (AMP) pour que l’organisme de surveillance enquête sur les méthodes de l’Université TELUQ, qui utilise des fonds publics pour déléguer des travaux de recherche en éducation.
« C’est justement le travail de l’AMP de vérifier, donc nous la laisserons faire son travail si nécessaire. […] Sur des dossiers précis comme celui-là, c’est à l’AMP le choix d’intervenir”, a déclaré M.moi LeBel, dont le Secrétariat du Conseil du Trésor est responsable des processus d’appel d’offres.
Devoir a révélé jeudi que la TELUQ avait utilisé près d’un million de dollars provenant des écoles pour déléguer des activités de recherche pédagogique à une entreprise privée, GECA. Un appel d’offres de la TELUQ pour des services dans les écoles a notamment été préparé par un professeur en éducation, Steve Bissonnette, qui avait des liens avec les soumissionnaires.
Malgré cela, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a affirmé qu’il ne remettait « pas du tout » en question sa confiance envers la TELUQ, dont il vante souvent les programmes courts pour l’accès à la profession enseignante. « Ce que nous dit la TELUQ, c’est que depuis le changement d’administration [en 2018]le processus d’attribution des contrats a été resserré. J’ai donc confiance que la TELUQ fera respecter les règles d’attribution des contrats. »
L’ancien directeur général de la TELUQ, Martin Noël, avait été suspendu en juillet 2018 par la ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, la libérale Hélène David, en raison d’« irrégularités », dont certaines liées à la Loi sur les contrats des organismes publics.
Lorsqu’elle arrive au pouvoir quelques mois plus tard, la Coalition Avenir Québec minimise alors l’importance du sujet. Le ministre de l’Éducation de l’époque, Jean-François Roberge, affirmait que le dossier avait été « un peu gonflé sous le gouvernement précédent ». M. Noël s’est également réhabilité en 2019 et est revenu à un poste d’enseignant à la TELUQ.
L’appel d’offres Devoir rapporté a également été signé en 2017 par deux directrices de la TELUQ, Louise Boucher et Caroline Brassard. M.moi Brassard a été choisi par le ministre Drainville en décembre 2023 pour présider un comité d’experts. Puisque ce comité devait principalement approuver les formations offertes par la TELUQ, sa nomination a été critiquée par les doyens et l’opposition, qui y voyaient un conflit d’intérêts.
« Drapeaux rouges »
A l’Assemblée nationale, le député de Solidarité Ruba Ghazal a demandé au gouvernement d’enquêter sur cette affaire.
Le cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, estime que ce n’est pas à lui d’enquêter. « Une chose est sûre : les processus d’appel d’offres doivent être respectés. Nous ne commenterons pas les faits allégués pour le moment, mais si nécessaire, nous laisserons les autorités compétentes faire la lumière », a écrit le attaché de presse Simon Savignac.
Le chef libéral par intérim, Marc Tanguay, a déclaré de la situation à la TELUQ qu’elle « soulève des questions légitimes quant au respect des règles d’éthique et de transparence ». “Beaucoup de signaux d’alarme, c’est une affaire qui soulève beaucoup de questions”, a-t-il déclaré.
«Ce n’est pas normal», a également affirmé le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon. « Si nous envoyons des fonds publics à une entreprise privée avec laquelle nous sommes de connivence et que nous en tirons des bénéfices, il est clair que les fonds publics ne sont pas utilisés pour la recherche. C’est un problème de gouvernance. C’est le emploi du gouvernement pour s’assurer, en termes d’utilisation des fonds publics, que les objectifs sont atteints. »
La députée Ghazal a déclaré qu’elle trouvait « c’est très, très inquiétant, ce qui se passe à la TELUQ avec ce chercheur ». [Steve Bissonnette] « . « Ce n’est pas la première fois », a-t-elle souligné. «J’aimerais que le ministre Bernard Drainville et le gouvernement – ou Pascale Déry – enquêtent sur la situation», a-t-elle ajouté. Elle rappelle avoir exprimé précédemment ses inquiétudes concernant les formations courtes menant à la profession d’enseignant. « Ce qui m’inquiète beaucoup, c’est la qualité de la formation. Et après, ces formations s’appuient sur des recherches comme celle-là, qui sont privées », précise-t-elle.
Le cours court TELUQ comprend des cours sur « l’enseignement efficace ». M. Bissonnette mène plusieurs recherches sur l’une de ses composantes, le « soutien comportemental positif ». Il vend également des formations aux écoles sur ce sujet à travers son entreprise privée.
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