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Quand le coeur n’est plus là

En mai dernier, le conseil général de Québec solidaire (QS) tenu à Jonquière s’est terminé sur une note amère pour plusieurs. La rébellion contre le virage « pragmatique » que voulait imposer Gabriel Nadeau-Dubois avait été brisée, mais bien des cœurs avaient également été brisés.

La Déclaration du Saguenay se voulait le point de départ d’une « mise à jour » du programme qui ferait de QS un véritable « parti de gouvernement », ce que les opposants voyaient plutôt comme sa transformation en un parti « comme les autres ».

Après le déluge de lettres ouvertes qui a précédé le conseil général, les derniers mois ont été marqués par un silence qui devrait être plus inquiétant que rassurant pour la suite. Le pire qui puisse arriver à QS n’est pas que le débat reprenne, mais qu’il s’éteigne faute de protagonistes. Mieux vaut une agitation qu’une anémie.

On trouve peut-être qu’Émilise Lessard-Therrien avait une vision trop romantique de l’action politique, mais cette vision était néanmoins partagée par de nombreux militants, pour qui le soi-disant pragmatisme est plutôt synonyme d’opportunisme.

À leurs yeux, le traitement réservé à l’ancienne députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue lors de son bref mandat de porte-parole des femmes démontrait que QS était en train de perdre son âme.

L’absence de course à la succession et le sacre prochain du député de Mercier, Ruba Ghazal, qui veut incarner « l’unité du parti et l’amour du Québec », reflètent peut-être une sorte de résignation et un refus de se lancer dans un jeu. où les dés semblent pipés.

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L’activisme politique est une affaire de conviction qui parfois s’accorde mal avec des considérations stratégiques qui s’apparentent à un déni. On a vu par le passé où la recherche de « conditions gagnantes » et d’« assurances morales » a mené le Parti Québécois (PQ). Quand le cœur n’est plus là…

A l’Assemblée nationale, l’efficacité de l’aile parlementaire de QS et de son leader est indéniable. Plus précisément, ils sont critiqués pour avoir participé à ce qu’Amir Khadir a décrit comme le « ronronnement du parlementarisme » et pour être tombés dans le piège de l’électoralisme.

Si au moins les électeurs se laissaient tromper ! La dernière enquête Pallas Data réalisée pour le site Qc125 et le magazine Nouvelles ne fera rien pour apaiser les militants qui croient eux-mêmes avoir été piégés. Cela risque plutôt de renforcer leur impression que, loin de s’approcher du pouvoir, le « parti du gouvernement » s’en éloigne.

Entre juin et septembre, les intentions de vote pour QS seraient passées de 16 % à 12 %, leur plus bas niveau enregistré depuis février 2022, et le parti se retrouverait désormais au quatrième rang, derrière le Parti conservateur du Québec.

Certes, beaucoup de choses peuvent changer d’ici les prochaines élections, mais l’enquête contient néanmoins des données assez inquiétantes, notamment en ce qui concerne le vote des jeunes. Pendant des années, dans tous les sondages, QS a largement dominé la tranche d’âge des 18-34 ans. Selon Pallas Data, le PQ détient désormais une avance de 13 points (33-20).

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Après le début de session catastrophique du gouvernement Legault, la CAQ devrait être soulagée de voir son parti se retrouver au même niveau (22 %) qu’en juin dernier. Un peu comme si les partisans du Canadien avaient appris la « bonne nouvelle » qu’ils avaient perdu le nouveau sauveur de Sainte-Flanelle, Patrik Laine, pour une durée de trois mois plutôt que six.

Cependant, rien ne garantit que le sol ait été touché. Si bon nombre d’électeurs péquistes qui avaient rejoint la Coalition Avenir Québec en 2018 pour se débarrasser des libéraux de Philippe Couillard sont rentrés chez eux, Paul St-Pierre Plamondon semble désormais vouloir séduire aussi ceux qui sont déçus d’avoir attendu en vain que le Legault Le gouvernement procède à un « nettoyage » de l’appareil d’État.

La grande inconnue demeure l’effet que pourrait avoir l’élection du prochain chef du Parti libéral du Québec (PLQ) et sa capacité à récupérer également les électeurs qui l’ont déserté. Dominique Anglade n’y est pas parvenu, mais la résurrection du PQ et la possibilité d’un troisième référendum pourraient faciliter la tâche de son successeur.

Toutefois, ceux qui ont déménagé à la CAQ ne sont pas les seuls visés. Lors de l’élection partielle de mars 2023 dans Saint-Henri–Sainte-Anne, plusieurs libéraux déçus par leur parti se sont clairement abstenus de voter, mais d’autres ont sans doute contribué à la victoire du solidaire Guillaume Cliche-Rivard. Le PLQ cherchera également à les rapatrier. La tâche sera d’autant plus facile si le cœur n’y est plus.

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