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Une nouvelle forme de vie dans un lac… gelé depuis 3000 ans ! – .

Non, ils n’ont visiblement pas attrapé de poisson. Au lieu de cela, ils ont découvert une nouvelle forme de vie : un groupe de bactéries si sans rapport avec celles que nous connaissons qu’il s’agit d’une nouvelle « classe », un groupe important et assez élevé dans « l’arbre de la vie » – l’équivalent animal des mammifères ou des reptiles. .

« C’est quand même extraordinaire qu’en 2023, on découvre encore de nouvelles classes de vie sur Terre. Cela montre que nous avons encore beaucoup à apprendre ! s’enthousiasme le professeur de biologie Warwick Vincent, qui a fait la découverte avec le doctorant Adrien Vigneron et sa collègue de l’UL Connie Lovejoy. Leur article est paru en août dernier dans la revue scientifique Communication ISME.

Cette nouvelle classe de bactéries a été découverte dans le lac A, situé sur l’île d’Ellesmere, dans le haut Arctique canadien. Il s’agit d’un lac qui n’a pratiquement jamais été libre de glace depuis 3000 ans, mais « on a vu la glace fondre une ou deux fois au cours des 25 dernières années », explique M. Vincent. En revanche, il existe encore des algues microscopiques capables de réaliser la photosynthèse. [le processus par lequel les plantes se servent de l’énergie solaire pour produire des sucres, ndlr] en été, proche de la surface. Ensuite, ces microalgues vont couler au fond et fournir une Source de sucres et d’acides gras aux bactéries, un peu à l’image de ce qui se passe au fond des océans.

Mais ce fond a une particularité étonnante : l’eau y est salée. Lors de la dernière glaciation, qui a culminé il y a environ 20 000 ans, toute la région était recouverte de glaciers de plusieurs kilomètres d’épaisseur, dont la masse était telle qu’elle « coinçait » la croûte terrestre. Après la fonte de la calotte glaciaire, le sol a progressivement commencé à s’élever et certaines zones qui avaient été poussées sous le niveau de la mer ont émergé. C’est ainsi qu’une ancienne poche d’eau de mer s’est retrouvée coincée dans le lac A depuis des millénaires.

L’eau salée étant plus dense que l’eau douce, elle remplit tout le fond du lac : l’eau douce ne forme qu’une sorte de « capuchon » d’une quinzaine de mètres d’épaisseur. En contrebas et jusqu’au fond du lac, à 128 mètres de profondeur, l’eau est salée et totalement dépourvue d’oxygène. C’est là qu’apparaît une nouvelle classe de bactéries, nommée tariuqbacter (tariuksignifie « eau salée » en inuktitut) a été découverte. Il n’a pas été isolé ni observé directement, mais plutôt détecté grâce à la « génomique environnementale », une technique qui consiste à prélever un échantillon d’eau et à « lire » les gènes qui y sont présents.

« La découverte de nouvelles espèces bactériennes est toujours intéressante à cet égard car elle suggère la découverte de nouvelles substances bioactives qui pourraient avoir toutes sortes d’applications. »

— Warwick Vincent, biologiste, Université Laval

Ces gènes nous indiquent que tariuqbacter est suffisamment éloigné des autres bactéries que nous connaissons pour parler d’une nouvelle « classe », comme mentionné ci-dessus. Et ce que l’on sait de ces gènes – dont certains sont également présents chez des bactéries connues – indique qu’il est capable de se nourrir de composés soufrés, très présents au fond du lac.

Or, non seulement le tarioqbacter est « présent » dès une quarantaine de mètres de profondeur, mais il devient la zone dominante (la plus abondante) au-delà de 65 m. «C’est un aspect qui nous a surpris», commente M. Vincent. Il a été mesuré que les tariuqbacter représentent pas moins de 36 % des bactéries actives au fond du lac. On pense qu’il pourrait disposer de mécanismes lui permettant de dominer de cette manière, comme la suppression de ses concurrents avec des substances biotoxiques. Et justement, la découverte de nouvelles espèces bactériennes est toujours intéressante à cet égard car elle suggère la découverte de nouvelles substances bioactives qui pourraient avoir toutes sortes d’applications.

Maintenant, (au moins) une grande question demeure : dans quelle mesure la classe tariuqbacter est-elle abondante ou rare sur Terre ? A prioriil semble invraisemblable qu’elle n’ait été présente que dans la poche d’eau de mer restée piégée dans le lac A, ou qu’elle était abondante il y a quelques milliers d’années mais ait complètement disparu – même si ce n’est pas non plus totalement impossible.

Le fait est, en vérité, que nous n’en savons rien car l’océan Arctique reste peu exploré, et cela est particulièrement vrai de ses profondeurs.

“Je pense qu’il est possible qu’un jour nous trouvions cette classe dans les profondeurs de l’océan anoxique. [les zones sans oxygène, ndlr], a déclaré M. Vincent. Nous savons qu’il existe des « trous » anoxiques dans l’océan Arctique, mais nous n’avons pas encore effectué d’analyses moléculaires de ces eaux pour lire l’ADN bactérien. Il est donc possible que tariuqbacter soit présent dans les profondeurs des océans, et nous savons désormais quels gènes rechercher.

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