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De l’Essonne au Loiret, les quartiers populaires progressent à pas de géant – Libération

De l’Essonne au Loiret, les quartiers populaires progressent à pas de géant – Libération
De l’Essonne au Loiret, les quartiers populaires progressent à pas de géant – Libération

Rue des Cités, au cœur du quartier Villette-Quatre Chemins d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), artistes et artisans créent, répètent et phosphorent depuis plus de vingt ans dans une ancienne usine de charbon. Autour d’elle, des HLM, une résidence sociale, quelques maisons individuelles et de petits immeubles d’habitation privés.

C’est dans cette friche culturelle, baptisée « Villa mais d’ici » en clin d’œil à la Villa Médicis romaine, que la jeune brésilienne Renata s’est réfugiée cet hiver, en attendant de trouver un appartement adapté à sa taille. . Pas si simple : l’étudiant est un « géant » de près de 4 mètres de haut, une marionnette en papier mâché, aux yeux verts et aux cheveux noir de jais, née de l’imagination et de l’ingéniosité DIY de Great , une compagnie de spectacles de rue.

Un après-midi de janvier, la directrice artistique de la compagnie, Pauline de Coulhac, nous guide vers ce personnage hors format à travers la ruche de la Villa mais d’ici – le lieu rassemble désormais une quarantaine de structures artistiques. Dans un petit atelier aussi froid que dehors, de gros cartons s’alignent sur des étagères. Les géants y sont soigneusement stockés dans du papier bulle, visages, bras et torses pêle-mêle, comme s’ils attendaient patiemment de reprendre vie. Parmi eux, Renata, qui nous dévisage dès que l’on ouvre la boîte. Elle est l’un des piliers de 88 avenue de la Républiqueun spectacle Great People en cours de création.

“Il faut des histoires, c’est elles qui nourrissent le spectacle”

Consacré à la question du droit au logement, il fait partie du cycle « En-jeu » consacré aux conquêtes sociales du 20e arrondissement (sécurité sociale, droit du travail…). Théâtre d’objets pour petits et grands, pour rappeler que des acquis peuvent être remportés, que les luttes sociales peuvent être victorieuses, mais jamais définitives. Et aujourd’hui, en , 330 000 personnes dorment dans la rue. « Nous sommes le pays du droit au logement opposable, mais nous ne le faisons pas respecter ! Le parc locatif privé est toujours la jungle. » regrets Pauline de Coulhac.

L’écriture et la scénographie de 88 avenue de la Républiquequi se jouera dans l’espace public, s’appuie sur les témoignages et les idées des habitants rencontrés. L’équipe artistique, notamment l’auteur Jean-Baptiste Evette et deux plasticiens, multiplie les étapes de travail au plus près de son sujet, comme au sein de la résidence sociale de Barceleau, aux Ulis (Essonne), en partenariat avec le bailleur. Toit et Joie-Poste Habitat, ou encore dans le quartier populaire de Saint-Blaise, à Paris. Comment vivre avec l’angoisse de trouver un logement, de payer un loyer, de se retrouver à la rue ? Que signifie vivre quelque part, partager des espaces communs ? Qu’est-ce qu’un habitat idéal ? Les déambulations de Renata dans les rues des Ulis, au marché ou dans un centre social facilitent les échanges. Plus médiateur que personnage, la marionnette brandit son signe “Jeune géante cherche un logement idéal”. Cette interpellation poétique et silencieuse crée un lien simple et efficace avec les habitants. “Elle ne parle pas, donc elle parle toutes les langues” souligne Jean-Baptiste Evette. En effet, Renata a déjà reçu plusieurs offres d’hébergement de la part d’associations ou de simples citadins, raconte Pauline de Coulhac, pour qui la jeune géante est la clé de la rencontre. « Lorsqu’ils l’accueillent, les gens nous racontent leur vie. Nous ne sommes pas des sociologues, nous avons besoin d’histoires, ce sont elles qui nourrissent le spectacle.

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Renata, comme ses alter ego, nécessite plusieurs jours de travail, avec plusieurs mains : sculpteur, peintre (pour les détails du visage et de la peau), costumière et couturière (il faut au moins 6 mètres carrés de tissu pour une seule paire de pantalon)… Souvent, les habitants des quartiers où sont créées les marionnettes s’en mêlent. “On ne fait pas un géant seul !» insiste le réalisateur. Les matériaux et procédés de fabrication sont accessibles et transférables : bouteilles recyclées, papier mâché, ruban adhésif, simples ciseaux, etc. Tout est démontable et transportable. « Ce qui nous passionne, ce sont ces petites techniques géniales. Mis bout à bout, ils produisent des choses incroyables. Nos géants sont presque immortels. Une fois la marionnette finalisée, deux porteurs sont nécessaires : il faut être aidé pour la hisser sur le dos à l’aide d’un support de transport (appareil destiné aux charges lourdes, souvent utilisé par les pompiers), et se relayer toutes les quarante-cinq minutes, car les marionnettes ne sont pas des poids plumes. Les géants ne sont pas discrets : ils sont là pour être vus. Leur taille semble rappeler que lorsqu’on vit dans des lieux relégués, il faut s’élever plus haut, parler plus fort, pour apparaître.

« Si la poésie doit être efficace, c’est ici »

Rendre visible ceux que la société a tendance à laisser de côté est aussi une prouesse souvent répétée par les Souffleurs commandos bleues, autre collectif artistique basé à Aubervilliers. L’un de leurs projets est à cet égard emblématique : il y a quelques années, à Beaugency (Loiret), un festival leur a commandé une intervention dans l’espace public. Ils n’ont pas mis longtemps à choisir Garambault, un quartier défavorisé en périphérie de la ville, qui ne figurait même pas sur le site de la mairie dans la liste de ses quartiers – tout un symbole ! “On s’est dit : si la poésie doit être efficace, c’est ici.” » déclare Olivier Comte, co-directeur des Souffleurs. Ainsi pendant des mois, en lien avec les écoles et les habitants, les artistes ont préparé une immense déclaration d’amour en centre-ville, tel un amant éconduit qui tenterait le tout pour le tout : 800 panneaux d’écritures amoureuses brûlantes sont réalisés, empruntant aux paroles des enfants. et les adultes du quartier, et à partir des textes de René Char, Adonis, Duras ou Verlaine.

Animés par des habitants, ces panneaux défilent sur le marché central de Beaugency, et font l’objet d’une immense installation sur 2 hectares, dans un parc de Garambault. À la tombée de la nuit, ces écrits sentimentaux s’éclairent d’une multitude de feux. Le spectacle est inattendu, magique. « Les gens nous disaient : personne ne viendra à Garambault. Mais 3 000 personnes sont venues, le moment était extraordinaire. » se souvient Olivier Comte. Depuis cette intervention des Souffleurs, la ville a décidé de réélectrifier le quartier, et d’y organiser son festival annuel. Et bien sûr, Garambault est entré sur le site officiel de la mairie… « On nous dit parfois que l’art, c’est de la poudre aux yeux, des paillettes, et bien non ! Avec des projets conçus spécifiquement, avec sensibilité, pour un quartier, pour un lieu, les poètes aident aussi à penser le monde, à le transformer.

 
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