Les Français sont bien logés. Cette déclaration hérissera tous ceux qui sont en charge d’un hébergement d’urgence ou qui seront confrontés aux listes interminables de demandeurs de logements sociaux. Pourtant, avec du recul, il apparaît que les Français sont parmi les mieux logés des différents pays de l’OCDE.
La France connaît un taux de surpopulation relativement faible (6 % contre 11 % dans la zone OCDE), aidé par la taille relativement petite des ménages. De même, il se classe au deuxième rang des pays où le pourcentage de locataires à faibles revenus consacrant plus de 40 % de leurs revenus au loyer est le plus faible (17 % contre 35 % dans l’OCDE). Enfin, la durée moyenne des déplacements domicile-travail est inférieure à la moyenne de l’OCDE (23 minutes contre 30 minutes), ce qui suggère qu’un grand nombre de personnes peuvent se permettre de vivre relativement près de leur lieu de travail . La satisfaction à l’égard du logement s’élève en moyenne à 7,7 sur 10 en 2020, avec évidemment une disparité selon l’âge du répondant. Le confort des logements s’est amélioré entre 2013 et 2020 selon l’Insee, avec une diminution des logements humides, bruyants et sombres. Enfin, les émissions de gaz à effet de serre liées au chauffage et à la climatisation des logements français étaient inférieures de 21 % à la moyenne de l’Union européenne.
Un chiffre insuffisant pour répondre aux besoins d’une population qui ne cesse de croître
La raison de cette satisfaction globale ? Un effort considérable pour construire de nouveaux logements. 19 % du parc immobilier français a été construit après l’an 2000 contre 12 % en Allemagne ou 14 % en Suède. La France compte 7,3 millions d’habitants en plus depuis 2000 alors que le Royaume-Uni est plus peuplé de 9,5 millions d’habitants. Sur la période, nous avons produit 2,5 fois plus de mètres carrés résidentiels. Il n’est pas surprenant que 51 % des locataires à faible revenu en Grande-Bretagne consacrent plus de 40 % de leurs revenus au loyer.
-Alors pourquoi parler de la crise du logement en France ? Parce que notre pays a décidé, volontairement, de restreindre l’offre de logements. D’une part, le nombre net de logements ajoutés au parc – chiffre inférieur aux logements livrés bruts de destruction, lui-même inférieur aux mises en chantier, lui-même inférieur aux autorisations d’urbanisme – restera en permanence autour de 220 000 logements. Ce chiffre est insuffisant pour répondre aux besoins d’une population qui ne cesse de croître et dont la déshabitation et la concentration autour des zones métropolitaines et côtières s’accélèrent.
Une transition écologique dans l’habitat au détriment des impacts sociaux
Les conséquences sont connues. Les taux d’inoccupation et de rotation du parc locatif social et privé continueront de baisser. La pression sera transférée sur les nouveaux locataires, les étudiants, les ménages en instance de séparation ou les travailleurs mobiles. En revanche, la transition environnementale du logement se fait au détriment des impacts sociaux. Imaginons que tous les logements estimés en classes F et G au 1er janvier 2022 (soit 5,2 millions) rejoignent la classe D, on réduirait l’empreinte carbone annuelle de la France de 0,56 %. En contrepartie, il y a des logements indécents qui seront retirés de la location, ce qui entraînera une augmentation des loyers et une suroccupation des logements. Si les logements les moins performants sont occupés par des ménages aux revenus modestes et que la hausse continue des prix de l’énergie les pénalise, la contraction de l’offre locative les menace encore plus. Enfin, la fin brutale de l’accès à la propriété ne sera pas sans conséquences à long terme. Pour rappel, le pourcentage de ménages propriétaires de leur résidence principale est resté inchangé depuis 2004, à 57 %, lorsque nous connaissions les taux d’intérêt les plus bas de l’histoire économique.