Depuis le début de la semaine de préparation de l’équipe de France, il semble que le mantra soit le même : ne pas parler directement de victoire, mais de progression ; sans parler du Grand Chelem, mais des succès à chaque match ; non seulement viser le Tournoi des Six Nations à court terme, mais regarder plus loin avec la Coupe du monde de rugby 2027 en Australie. Cela évite de faire des promesses et d’échouer.
Avancer tranquillement avec l’envie de gagner, mais avec prudence, avec humilité, car ils savent si bien qu’un faux pas peut facilement se produire. Autre héritage de la Coupe du monde de rugby 2023 qu’ils étaient logiquement censés gagner et qu’ils ont laissé filer, ou de ce match nul 13-13 l’an dernier face à l’Italie, équipe qu’ils ont très souvent remportée.
Mais d’un autre côté, les observateurs et les supporters s’impatientent : un seul Tournoi remporté en cinq éditions (Grand Chelem 2022), une deuxième place quatre fois ces cinq dernières années, des joueurs de club brillants (Top 14 ou Champions Cup) mais qui chutent toujours. trop juste face aux autres sélections nationales alors que les enjeux sont importants. Comme si l’équipe française était victime du syndrome du dernier kilomètre, ce concept propre à la logistique qui couvre le dernier segment de la chaîne de livraison d’une commande.
La peur de stagner
« Nous commençons ce Tournoi pour le gagner, comme chaque année », a déclaré Fabien Galthié lors du lancement de la 25e édition du Tournoi à Rome, mardi 21 janvier. « Il y a cette attente d’un titre, toujours. Cela est dû à nos bons résultats ces dernières années et à la popularité de l’équipe de France. On ressent vraiment cette attente, dans et autour de l’équipe. Il y a une pression très forte mais c’est une bonne pression. C’est agréable, ça nous stimule.
« Nous avons acquis de l’expérience sur les cinq derniers Tournois, chaque compétition nous a permis de mieux nous préparer, d’essayer de faire mieux à chaque fois. Nous sommes plus matures dans notre approche il me semble. Même si cela n’augure rien de bon pour le résultat, qui reste aléatoire et n’a parfois rien à voir, un rebondissement, une décision arbitrable, un geste juste ou une grossière erreur… »
Ne pas faire mieux que le Autumn Nations Series de novembre dernier – un trois sur trois face au Japon, à la Nouvelle-Zélande et à l’Argentine – serait un échec. Mais cette soif de progrès est aussi un aveu de fragilité. Une prestation ratée pourrait briser la bonne dynamique des Bleus.
“Nous abordons ce Tournoi dans la continuité de la tournée de novembre, notre dernière compétition”, a confirmé Laurent Sempéré, co-entraîneur des avants des Bleus, en conférence de presse le lendemain à Marcoussis. « Nous souhaitons d’abord maintenir les acquis que nous avons pu obtenir lors de cette tournée de novembre. Nous avons également pu orienter certains points de progrès vers lesquels nous souhaitons aller. C’était important pour nous de renouer avec les joueurs, de leur donner nos idées, la manière dont nous allions vouloir faire évoluer la méthode et notre jeu. Nous faisons tout cela pour gagner, comme nous l’avons fait en novembre et comme à chaque compétition. »
Quelle équipe pour relever le défi ?
Depuis les Autumn Nations Series, le groupe de la France a largement évolué entre joueurs blessés en phase de récupération (Jean-Baptiste Gros, Cyril Baille, Tevita Tatafu, Mickael Guillard, Anthony Jelonch et Paul Willemse, Gael Fickou, Alexandre Roumat, Reda Wardi). , Jonathan Danty, Thibaud Flament) et Charles Ollivon que l’on ne reverra que dans un moment.
« Nous avions besoin de voir le développement des joueurs. Le niveau de forme physique de chacun. C’est ce que nous faisons tout au long de cette semaine. On voit la progression et la disponibilité physique des joueurs. Mentalement, on voit que chacun d’eux a vraiment envie de participer », a affirmé Sempéré.
-A l’inverse, des valeurs sûres reviennent à l’image du brillant lien toulousain Antoine Dupont – Romain Ntamack. « Antoine est notre capitaine, c’est donc un retour important. Il est bien revenu cet automne et il porte avec lui – au-delà de ses qualités de rugbyman – une aura intérieure. Et en externe», précise Fabien Galthié.
« Romain a été grièvement blessé juste avant la Coupe du monde. Puis il a de nouveau raté la tournée de novembre en raison d’une blessure. C’était très dur pour lui. Nous avons traversé des moments difficiles, celui-ci en faisait partie. Il a travaillé dur pour revenir très fort et il semble prêt et déterminé. Pour l’équipe de France, c’est encore une charnière qui joue à Toulouse et qui est performante. Cela donne de la stabilité, un cadre. »
« Pour ma part, depuis que j’entraînais l’équipe de France, je n’avais jamais eu l’occasion de l’avoir dans le groupe. J’en suis content», reconnaît Sempéré, pas surpris par l’évolution du groupe France. « C’est un groupe vivant », remarque-t-il sobrement.
Les autres équipes ne sont pas en reste en termes de blessures comme l’Angleterre (Jamie George, Alex Mitchell, Alex Coles, Jack Van Poortvliet, Alex Dombrandt), le Pays de Galles (Sam Costelow, Cai Evans, Dewi Lake, Ryan Elias, Liam Belcher, Efan Daniel). , Henry Thomas, Keiron Assiratti, Archie Griffin, Harri O’Connor, Sam Wainwright…), d’Écosse (Sione Tuipulotu, Dylan Richardson…), d’Irlande (retours attendus de James Lowe et Dan Sheehan) et l’Italie (Louis Lynagh, Andrea Zambonin, Ivan Nemer…).
La malédiction des années impaires
66% des joueurs du XV de France sont issus des trois meilleurs clubs du Top 14 : Unions-Bordeaux-Bègles, Stade Toulousain et RCT Toulon. « Notre travail est de récupérer cette énergie qui vient des clubs et de la recentrer sur une seule équipe. Nous avons des clubs qui fonctionnent bien, il faut nous recréer une équipe, une harmonie, dans des délais courts. Si nous parvenons à récupérer cette énergie et à bien la transformer, nous serons compétitifs. Mais ce n’est pas gagné d’avance », rappelle Fabien Galthié, désireux de conjurer le sort des années impaires.
Car avec trois déplacements importants coup sur coup (Angleterre, Irlande, Italie), entre la réception du Pays de Galles et de l’Ecosse, le Tournoi des 6 Nations 2025 s’annonce comme un monument cette année. Les Français ressentent une immense pression, mais les cicatrices des échecs passés sont encore palpables.
« Nous aimerions avoir une liste de réalisations plus complète mais cela dépend de nous. C’est nous qui sommes sur le terrain et c’est à nous de faire les efforts nécessaires pour élargir cette liste. On a un groupe qui vit bien, qui joue bien. Maintenant, il faut que ça porte ses fruits», a admis François Cros en conférence de presse mardi 21 janvier. «C’est vrai que les résultats ne sont peut-être pas réussis dans le sens où il manque des trophées mais encore une fois, c’est un groupe qui travaille bien et joue de bons matchs. Il faut maintenant arriver à pérenniser cela et à le valider par quelque chose. »
« La France n’a remporté le Tournoi des 6 Nations qu’une seule fois les années impaires, en 2007, sans Grand Chelem. Cela montre la complexité qui nous attend pour performer cette année. Mais cela n’enlève rien à la beauté du défi et à l’envie de faire quelque chose de grand », rappelle Fabien Galthié. Il est grand temps de conjurer le destin.