L’enquête de la Cour de justice de la République (CJR), qui a visé trois membres du gouvernement dont l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, « a mis au jour des failles béantes du système de santé français, que la gestion erratique du Covid a jeté une lumière crue ». , affirment les journalistes du « Monde », auteurs d’enquêtes sur François Fillon ou Nicolas Sarkozy.
Edouard Philippe, l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn et son successeur Olivier Véran faisaient l’objet de cette information judiciaire ouverte en juillet 2020, notamment pour mise en danger de la vie d’autrui. Fermée fin novembre, elle était menée par la CJR, seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Placés sous le statut plus favorable de témoin assisté, les trois dirigeants politiques devraient bénéficier d’un non-lieu. Mais les quatre années d’enquête ont étoffé un dossier de plusieurs dizaines de milliers de pages qui pourrait alimenter l’enquête ouverte en parallèle par la Cellule de santé publique du tribunal judiciaire de Paris, où personne n’a été mis en examen à ce stade selon une source. proche du dossier.
Scandale des masques
Interrogé sur l’avancée de cette information judiciaire, le parquet a simplement indiqué que les enquêtes à son encontre étaient en cours”.
L’ouvrage qui paraît ce mercredi aux éditions Flammarion, propose un récit de cette instruction à la CJR, à partir de documents – auditions, rapports, mails, SMS – que se sont procurés les deux journalistes. Selon eux, il révèle que « l’État a commis une erreur, par incompétence et/ou impréparation », « en ne prenant pas assez vite le virus au sérieux », en « laissant sciemment derrière lui les outils de réponse sanitaire » comme Santé publique France ». en malaise financier », « en négligeant le stock de masques » ou encore en « trompant les Français sur le port du masque ».
“Quand nous avons réussi à prendre connaissance de cette procédure, dont rien n’a filtré depuis cinq ans, nous avons eu une sensation de vertige”
-
«Quand nous avons réussi à prendre connaissance de cette procédure dont rien n’a jamais fuité depuis cinq ans, nous avons eu une sensation de vertige», raconte Fabrice Lhomme sur France Inter ce mercredi matin. « Nous avons découvert dans le dossier judiciaire des éléments parfois secrets défense, des éléments inédits, des échanges de mails ou de SMS au plus haut niveau de l’Etat… Des éléments qui jettent un tout nouveau jour sur la gestion de la crise du Covid, et surtout sa six premiers mois. Cela donne une toute autre lecture de cette affaire. »
L’ouvrage s’intéresse aux stratégies de défense des trois ministres, dont les auditions portent sur le manque d’équipements de protection pour les soignants et la population, les “erreurs sur la nécessité du port du masque” ou encore le maintien du premier tour des élections municipales en mars. 2020, « alors que les clusters se multipliaient ».
“Nous aurions dû être suréquipés”
“Nous avons extrait des documents qui prouvent qu’en septembre 2019, il y a des agences de l’Etat qui disent déjà qu’il faut reconstituer les stocks de masques : on ne le fait pas pour des raisons purement budgétaires”, explique Gérard Davet. « Certains rapports disaient qu’une crise sanitaire imminente était inévitable, que nous y avions droit et qu’il y avait moyen de s’y préparer, au moins dans les premières semaines. Toutes ces recommandations sont restées lettre morte, des dizaines et des dizaines de rapports des plus hautes autorités sont restés sans suite”, ajoute Fabrice Lhomme.
« Certains rapports disaient qu’une crise sanitaire imminente était inévitable »
«C’est surréaliste. Lorsque nous entrons dans la bataille, nous sommes désarmés, alors que nous aurions dû être suréquipés ! », notent encore les deux journalistes.