Est-il un homme au comportement pervers, capable de se présenter sous son meilleur jour ? Ou un mari dépassé par une relation qui se détériore depuis des mois ? Les juges du tribunal de Besançon devaient répondre ce mercredi à cette question délicate. Face à eux, un jeune gendarme de 22 ans soupçonné d’avoir prostitué sa femme, de l’avoir insultée et frappée.
L’affaire remonte au 4 décembre 2024. Ce jour-là, une jeune femme de 26 ans franchit la porte du commissariat de Lons-le-Saunier. Elle souhaite dénoncer les violences commises par son mari. Deux scènes commises le même jour et trois semaines plus tôt, le 17 novembre. Lors de son audition, elle raconte les insultes, les brimades et le comportement de son mari. La conversation se poursuit et la victime évoque les pulsions de son partenaire. Elle finit par dire à la police qu’elle a été amenée à se prostituer pour assouvir les désirs de cet homme.
“J’ai fait tout ça par amour”
Les faits se sont produits près de Montauban, en 2022. Le mis en cause souhaitait voir son épouse s’épanouir auprès d’autres hommes. Il s’est rendu sur des sites d’escorte girl (prostituées) pour en savoir plus et a fini par inscrire sa femme. Il a utilisé sa carte d’identité et souscrit un abonnement téléphonique pour ouvrir une ligne dédiée à cette activité. Au bout de quelques jours, il reçut de nombreuses demandes. Il sélectionne le profil qui lui convient, prend rendez-vous dans un hôtel et y conduit la jeune femme en voiture. La réunion a duré plusieurs dizaines de minutes. «Je ne me sentais pas bien. Quand je suis revenu, il avait l’air heureux. » Les époux se sont partagé les 500 € avant de quitter les lieux. Après ce rendez-vous payant, le gendarme l’a poussée à se rendre dans des clubs échangistes. Ils ont effectué trois visites avant que la victime ne mette un terme à cette expérience, suite à une mauvaise aventure. « J’ai fait tout ça par amour », dira cette dernière lors de son audition.
En février 2023, l’homme rejoint la brigade de Bletterans (Jura). Au fil des mois, la relation se dégrade jusqu’au 17 novembre 2024 et cette première scène de violences. L’esthéticienne dénonce des coups sur les pieds et les jambes. Elle a produit des photos dans son témoignage où l’on peut constater la présence de bleus. 4 décembre, nouvelle dispute. Cette fois, elle a enregistré la scène. La transcription montre des insultes et des cris. Pour conclure, elle évoque des photos de cadavres que son mari lui aurait montrées. Images collectées dans le cadre de son activité, qui constituent une violation.
Interdiction définitive d’exercer la profession de gendarme
Devant les juges, le militaire a reconnu certains faits. « En ce qui concerne le proxénétisme, je tiens à préciser que nous étions deux à faire cela. Je ne l’ai pas forcée et je n’en ai pas profité. Je suis l’initiateur de ce type de relation. Nous avons décidé de tenter le libertinage. Nous n’étions pas d’accord tout de suite. Nous en avons parlé plusieurs fois, mais je ne l’ai pas obligée à aller en boîte ou quoi que ce soit », explique le prévenu.
-« Avez-vous conscience d’avoir franchi un pas entre le libertinage et la relation rémunérée ? », interroge le président. « Oui, maintenant. À l’époque, comme je n’en bénéficiais pas, je n’avais pas conscience de la gravité. » Concernant les violences, il évoque des disputes. «Je ne nie pas le fait que j’ai perdu mon sang-froid. Cela fait cinq mois que notre relation s’est dégradée. »
Pour la procureure Christine de Curraize, les faits dénoncés sont graves. « Ce n’est pas normal de voir un gendarme sur le banc des accusés, accusé de délits aussi graves. » « Pour se livrer devant le tribunal, exposer son intimité avec tout ce que cela demande, dénoncer un policier, il faut un certain courage. » Le représentant du parquet a requis une peine de huit mois d’emprisonnement. A l’issue du délibéré, les juges ont choisi de l’acquitter pour les violences. Il a été condamné à six mois de prison avec sursis pour proxénétisme et à une interdiction définitive d’exercer la profession de gendarme.