Dans l’Eure, ces communes s’engagent, sans vraiment avoir le choix, à créer davantage de logements sociaux

Dans l’Eure, ces communes s’engagent, sans vraiment avoir le choix, à créer davantage de logements sociaux
Dans l’Eure, ces communes s’engagent, sans vraiment avoir le choix, à créer davantage de logements sociaux

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Mathilde Carnet

Publié le

17 janvier 2025 à 16h56

Un préfet « très content » et des maires qui ont fait le show. Jeudi 9 janvier 2025, les maires du Grand Bourgtheroulde et du Bosroumois (Eure) ont eu une réunion avec le préfet de l’Eure, Charles Giusti, pour signer le « contrat de mixité sociale « . Ce fameux contrat les engage à respecter l’obligation légale ce qui leur impose d’avoir, dans leurs communautés, 20% de logements sociaux.

En effet, la loi de solidarité et de rénovation urbaine (SRU) impose aux communes de plus de 3 500 habitants de disposer d’au moins 20 % de logements sociaux. Début 2025, le Bosroumois n’a plus que 6,8% de ce type de logements, contre 12,82% pour le Grand Bourgtheroulde. Cela représente Il manque 127 logements au Grand Bourgtheroulde, et 210 au Bosroumois.

Face à cette obligation légale, les maires étaient d’abord dépassés. Fin 2023, le conseil municipal de Philippe Vanheule a rejeté la proposition de l’État de signer le contrat. La mairie avait même adressé à l’époque un courrier au préfet pour lui expliquer son désaccord. « La commune ne dispose plus de réserves foncières à bâtir. De plus, les infrastructures seraient insuffisantes. Tout va trop vite ! », s’est indigné le maire.

Une épée de Damoclès sur les comptes

Mais une grosse année plus tard, le discours a changé. Ce jeudi 9 janvier, Philippe Vanheule et Christophe Deschamps ont signé le contrat sans broncher, avouant, sans enthousiasme, ne pas avoir le choix. « Sur moi une amende de près de 29 000 € en 2024. Si nous faisons preuve de mauvaise volonté, elle pourrait être multipliée par cinq et, à terme, la préfecture pourrait reprendre la compétence en matière d’urbanisme de la commune », explique le maire de Bosroumois. Une épée de Damoclès sur leurs comptes dont les édiles ne veulent pas.

D’ici fin 2025, ils devront prouver à l’État que des travaux sont en cours. ” C’est un véritable bouleversement pour la communeJe compte sur vous pour nous soutenir », adresse Philippe Vanheule au préfet et directeur général de l’Établissement public Foncier de Normandie, Gilles Gal, qui aide les collectivités à acquérir des terrains pour créer des logements sociaux.

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Mauvaise image du logement social

En vérité, les maires craignent surtout l’opinion des habitants sur le logement social. À Grand Bourgtheroulde, le projet de construction de 35 logements, chemin Vautier, est en cours depuis 2022, après l’appel de plusieurs riverains.

« L’image du logement social est en décalage avec la réalité. Il faut se rendre compte que 70% de la population française correspond aux critères d’attribution des logements de ce type », explique la conseillère départementale Diane Leseigneur. Pour Charles Giusti, il ne s’agit pas de créer des « districts de relégation », mais plutôt deoffrir des logements aux familles, aux jeunes adultes et aux retraités.

L’ambivalence du droit

L’un des arguments contre cette obligation était son incohérence avec la loi « Climat et résilience » de 2021 qui veut « zéro artificialisation nette » (ZAN) d’ici 2050. L’objectif de la loi est de limiter la consommation des espaces naturels, dont les terres agricoles. Cependant, nous savons que le Bosroumois et le Grand Bourgtheroulde sont tous deux très convoité par les constructeurs.

«Dès qu’il y a un terrain à vendre, quel que soit son prix, ça part en un rien de temps», précise Philippe Vanheule. Là aussi, le préfet se veut rassurant : « La loi climat, c’est s’engager à ralentir la construction, en l’arrêtant. » « Et produire du logement social, ce n’est pas toujours construire », ajoute Diane Leseigneur. Le Département assure une « ingénierie foncière » en étudiant les communes pour voir si les bâtiments existants peuvent être réhabilités et transformés en logements sociaux. Mais, pour les deux communes, la plupart des logements seront bel et bien à construire.

« Pouvoir loger des jeunes, des familles, des seniors »

Pour les deux maires, disposer de plus de logements sociaux ne représente pas seulement des inconvénients puisque ces logements, à louer, seraient bénéfique pour toute une partie de la populationn. « Nous avons beaucoup de grandes maisons que les jeunes couples ne peuvent pas acheter et où les personnes âgées ne peuvent pas rester lorsqu’elles vieillissent. Avoir des T2, T3, T4, c’est pouvoir accueillir des jeunes, des familles et des seniors. »

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Où seront les futurs logements sociaux ?

En Bosroumois, la construction de logements sociaux a débuté en 1978. La majorité des logements a ensuite été construite dans les années 1980. Depuis, le rythme de la construction n’a cessé de ralentir. Les dernières constructions datent de 2002. Il y en a au total 107. En décembre 2023, le dossier du Système national d’enregistrement des demandes de logement locatif social (SNE) recensait 67 demandes de logements sociaux sur la commune. Les candidats sont principalement retraités et familles monoparentales. Les personnes âgées qui ne peuvent plus entretenir leur bien ou payer les frais d’adaptation de leur logement sollicitent majoritairement des appartements T2. Il en va de même pour les personnes qui se retrouvent seules suite à une séparation.

Dans le lotissement Europe Immobilier (FEI), à Bosroumois, 11 logements sont déjà construits et sont habités. Trente-sept logements suivront. ©Le Courrier de l’Eure

37 logements à construire cette année en Bosroumois

Depuis un an, la municipalité, avec les services du Département, travaille à définir des emplacements futurs logements sociaux. Rue des Agapanthesdans le lotissement FEI, 11 logements sont déjà construits et sont habités. 37 logements suivrontle permis de construire a été accordé en juillet 2024. C’est le bailleur social Siloge qui construit et gère les locations. « Il s’agit d’appartements F2, F3 et F4 », précise Philippe Vanheule. D’ici fin 2025, avec ces constructions, il ne manquera que 4 logements sociaux à la commune d’échapper à l’amende l’année prochaine, mais reste à définir où ils seront créés, tout comme le 175 logements qui resteront à produire dans les années à venir.

La commune souhaite créer une résidence seniors « de 17 logements » à la place de l’ancienne PMI (Protection de la Mère et de l’Enfant), sur le terrain communal. La municipalité entamera une démarche de prospection foncière afin d’identifier les propriétés vacantes ou celles qui pourraient présenter un intérêt en raison de leur localisation. Plusieurs projets sont prévus à ce stade : l’espace derrière le PMI ; le terrain attenant au cimetière de Bosc-Roger-en-Roumois ; l’immeuble de la rue du Diguet ; l’ancienne propriété Le Gaillard ; l’ancienne propriété Faucomprez ; la propriété Baudriboc; la propriété Vielle; la propriété Huard.

Le maire l’assure : « En dehors des logements sociaux, nous ne prévoyons pas de terrains à bâtir sur la commune, dans le prochain plan local d’urbanisme ».

A Grand Bourgtheroulde, rue du Bosnormand, un permis de construire pour 35 logements est actuellement en cours de traitement. ©Mathilde Carnet

Procédure judiciaire en cours

Grand Bourgtheroulde a toujours permis la construction de logements locatifs sociaux. Avant la fusion de 2016, Bourgtheroulde-Infreville était « 18% de logements sociaux », rappelle le maire. La construction de logements sociaux a débuté en 1986. Depuis, le rythme de construction

la construction a augmenté progressivement de 24 à 46 logements tous les 10 ans. La dernière construction date de 2019. Il y a en tout 226. En décembre 2022, 126 demandes des logements sociaux ont été réalisés au Grand Bourgtheroulde. Ici aussi, les candidats sont majoritairement des retraités et des familles monoparentales.

Actuellement, deux projets sont en cours. Celui de Chemin Vautier : 19 logements collectifs et 16 logements individuels, actuellement encore en procédure judiciaire. « La municipalité a gagné en première instance, mais les habitants ont fait appel. C’est en cours, la justice décidera », précise Christophe Deschamps.

Rue du Bosnormandle promoteur immobilier Altarea souhaite construire 53 logementsmais le deux permis de construire déposés ont été refusés « pour des problèmes d’assainissement et de ruissellement », précise le maire. Un nouveau permis vient d’être déposé et est actuellement en cours de traitement.

Si l’un des deux projets aboutit d’ici fin 2025, la commune échappera à l’amende de l’État, mais elle restera quand même une centaine de logements à créer dans le futur. La ville réfléchit à l’aménagement de l’ancienne friche qui permettrait d’offrir une trentaine de logements supplémentaires. « Nous devons étudier nos terrains existants et les réhabiliter. Nous voulons des logements sociaux dispersés sur toute la commune, pas un déploiement massif », précise le maire.

Dans six mois, le comité de pilotage devra se réunir et commenter l’état d’avancement des communes sur la question. Il pourrait également engager l’élaboration d’un nouveau contrat de mixité sociale pour la période triennale suivante (2026-2028).

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