« La veille de mon avortement, le 27 novembre 2024, j’ai réalisé que le célèbre discours de Simone Veil à l’Assemblée nationale datait de cinquante ans. Pendant plusieurs jours, j’ai eu en tête ses remarques introductives : «Aucune femme ne recourt volontairement à l’avortement… »et ces mots ont résonné en moi d’une manière particulière. J’y ai vu un panneau… Ma décision faisait partie d’une histoire ; Je n’étais pas seul.
Il n’y a en effet eu aucune joie, depuis la découverte du test positif jusqu’aux entretiens médicaux nombreux mais efficaces qui ont ponctué le parcours jusqu’à l’acte décisif. Lors d’un entretien avec une conseillère en Planning Familial, cette dernière m’a proposé d’interroger ma mère sur la question de l’avortement : il était possible que malgré ma résolution d’avorter, une conviction intime qui ne m’a pas quitté jusqu’au jour de l’opération, un sentiment de culpabilité demeure, transmise de mère en fille autour du secret des enfants non désirés. Ma mère avait 14 ans en 1975 et sa vie de jeune fille a commencé avec une assurance que la lignée de ses ancêtres n’avait pas connue : cette légalisation de l’avortement.
Malgré les conseils donnés, je n’ai pas osé parler à ma mère à ce moment-là, comme si je sentais qu’il me fallait d’abord protéger ma propre histoire, encore fragile, avant de la partager. L’avortement, ma génération en parle assez facilement »,entre amis »mais j’ai du mal à interroger nos parents sur cette expérience. Depuis, j’ai réussi à parler avec ma mère. Elle m’a assuré que non, elle n’était pas obligée de faire ce choix, mais elle m’a dit «Je comprends que nous pouvons le faire ». Cela seul m’a fait du bien de l’entendre. »