Écrit par Aude Henri
Le 16 janvier 2024, place du Capitole à Toulouse, Jérôme Bayle prend la parole et appelle les agriculteurs de Haute-Garonne à bloquer l’autoroute. Le mouvement s’étend ensuite à toute la France. Que reste-t-il ? L’éleveur nous raconte ses souvenirs et sa candidature avec les « Ultras de l’A64 » aux élections à la Chambre d’Agriculture.
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C’était il y a un an, jour pour jour, place du Capitole à Toulouse. Une réunion en préfecture ne répond pas aux attentes des agriculteurs. Le président de la Fédération régionale des syndicats agricoles est sifflé et hué par une partie des militaires. Jérôme Bayle prend la parole. “LE les éleveurs sont en difficulté. Nous ne pouvons plus nous permettre de payer des vétérinaires. J’ai rencontré l’État à plusieurs reprises et à chaque fois ils nous disent « attendez ». Et maintenant, je n’attends plus. Donc à partir de jeudi, on va bloquer l’autoroute», tonne l’éleveur basé à Montesquieu-Volvestre.
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La rencontre avec la préfecture n’a rien donné. Philippe Jougla, président de la FRSEA d’Occitanie, a été sifflé par une partie des manifestants lorsqu’il a fait ce constat. Jérôme Bayle prend la parole et appelle à bloquer l’autoroute.
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©Catherine Lehé – FTV
Janvier 2025, la casquette toujours retournée sur la tête, Jérôme Bayle se souvient de cet appel lancé aux agriculteurs de Haute-Garonne. Progrès réalisés. Au cours de ce long entretien, il évoque également les raisons de sa candidature avec les « Ultras de l’A64 » aux élections à la Chambre d’agriculture de Haute-Garonne.
« Au début, ça ne marchait pas. Nous étions seuls sur l’autoroute. La première nuit, nous avons dormi, il faisait moins 7 degrés, dans une boîte de céréales. Le lendemain, nous avons cru que nous allions nous faire expulser. Et puis, je commence à recevoir des appels d’agriculteurs de toute la France, des messages sur mes réseaux sociaux me disant : Attends, nous sommes en train de nous structurer et cela se produit partout en France.
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« C’est un mouvement historique dans le sens où ce sont les agriculteurs qui ont pris le contrôle d’eux-mêmes. Ce n’étaient plus les syndicats qui nous demandaient de faire quelque chose. On l’a vu dans notre pays, il y a eu trois ou quatre blocages, tout était dirigé par des agriculteurs indépendants et c’est ça qui était fort.»
» Quinze jours plus tard, Gabriel Attal redescend avec Marc Fesneau et Christophe Béchu. Et ils viennent nous rencontrer chez nous à Carbonne. Et on pousse les choses encore plus loin puisque je leur demande de venir sur l’autoroute sinon on ne repartira pas. Et nous parvenons à les faire passer sous un pont routier. Cela restera gravé.
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-« Aujourd’hui, un an plus tard, on voit que le monde agricole est enfin considéré. Pour être honnête, je ne pensais pas, il y a un an, en lançant cet appel par colère, que nous en serions là aujourd’hui. Je ne dis pas que la situation des agriculteurs a énormément changé, mais au moins l’agriculture a été remise au centre du débat. Je pense que sur 365 jours, il n’y a pas eu un jour où l’on n’ait pas parlé d’agriculture. Pour les agriculteurs et non, contre les agriculteurs. Et nous avons quand même fait quelques petits progrès.
« Il y a un an, nous étions tous en train de mourir. Ici, nous avons été énormément impactés par la MHE, la maladie hémorragique épizootique. Heureusement nous avons fait cette démarche qui a permis d’obtenir l’indemnisation. Et c’est un mouvement qui a permis de rassembler, de fédérer à nouveau les gens dans le département et peut-être même ailleurs. Si c’était à refaire, alors oui, je le referais, dit-il dans un éclat de rire.
« Pendant 30 ans, toutes les politiques qui ont été élaborées, ainsi que les médias, ont été le traitement réservé aux agriculteurs. Quand on a un métier qui est très dur, où on travaille plus de 70 heures par semaine, où on se bat chaque jour contre l’administration, la grande distribution, les gens qui veulent notre mort… Quand on entend des parents dire que leurs enfants sont empoisonnés… C’est faux. En revanche, ce qui entrera en France avec le Mercosur et d’autres pays étrangers a un impact sur la santé des enfants. Nous voulions reparler de l’agriculture et de manière positive.
« Et j’ai toujours dit que nous sortirions de cette autoroute la tête haute. Nous étions un obstacle qui coûtait zéro centime aux contribuables. Nous n’avons rien cassé, nous n’avons rien endommagé. Mais d’un autre côté, nous avons obtenu ce que nous voulions. Ce n’est pas suffisant, je comprends. Lorsque nous sommes entrés sur l’autoroute, ce que nous voulions, c’était de la considération. que notre métier est reconnu. dit, je veux en faire un enjeu majeur pour la Nation. J’ai écouté François Bayrou, il l’a répété. Il doit le prouver, il doit y travailler.
« Un an plus tard, nous sommes toujours là et nous parlons d’agriculture. C’est notre plus grande victoire. Cela signifie que les agriculteurs ont repris espoir.
« À la mémoire de mon père (il s’est suicidé NDLR) et que, comme tous les gens de notre profession qui ont mis fin à leurs jours, nous avons le devoir de continuer à nous battre pour que cela ne se reproduise plus. J’avais 34 ans lorsque c’est arrivé et j’en souffre toujours. Je vois l’image tous les jours. Le combat doit être mené pour cela. On ne peut pas décimer une profession et laisser des familles dans le deuil pendant qu’on travaille comme des fous. C’est là le véritable combat à mener. Nous sommes passés de deux suicides par jour à un par semaine. C’est une de trop, mais c’est une victoire.
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« Quand mes parents se sont installés, ils n’avaient même pas de fourche. Quand j’ai repris l’exploitation, j’avais un outil de travail. Le combat est pour les générations futures. Aujourd’hui, quand les investisseurs, ils viennent mettre cinq fois le prix du terrain, juste pour investir de l’argent, comment voulez-vous que les jeunes puissent s’installer ? Aujourd’hui, l’attente est longue ? je ne veux pas décevoir.
« Si la colère est partie d’Occitanie, c’est parce que la région a le revenu agricole le plus faible de France. Et notre département de la Haute-Garonne est l’avant-dernier. Et aujourd’hui, dans notre département, moins de 10 % des agriculteurs sont syndiqués parce qu’ils n’y croient plus. Nous arrivons à des endroits où il y a plus de 70 % d’abstention.
« Si nous, les Ultras de l’A64, association non syndiquée et apolitique, avons voulu aller plus loin dans la lutte en présentant une liste pour les élections à la Chambre d’agriculture, c’est parce que nos adhérents, plus de 400, nous l’ont demandé et nous a poussé à y aller. Il y a peut-être une fracture qui s’est créée. Je ne dis pas que nous n’avons pas besoin de tout le monde, nous avons besoin d’eux. être uni. Lorsque j’ai proposé à d’autres syndicats de dresser une liste des agriculteurs du département sans bannière syndicale, nous avons été refusés.
« Aujourd’hui, il faut passer ce cap, se dire que nous sommes tous dans la même situation et j’espère qu’après les élections, tous les acteurs du monde agricole se mettront autour d’une table et diront : Maintenant, allons-y. Maintenant, nous avons pour y aller.
Pour rappel, le vote pour le renouvellement des membres des Chambres Départementales d’Agriculture est ouvert jusqu’au vendredi 31 janvier 2025. Il peut se faire en ligne ou par correspondance. En mars, les élus désigneront leurs représentants au sein des Chambres régionales et à la fin du mois, les présidents des Chambres d’agriculture éliront un président au niveau national.
(Propos recueillis par Bruno Frédiani et Olivier Denoun)