une suppression qui divise, entre une décision « inévitable » ou une solution inutile

une suppression qui divise, entre une décision « inévitable » ou une solution inutile
une suppression qui divise, entre une décision « inévitable » ou une solution inutile

Un jeune homme cloue de la tôle pour reconstruire sa maison dans un bidonville de Mamoudzou, Mayotte, le 2 janvier 2025. JULIEN DE ROSA/AFP

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Décryptage
Le cyclone Chido qui a dévasté Mayotte a relancé le débat sur les droits fonciers dans l’archipel, confronté à une forte immigration clandestine. De nombreux élus mahorais réclament sa suppression alors que le gouvernement est divisé sur le sujet. Des voix s’élèvent pour rappeler qu’un durcissement des dispositions en place pourrait n’avoir aucun effet.

Lorsque la situation On évoque la migration à Mayotte, c’est LA mesure qui revient sans cesse : la suppression du droit du sol, disposition qui permet aux personnes nées sur le territoire français d’obtenir la nationalité, sous conditions. Pour certains, c’est la solution miracle qui résoudra tous les maux de l’archipel. Pour d’autres, c’est une ligne rouge à ne pas franchir car anticonstitutionnelle et inefficace.

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Le sujet est revenu sur le devant de la scène alors que la reconstruction de Mayotte, dévastée par le cyclone Chido en décembre, est en discussion. “C’est une question qu’il faut se poser.” aujourd’hui, a estimé François Bayrou lors de sa visite dans l’archipel du Pacifique le 30 décembre. Le nouveau Premier ministre devrait évoquer son soutien (ou non) à cette possibilité dans son discours de politique générale de ce mardi 14 janvier.

Ses propos font en tout cas écho à ceux de plusieurs membres de son gouvernement, comme les ministres de la Justice et de l’Intérieur, Gérald Darmanin et Bruno Retailleau. Récemment, le locataire de la place Beauvau réclamait « fermeté migratoire » dans une tribune cosignée par ses confrères des Armées et d’Outre-mer, Sébastien Lecornu et Manuel Valls. De son côté, Marine Le Pen a promis des amendements pour le « suppression des droits fonciers » dans la loi d’urgence présentée cette semaine par le gouvernement.

Pour ceux qui soutiennent cette mesure, la situation mahoraise justifie une telle décision. « Ce n’est pas possible de continuer à avoir entre 60 et 70 % de parents non français qui accouchent à Mayotte »a fustigé Gérald Darmanin. En 2017, près d’un habitant sur deux était de nationalité étrangère, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

“Nous ne savons pas comment nous comptersoutient Estelle Youssouffa, députée du 101e département français, au « Nouvel Obs ». Selon l’INSEE, la population de Mayotte est de 300 000 personnes mais en réalité, nous sommes un demi-million. » Dans ce contexte, l’abolition du droit foncier est “inévitable”a déclaré l’élu du groupe Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) : « L’immigration à Mayotte est basée sur la nationalité, donc tant qu’il y aura des moyens de l’obtenir, les gens arriveront. » Et pour s’attaquer à ceux qui voient un « question de prospérité » dans cette immigration : « Avec le passage du cyclone, il ne reste plus rien à Mayotte et les gens continuent d’arriver. C’est la preuve que la seule chose qui les motive, ce sont les journaux. »

Quel est le bilan de la réforme de 2018 ?

Pour cet ardent défenseur de la suppression du droit foncier, cette décision permettra une triple victoire : arrêter “l’effet aimant” qui justifie l’entreprise migratoire, la fin du « l’effet protecteur des parents qui alimente la machine démographique » – parce qu’un enfant est présumé français jusqu’à l’âge de 18 ans et ne peut donc être expulsé -, et la remise en cause de « Ingérence des Comores ». « La gravité de la situation à Mayotte appelle des réponses radicales »argumente-t-elle.

Mais si le député assure que « toute la classe politique de Mayotte y est favorable »ce n’est pas l’avis de Thani Mohamed Soilihi, ancien sénateur mahorais (Renaissance). « La suppression du droit foncier n’est pas un sujet tabou mais avant d’aller plus loin, faisons le point sur les dispositions déjà en place »explique au « Nouvel Obs » l’actuel ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux.

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En effet, depuis 2018 et l’adoption de ses amendements à la loi asile-immigration, un enfant né sur l’île doit prouver qu’au moins un de ses deux parents était en situation légale depuis au moins trois mois avant sa naissance pour espérer devenir Français à sa majorité. « Cette disposition fait que depuis 2013, date à laquelle débutent les dispositions 2018, au moins 55 % des naissances à Mayotte ne bénéficient pas de la nationalité française »assure Thani Mohamed Soilihi.

« Cela n’a fait qu’exploser le trafic papier et encombrer l’administration »critique au contraire Estelle Youssuffa. S’il reconnaît que l’immigration clandestine a augmenté malgré les dispositions de 2018, le ministre tire une autre conclusion : « On pourrait dire que modifier le droit foncier n’est donc pas la solution miracle pour lutter contre l’immigration irrégulière. »

Reprise de l’extrême droite

Mais sur le plan politique, l’idée d’abolir les droits fonciers fait son chemin depuis un an. “Il y a encore quelques temps, c’était encore impensable”recalls Estelle Youssouffa. “Il est légitime de poser cette question”avait déclaré Emmanuel Macron en février, dans un entretien à « L’Humanité ». Le président a même jugé qu’une telle proposition de révision de la Constitution ne serait pas « ce n’est pas une attaque contre la République indivisible, car la Constitution la reconnaît aussi comme plurielle et décentralisée ».

Mais sa position n’a pas été suivie d’effets. Aucune proposition n’est jamais arrivée de la part des différents gouvernements. “C’était une position électorale dans le cadre des élections européennes”tacle Estelle Youssouffa. En septembre, la députée a déposé son propre projet de loi en ce sens, jamais mis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Alors, face aux multiples déclarations favorables des ministres de Bayrou, elle reste méfiante : « Si le débat est fertile, pas de problème, mais si c’est juste des manœuvres dilatoires pour ne rien faire, ce n’est pas possible. »

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En attendant, le débat fait l’objet d’une reprise de l’extrême droite, qui réclame la suppression du droit foncier… partout en . « La loi des sols n’est pas seulement un problème pour Mayotte, elle menace l’équilibre de la France entière »écrivait le Rassemblement national le 7 janvier. « Nous ne demandons cette mesure que pour Mayotte, il n’y a pas d’arrière-pensée pour nous »répète sans cesse Estelle Youssouffa. Pour éviter de longues discussions insolubles au Parlement, des risques d’inconstitutionnalité et de redressement politique, Thani Mohamed Soilihi propose d’autres actions : « Nous devons nous attaquer au problème des déportations à la frontière, des marchands de sommeil, du travail illégal, des reconnaissances frauduleuses qui font passer le cas des enfants du droit de la terre au droit du sang. »

A droite, les Républicains profiteront de leur niche parlementaire le 6 février pour déposer un projet de loi visant à durcir les dispositions de 2018, qui ne nécessite pas de modification de la Constitution. A gauche, nous nous opposons à toute limitation supplémentaire du droit foncier, arguant – comme Sandrine Rousseau (Les Ecologistes) – que « les deux fléaux de Mayotte sont la pauvreté et le manque de services publics et de l’Etat ». Face à cette multitude de positions, Estelle Youssuffa s’inquiète : « Le risque est que la suppression des droits fonciers devienne un totem et qu’on oublie que le sujet est à Mayotte et qu’il y a urgence à le résoudre. » Avec ou sans droits fonciers.

 
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