Par
Daniel Chollet
Publié le
14 janvier 2025 à 6h30
; mis à jour le 14 janvier 2025 à 11h41
La mobilisation se poursuit parmi les soignants de l’hôpital d’Argenteuil (Val-d’Oise) qui se sont rassemblés, pour la deuxième fois, devant l’établissement, jeudi 9 janvier, en présence d’élus.
“Nous manifestons pour dénoncer la décision de l’Ars de retirer à l’hôpital l’autorisation de pratiquer la chirurgie de l’obésité”, a expliqué le docteur Marie Seman, chef du service de chirurgie viscérale.
L’Agence régionale de santé a justifié sa décision par la baisse du nombre d’opérations. Le seuil est de cinquante par an. Or, si ce chiffre n’a pas été atteint en 2020, 2021 puis 2022 en raison notamment de la priorité donnée aux patients Covid-19 puis à cause du départ du chef de service, il est passé à 74 en 2024 et près de 100 opérations ont été prévues en 2025.
“Ce lundi (6 janvier), il m’a été formellement interdit de réaliser ces interventions à l’hôpital d’Argenteuil”, a insisté Marie Seman, contrainte d’annuler près de 15 opérations et “plongeant plus de 70 patients dans la détresse et l’incertitude”.
Operations at Eaubonne hospital?
Argenteuil est l’une des villes les plus touchées en France par l’obésité, un « fléau de santé publique ». La chirurgie bariatrique propose une formation, d’une durée d’un an, incluant des soins multidisciplinaires et qui concerne « de nombreux services : endocrinologie, psychiatrie, diététique, cardiologie, pneumologie ».
« Une rupture dans le parcours de soins »
« Cette décision entraînera donc une rupture du parcours de soins pour les patients qui devront être opérés ailleurs, dans des établissements qu’ils ne connaissent pas. Qu’est-ce qui justifie de séparer l’acte du reste du soin ? »
L’hôpital d’Argenteuil fait partie du Groupe hospitalier de la région Sud Val-d’Oise – Nord Hauts-de-Seinequi comprend l’hôpital Simone-Veil d’Eaubonne, où se déroulent les opérations de chirurgie bariatrique.
Les syndicats en première ligne contre le départ de la chirurgie bariatrique
Les opérations d’Argenteuil y seront-elles transférées ? Farid Arabe, du Syndicat Autonomecraint « un démantèlement » de l’hôpital d’Argenteuil.
« Chez les nouveau-nés aussi, les chiffres sont en baisse. Alors quel serait l’intérêt d’avoir plusieurs services à Argenteuil et Eaubonne ? Le principe de Ght est que la population se déplace. Mais Argenteuil est une population précaire, moins apte à se déplacer.»
Du côté de la Cgt, Nicolas Rayer souligne qu'”en région parisienne, sept ou huit établissements se sont vu retirer cette autorisation de chirurgie bariatrique alors que l’hôpital américain de Neuilly réalise 300 opérations par an”. Il remet ainsi en question certaines « priorités » et parle d’« une décision budgétaire ». Selon le syndicaliste, obliger le patient à se déplacer « va générer des coûts. En fin de compte, il n’y aura aucune économie.
Le maire d’Argenteuil va se battre
Le maire (Dvd) d’Argenteuil, Georges Mothron, qui s’est entretenu au téléphone avec le directeur général d’Ars, ne désespère pas de trouver « une ouverture », comme il l’avait fait il y a quelques années avec la radiothérapie. “Nous étions en dessous des chiffres demandés mais nous nous sommes battus.”
Et de conclure en s’adressant au Dr Seman : “Vous continuerez à les opérer, vous avez le soutien de la commune et des communes alentours”.
Selon l’élu, l’agence sanitaire devrait prendre « davantage en compte la dynamique (NDLR, l’augmentation du nombre d’interventions en 2023 et 2024) plutôt que la statique, de ce chiffre à un instant donné (2020-2022) » .
Le Dr Jean-Luc Pons, président de la Commission médicale d’établissement, rappelle que l’obésité a doublé, passant de 8,5 % de la population en 1997 à 17 % en 2019. « En Île-de-France, 5 à 7 % des personnes souffrent d’obésité morbide. . C’est-à-dire un niveau d’IMC (indice de masse corporelle) supérieur ou égal à 40, susceptible d’entraîner la mort.
Lucas, le patient satisfait
Lucas, 29 ans, mesurant 1,78 m et 83 kg, pesait 127 kg (IMC 40,08). Il a perdu 44 kg en 14 mois après son opération en novembre 2023. Lucas vante la qualité des soins qu’il a reçus pendant un an à l’hôpital d’Argenteuil.
« Nous sommes bien suivis. J’avais pris beaucoup de poids suite à un accident du travail. J’ai été alitée pendant six mois. Je suis monté à 142 kg.
Sans l’opération, il dit qu’il ne pourrait pas atteindre son poids de 300 livres.
« L’ennui, la dépression, les maux de dos m’empêchent de faire du sport. Je n’avais aucune sensation de satiété, je mangeais tout le temps. J’ai appris à revoir mon rapport à l’alimentation, à faire de l’activité physique.
Alors que son épouse suit le même chemin que lui, Lucas s’oppose à la décision de l’Ars, estimant compliqué de devoir se rendre dans un autre établissement pour se faire soigner.
Le député Paul Vannier écrit au ministre de la Santé
Le député (Lfi) du Val-d’Oise Paul Vannier s’est dit « abasourdi par la violence de la décision [de l’Ars] qui s’inscrit dans un cadre budgétaire d’austérité qui prévoit 15 milliards d’euros de dépenses en moins pour l’hôpital public. Je me battrai à l’Assemblée nationale pour soutenir votre combat.
Le député vient d’écrire à Catherine Vautrinministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, pour lui demander de « reconsidérer » la décision Ars, soulignant que « les perspectives d’activité dans les années à venir ainsi que les besoins sanitaires évidents de la population du Val-d’Oise exigent il.”
Le Dr Marie Seman, qui pourrait être contrainte d’opérer ses patients ailleurs qu’à Argenteuil (peut-être Eaubonne), compte elle aussi se battre. “Notre cause est juste, nous n’abandonnerons pas.”
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias préférés en vous abonnant à Mon Actu.