Plonger ou pas ? Doug Ford déclenchera-t-il des élections anticipées en Ontario ?

Malgré les turbulences politiques qui sévissent à Ottawa, Doug Ford refuse de renoncer à un scénario électoral cet hiver ou ce printemps. Le premier ministre continue d’esquiver les questions des journalistes, alimentant les rumeurs d’un vote anticipé en Ontario.

Devant les caméras en début de semaine, Doug Ford a lancé un appel pour stabilité. Ébranlé par l’annonce de la démission de Justin Trudeau et la menace de tarifs douaniers, le pays a besoin de prévisibilité, estime le premier ministre ontarien.

Plus que jamais, les intérêts des travailleurs et des familles canadiennes doivent primer sur les ambitions politiques ou partisanes.a déclaré Doug Ford peu après que Justin Trudeau ait confirmé son départ. Bizarrement, il ne voulait pas s’engager à terminer son mandat, qui ne commence techniquement qu’en juin 2026.

En coulisses, les progressistes-conservateurs semblent poursuivre leurs calculs, leurs analyses, à la recherche du moment opportun pour déclencher des élections, même s’il reste encore 17 mois de mandat majoritaire. Doug Ford réclame la stabilité politique, mais pourrait-il faire volte-face et plonger sa province dans une campagne électorale ? Les observateurs politiques et les stratèges sont en désaccord sur ce sujet.

Pour le politologue Peter Graefe de l’Université McMaster, le scénario d’élections provinciales anticipées semble moins probable maintenant que les libéraux fédéraux sont à la recherche d’un nouveau chef.

Organiser des élections dans la plus grande province en même temps qu’un leader démissionne [au fédéral]il y aurait encore beaucoup d’actions politiques non résolues au Canada.

Le scénario reste possible» dit Peter Graefe, mais cela semble contraire aux priorités de Doug Ford alors qu’une guerre commerciale se profile. Et puisque les progressistes-conservateurs consacrent la majeure partie de leur énergie à ce projet croisade contre les tarifs douaniers, leur préparation pré-électorale en souffre inévitablement, selon lui.

Pour d’autres commentateurs, le départ prochain de Justin Trudeau ne change rien aux projets du gouvernement Ford. Les progressistes-conservateurs maintiennent leur position de force face à leurs adversaires, avec notamment des caisses mieux remplies. Le gouvernement a d’ailleurs déjà beaucoup investi dans sa phase préélectorale avec des publicités à la télévision et sur les réseaux sociaux. Des chèques de 200 $, qualifiés de bonbons électoraux, seront également distribués prochainement à tous les contribuables.

Selon le stratège libéral Charles Bird, Doug Ford ferait mieux de se lancer en campagne le plus tôt possible, car une fois le successeur de Justin Trudeau au pouvoir, certaines de ses attaques perdront de leur efficacité. Doug Ford aimerait faire campagne contre Justin Trudeau et son bilansouligne Charles Bird, un record qui inclut la très impopulaire taxe carbone. Un début de campagne à la mi-février, pour un vote en mars, est selon lui le scénario le plus probable.

La boule de cristal de Mitch Heimpel lui offre une vision similaire. Le stratège progressiste-conservateur mise sur une campagne anticipée début mars, peut-être plus tôt. Sa prédiction s’appuie sur les avantages dont jouit actuellement le premier ministre Ford : son parti possède les meilleures finances à Queen’s Park et la majorité de ses candidats ont déjà été sélectionnés.

Il croit également que Doug Ford perdra une cible favorite une fois Justin Trudeau remplacé. Il serait avantageux que Doug Ford rejoigne la campagne électorale alors que Justin Trudeau apparaît encore souvent à la télévision en tant que premier ministre du pays.dit-il. D’autant plus qu’il est difficile de mesurer l’impact résiduel du leadership de Justin Trudeau sur la marque libérale une fois qu’il cédera.

Un jeu dangereux

Les avantages d’un vote anticipé pour Doug Ford sont évidents. Les récents sondages le montrent vainqueur et jusqu’à présent, les partis d’opposition n’ont pas réussi à le déstabiliser. Son gouvernement cherche également probablement à obtenir un troisième mandat avant que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) n’achève son enquête sur le scandale de la Ceinture de verdure. On ne sait pas quand la police fédérale sera prête à dévoiler ses conclusions, mais il ne serait pas surprenant que l’entourage de Doug Ford soit choqué.

Si l’idée de déclencher des élections anticipées en Ontario semble séduisante à l’équipe Ford, elle reste un groupe de réflexion. Demander un nouveau mandat alors que le mandat en cours n’est pas terminé comporte également des risques. L’opportunisme politique n’est jamais récompensé par les Ontariensprévient la stratège néo-démocrate Kim Wright.

Peter Graefe parle même d’un jeu dangereuxparce que les électeurs pourraient décider de punir un gouvernement obsédé par sa pérennité, plutôt que par ses responsabilités dans une période de crise économique importante.

Plonger ou pas ? La décision n’est peut-être pas encore gravée dans le marbre. Mais si vous voyez le premier ministre multiplier ses déplacements et ses annonces dans plusieurs régions de la province, vous aurez un bon indicateur que l’Ontario se dirige vers les isoloirs.