Aux Sables d’Olonne, l’ambiance a quelque peu changé ces derniers jours. Les équipes techniques s’affairent à mettre en place de grandes structures et, dans les journaux, l’histoire et l’ascension du duo de tête sont sans cesse décortiquées. A l’approche des premiers concurrents, le village du Vendée Globe bat son plein. Car pour les principaux concernés, les parcours mènent désormais à l’arrivée. Et depuis hier, c’est « RAS » pour le duo qui domine la course depuis le début du Pacifique. Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) et Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA) sont séparés de 130 milles au classement de 15 heures. Joint ce matin aux séances, Yoann Richomme, fatigué par la répétition des efforts, a expliqué : « Finalement, le pot au noir a été assez fatiguant même s’il n’a pas duré très longtemps. En ce moment, ça va assez vite, 21 nœuds de moyenne et ça bouge beaucoup. Là, c’est simple, c’est tout droit pendant deux jours dans les alizés jusqu’à l’anticyclone des Açores. Une fois là-bas, j’ai l’impression que Charlie sera un peu plus fort, c’est difficile à estimer. J’essaie avant tout de garder le rythme. Je pense que si le scénario reste stable, nous y serons dans huit jours. Je ne m’en rends pas encore vraiment compte, même si je sais que cela reste exceptionnel. Ce n’est pas une transatlantique, c’est un tour du monde et le bateau est en très bon état. C’est magique ! » Yoann Richomme, PAPREC ARKÉA.
Quel sera l’écart entre les deux premiers à l’arrivée ? Les spécialistes aiment souligner qu’il n’y avait que 2h31 entre Yannick Bestaven et Charlie Dalin il y a quatre ans (suite à la compensation de temps dont avait hérité le skipper de Maître CoQ). En 2012, l’écart entre François Gabart et Armel Le Cléac’h était de 3h17. Invité de Vendée Live cet après-midi, Gabart est revenu sur la bataille du moment : «Quand je vois MACIF Santé Prévoyance avec Charlie (Dalin) en tête, cela me ramène forcément à mes souvenirs du Vendée Globe. On a eu une bataille avec Armel (Le Cléac’h) qui ressemble à celle entre Charlie et Yoann. Gérer la pression fait partie de la difficulté et de la magie de la course au large. Il faut savoir rester dans la compétition jusqu’au bout. Mais c’est l’occasion d’avoir de l’adrénaline et de la pression jusqu’à l’arrivée. Pour moi, cela a rendu la victoire encore plus douce. Même dans les dernières minutes, j’ai poussé mon bateau à 100 % de son potentiel et c’est un privilège. Et pour le public aussi, c’est génial d’avoir du suspens jusqu’au bout ! François Gabart. Le troisième, Sébastien Simon, a franchi l’équateur ce matin à 7h08 (heure française). Il s’est également frayé un chemin dans le marasme, même s’il ne devrait pas être beaucoup ralenti par les tempêtes et les grains. En revanche, le Vendéen ne devrait pas bénéficier des vents de la dépression qui se forme au Sud-Est de Terre-Neuve et qui devrait pousser le duo de tête.
© Sébastien Simon / Vendée Globe
Une sacrée bataille pour le « top 10 »Concernant le groupe poursuivant, la guerre de positions continue. On observe toujours deux stratégies distinctes au sein d’une zone de transition. D’un côté, ceux qui privilégient l’Est comme Jérémie Beyou (Charal, 4e) et Sam Goodchild (VULNÉRABLE, 5e) et ceux qui partent plus au large comme Paul Meilhat (Biotherm, 9e) et Nicolas Lunven (Holcim-PRB, 10ème). Les bateaux sont usés et les problèmes techniques se multiplient : Boris Herrmann (Maliza Seaexplorer, 6e) a dû monter au mât après un problème avec son arbalète (qui permet de réduire le pataras). Lors des séances de ce matin, Sam Goodchild a expliqué que tout le monde est confronté à des rafales parfois très virulentes : «J’en ai un qui gonfle et se rapproche avec les éclairs, le vent qui se lève… Il a l’air très méchant, très fort et c’est mon souci en ce moment. L’option Est était un peu fermée en raison d’une zone sans vent et j’ai trouvé que l’option Ouest était moins risquée. Au mieux, je gagne trois à quatre places, au pire je reste chez mes amis. On sent que les bateaux sont fatigués même si je n’ai pas de problème majeur à signaler. Nous essayons tous de ne pas prendre trop de risques ! » Sam Goodchild, VULNÉRABLE. Derrière, le trio Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family, 11e), Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e) et Samantha Davies (Initiatives Cœur, 13e) vont bientôt devoir affronter une zone de vent erratique et granuleuse. De son côté, l’expérimenté Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère – Armor Lux, 14e) grappille discrètement deux places, passant devant le duo Damien Seguin (Groupe APICIL, 15e) et Romain Attanasio (Fortinet Best Western, 16e). Alors que les deux hommes tentent de remonter au près depuis le Nord, « le Roi Jean » a décidé d’opter pour une option plus Est.Une forte dépression dans le viseurUn peu plus loin, chacun se demande comment se positionner face à une dépression majeure qui va se former dans la cordillère des Andes et déferler jeudi sur le sud de l’Amérique du Sud. Isabelle Joschke (MACSF, 18e), Giancarlo Pedote (Prysmian, 19e) et Yannick Bestaven (Maître CoQ V, hors course) devraient pouvoir y échapper. Cela devrait en revanche concerner Benjamin Ferré (Monnoyeur – DUO pour un JOB, 20e) qui a passé le Cap Horn dans la matinée (à 8h47 heure française). «C’est une course contre la montre qui est en cours», explique Benjamin dans une vidéo. Plus on avance, moins on se prend des coups à la tête. Il y a peut-être un trou de souris à rechercher, mais c’est assez pénible.
Tandis que Violette Dorange (Devenir, 28e) assurait qu’elle tentait de ralentir face à cette déprime à l’approche du dernier cap, Guirec Soudée (Freelance.com, 24e), après avoir un moment hésité à mettre le pied sur le freiner, préfère continuer à avancer. Dès le cap Horn passé, l’aventurier profitera d’une zone calme pour monter au mât afin de réparer son J2 et son lazy-jack. Le sourire aux lèvres, il a expliqué pourquoi il voulait à tout prix poursuivre sa progression : «Je suis heureux d’en avoir fini avec le Grand Sud et de me retrouver dans l’Atlantique. Mais le Cap Horn ne peut pas être passé comme ça ! J’ai 38 nœuds, des rafales à plus de 50 nœuds sont annoncées, nous terminons le Pacifique en beauté ! J’ai pensé à ralentir, comme certaines personnes souffrant de la dépression qui s’ensuit. Le problème c’est qu’on ne sait pas quelles conditions on aura après… Je préfère avoir deux ou trois cartouches plutôt que d’avoir du vent contraire. Il va falloir réduire et être prudent, mais cela fait partie du jeu ! » Guirec Soudée, FREELANCE.COM. Dans l’après-midi, l’organisation de la course a appris qu’un autre skipper de ce groupe, Éric Bellion (Stand As One – Altavia, 27ème) était confronté à des problèmes techniques. En question? Des dégâts sur l’axe qui retient le J2 séjournent dans la nuit de dimanche à lundi. Son équipe s’est voulue optimiste, assurant qu’Eric avait “réussi à récupérer toutes les pièces et que les réparations sont possibles”. Une nouvelle aventure dans cette grande aventure autour du monde. Retrouvez notre quotidien analyse météo de course avec METEO CONSULT Marine dans notre special report Vendée Globe et suivez les skippers en direct grâce au cartographie.