Depuis la réélection de Donald Trump, ses propositions via les réseaux sociaux sur une éventuelle annexion du canal de Panama, du Groenland et du Canada ont suscité de nombreuses discussions – et la question est revenue sur le devant de la scène après l’annonce de la démission du Premier ministre. Justin Trudeau.
Il semble étrange qu’un anti-interventionniste de son calibre reprenne les vieux refrains de l’impérialisme américain des siècles passés et nous serve une reprise expansionniste avec Theodore Roosevelt, William McKinley et James Polk.
Pour les Canadiens passionnés d’histoire, ce genre de discours nous ramène à l’époque de la « question de l’Oregon », dans la première moitié du XIXe siècle.e siècle. Différents présidents américains, dont James Polk (1845-1849), affirmèrent que la frontière nord de cet État devait s’étendre sans interruption jusqu’à l’Alaska, incluant une grande partie de l’actuelle province de la Colombie-Britannique.
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Réactions tempérées
Il n’est guère surprenant que les dirigeants du Panama, du Groenland et du Canada aient réprimandé le président élu – de manière plutôt modérée, du côté canadien.
Justin Trudeau, confronté aux moqueries de Donald Trump le qualifiant de « gouverneur du 51e État », a répondu en mettant en ligne une vidéo datant de 2010 qui explique le Canada aux Américains sur un ton légèrement condescendant.
Face à la menace de se voir imposer des tarifs douaniers ruineux, bien plus graves que les fanfaronnades annexionnistes, Justin Trudeau et deux ministres se sont invités dans la villa de Donald Trump à Mar-a-Lago, en Floride.
Même si certains Canadiens ont une opinion favorable des États-Unis, rares sont ceux qui souhaitent que leur pays adhère à l’Union américaine et devienne un 51e État.
Mais en supposant que tel soit le cas, quelles seraient les conséquences électorales pour les États-Unis ?
Les démocrates en bénéficieraient
Cependant, la réponse ne plairait guère à Donald Trump ou au Parti républicain. Car une éventuelle annexion pourrait conduire à la marginalisation définitive de ce parti lors des élections nationales.
En effet, la création d’un 51e « L’État du Canada » modifierait profondément la carte électorale en faveur du Parti démocrate et placerait les républicains dans une situation de défaite quasi permanente.
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Pour comprendre, il suffit de considérer la place que pourrait occuper ce possible 51.e L’État dans les institutions américaines.
L’intégration du Canada serait particulièrement délicate à la Chambre des représentants. Les sièges sont attribués sur la base du recensement américain, soit un siège pour 761 169 habitants en 2020.
Avec ses 41 millions d’habitants, le Canada se verrait attribuer environ 54 sièges, soit deux de plus que la Californie. Si l’on ajoutait les deux sénateurs canadiens, le Canada deviendrait une véritable puissance politique au Congrès. Rien de bon en perspective pour les Républicains.
Bien entendu, ce calcul suppose que les Canadiens se contenteraient de seulement 54 députés et deux sénateurs au lieu de leurs 338 députés et 105 sénateurs actuels. Cela suppose aussi que les Américains accepteraient que leur Chambre ne soit plus limitée à 435 représentants, et qu’ils cesseraient leurs batailles quasi constantes pour le redécoupage de la carte électorale. Mais cela n’a pas d’importance.
La plupart des Canadiens voteraient pour les Démocrates
Examinons maintenant l’impact sur les élections américaines. Comme il y a peu de chances que la culture politique canadienne déteigne sur celle des Américains, les Canadiens se soumettraient alors au bipartisme à l’américaine.
Cependant, l’électorat canadien penche largement vers la gauche du spectre politique. Certes, les conservateurs canadiens voteraient alors républicain, mais les partisans des libéraux, des néo-démocrates, des verts et du Bloc québécois préféreraient de loin le Parti démocrate.
C’est ici que le « 51e « L’État » devient un gros problème pour Donald Trump. Depuis la fusion des partis de droite du Canada en 2003, le Parti conservateur du Canada a obtenu en moyenne 35 % du vote populaire, comparativement à 63 % des voix au centre et à gauche.
Dans un contexte américain, la représentation canadienne à la Chambre des représentants serait alors divisée entre 36 sièges démocrates et 18 pour les républicains.
Rétrospectivement depuis 2000, un tel écart aurait transformé toutes les majorités républicaines, sauf celle de 2010, en majorités démocrates. Face à des Canadiens majoritairement de centre-gauche, il serait difficile pour les républicains d’obtenir une majorité à la Chambre des représentants.
Pour les mêmes raisons, le Canada enverrait sans doute deux sénateurs démocrates au Sénat. Rien qui changerait profondément le portrait, si ce n’est que les majorités sont souvent décidées par un seul vote. Le gain ne serait donc pas négligeable, d’autant que le vote sénatorial est essentiel pour la confirmation des candidats à la Cour suprême et au cabinet.
La canadianisation du collège électoral
Et que dire de cette grande question : comment l’État du Canada modifierait-il le Collège électoral ?
Aux États-Unis, le président n’est pas élu au suffrage universel direct, mais au vote indirect du collège électoral. Dans ce Collège, chaque État dispose d’un nombre de voix correspondant au total de ses représentants à la Chambre plus ses deux sénateurs.
Cependant, dans presque tous les États, le vainqueur du vote populaire dans chaque État remporte la totalité des voix de cet État au collège électoral. Où iraient les 56 votes canadiens?
Encore une fois, les tendances centristes et de gauche de l’électorat canadien favoriseraient largement à chaque fois un candidat démocrate à la présidence. Ainsi, les deux victoires présidentielles républicaines de 2000 et 2004 seraient revenues au camp démocrate. Quant aux victoires de Donald Trump en 2016 et 2024, elles auraient été trop minces pour être sûres : la présence du Canada redéfinirait à tel point les mathématiques électorales que les nouvelles marges d’erreur ne permettent pas d’en tirer des conclusions.
Il est donc peut-être temps pour Donald Trump de reconnaître que le Canada est un pays différent, avec sa propre histoire et sa propre culture politique, et qui ne peut pas rejoindre l’Union américaine sans forcer le changement.
Il faut espérer que Donald Trump admette que ses railleries boiteuses à l’égard du Canada minimisent la gravité d’une éventuelle guerre commerciale totalement inutile qui coûterait des centaines de milliards de dollars et des dizaines de milliers d’emplois des deux côtés de la frontière.
Espérons aussi qu’il verra que les provocations néfastes contre les vieux alliés stratégiques sur lesquels s’appuie la puissance américaine ne lui rapportent rien.
Mais si la logique ne lui suffit pas, espérons tout de même qu’il écoutera ses propres instincts électoraux.