Par
Emma Grivotte
Publié le
7 janvier 2025 à 17h53
Pour le Houssaye Farmdans l’Eure, frappée de plein fouet par la grippe aviaire, c’est “un coup dur”, confie Donatien Lavignele gérant de cette exploitation familiale : « Nous rasons tous vos animaux pour lesquels vous vous levez le matin, fruit de votre travail. »
Connu pour son élevage de canards et son abattoir à Épaignes, où son petit magasin approvisionné en viandes fraîches, conserves de plats cuisinés et terrines de volailles, l’entreprise qui emploie une soixantaine de personnes va tourner au ralenti.
Il ne reste plus rien. Nous avons perdu tout notre travail au cours des quatre derniers mois et nos moyens de subsistance pendant les quatre mois suivants.
23 000 premiers poulets et pintades
La catastrophe commence dans son grand élevage de poulets et de pintades situé à La Poterie-Mathieu.
L’éleveur Donatien Lavigne a alerté les services de l’Etat car il a constaté un mortalité inhabituelle dans un immeuble, soit une perte de 10% en 6 jours (soit 300 têtes sur les 23 000 du site). « Ce n’est pas grand-chose, mais c’est suffisant. »
Vendredi 27 décembre 2024, des prélèvements sont effectués sur les animaux et confirmer la présence du pathogène : « Sur les 20 prélèvements effectués, 20 étaient positifs à la grippe aviaire. »
Le lendemain, les 23 000 volailles présentes sur le site, tous bâtiments confondus, sont abattues. Dans le détail, 15 000 poulets et 8 000 pintades.
Dans le cadre des mesures de lutte contre la propagation du virus, une opération de dépeuplement des volailles de l’élevage concerné a été réalisée, ainsi qu’une première opération de nettoyage et de désinfection.
Une zone sous surveillance dans un rayon de 10 km
Les services de l’État établissent des zones réglementées, une protection à 3 km autour du foyer et une surveillance entre 3 et 10 km autour du foyer. 54 communes sont actuellement concernées par des restrictions interdisant par exemple les déplacements de volailles, sans dérogation de la DDPP (Direction départementale de la protection des populations), et obligeant les propriétaires à mettre à l’abri leurs volailles et oiseaux. Les zones ne pourront être levées que dans quinze jours à un mois si l’épidémie s’avère maîtrisée.
Mais comment les volailles ont-elles été contaminées ? “Dans tous les cas, la source du problème, ce sont les oiseaux migrateurs. Peut-être qu’on ne saura jamais d’où ça vient», répond Donatien Lavigne.
Le virus pourrait être entré à cause d’un pigeon ou d’une mouette infectée, quand les animaux étaient encore autorisés à se déplacer à l’extérieur avant la mi-novembre ou après, ou encore via des échanges avec d’autres exploitations.
Par ailleurs, d’autres cas de grippe aviaire ont été identifiés dans un élevage plus petit de 559 têtes à Équemauville (Calvados), que la Ferme de la Houssaye avait approvisionné en volailles. Elle a également été dépeuplée.
Des canards également tués
Mais le désastre n’est pas terminé pour la famille Lavigne. Après analyses réalisées sur l’autre site de la Ferme à Épaignes,8 000 canards ont également été tués Mardi 31 décembre, incinération ensuite chez l’équarrisseur, portant le total au chiffre vertigineux de 31 000.
Donatien Lavigne grogne un peu face à cette décision. Notamment à cause de rdes résultats d’analyses en laboratoire mal référencés. Sur les 360 échantillons prélevés, il n’y avait que 2 tests positifs sur des échantillons de selles.
« Des doutes sur la traçabilité » des échantillons
Cependant, « des résultats positifs ne sont pas associés à un bâtiment d’élevage correct, car on dit qu’ils proviennent d’un bâtiment vide. DONC, J’ai quelques doutes sur la traçabilité des prélèvements et analyses. »
La date de prélèvement ne correspondait pas non plus à la date réelle et les équipes d’abattage bordelaises séjournaient à l’hôtel depuis samedi, prêtes à intervenir.
« Est-ce un mauvais rapport de notes de laboratoire ? » » demande Donatien Lavigne, qui, malgré sa crainte d’avoir été victime du zèle de l’administration, comprend qu’il respecte un « principe de précaution ».
Depuis vendredi 27 décembre, les responsables de la DDPP* me disent que les canards allaient passer de toute façon. Ils n’ont qu’une crainte, c’est que ça explose et soit partout, et qu’on dise que le problème a été mal géré par leur ministère.
La vaccination « n’empêche pas la contamination »
Même si ses canards étaient vacciné conformément à l’obligation nationale depuis octobre 2023ils pourraient être des porteurs sains et transmettre le virus à d’autres animaux d’élevage.
La préfecture de l’Eure indique dans un autre communiqué : « La vaccination limite la propagation de la maladie puisqu’elle réduit l’excrétion, et protège ainsi collectivement un territoire, mais elle n’empêche pas la contamination individuelle et une circulation plus limitée au sein d’une ferme. Une large série de prélèvements a été réalisée à la ferme des Épaignes, pour des analyses virologiques, afin de disposer de tous les moyens disponibles pour détecter le virus ou les traces de son passage. Face à des éléments convergents et pour prévenir tout risque de propagation du virus, un dépeuplement préventif des animaux présents sur le site d’Épaignes a été réalisée. »
2 millions d’euros de perte
Ce massacre représentera de grosses pertes économiques. Pour éviter la propagation du virus, les animaux abattus ne sont pas recyclés, même si la grippe aviaire n’est pas présente dans la viande.
« L’indemnisation versée sur les animaux tués ne correspond qu’à ce qu’ils coûtaient avant qu’on vienne les abattre : le prix du caneton, un peu d’essence et de la nourriture », explique le jeune éleveur.
“Cela ne me donne pas ce que j’aurais pu gagner” une fois la viande transformée, ne rembourse pas les prêts, ni ne compense le « vide sanitaire » imposé à l’exploitation pendant trois mois. Résultat :
On devrait perdre 30% de chiffre d’affaires. Sur 6 millions, nous perdrons 2 millions d’euros.
« Se relever de ce coup dur »
Une chute dans un voyage auparavant prometteur. Depuis qu’il a pris les rênes aux côtés de son père Franck Lavigne, en 2016l’exploitation “fait en moyenne 10% de chiffre d’affaires en plus chaque année”, assure l’agriculteur.
“C’est une entreprise prospère, nous employons également 10 % de personnel en plus chaque année. Nous arrivons à 60 personnes contre 27 à mon arrivée. »
Aussi, Donatien Lavigne nous assure : « C’est une entreprise qui va se relever de ce coup dur. »
For employees, Ferme de la Houssaye does not plan pas de chômage technique. Après les fêtes de fin d’année et notamment la production de foie gras, « il y a beaucoup de temps libre à prendre ».
Les éleveurs auront de la « lessive » à faire « pendant des jours et des jours » pour poursuivre la désinfection des bâtiments.
Le magasin reste ouvert
Pour faire fonctionner son abattoir et son atelier de transformation, l’exploitation a bénéficié de l’appui chez un autre éleveur chez qui elle achète le poulet, afin, entre autres, de « donner du travail aux 40 à 50 salariés ». Idem pour le canard à la Ferme du Mont Crocq, à Toutainville.
Le magasin Épaignes reste ouvert. Ses produits peuvent être consommés sans souci. Le lot de pintades contaminées était séparé depuis six jours, « et même si une volaille présentait des prémices d’infection par la grippe aviaire, il n’y a aucune répercussion sur la viande ou les abats car le virus ne passe pas dans les muscles et est très vulnérable à la chaleur», rassure Donatien Lavigne.
Il est donc toujours possible de déguster votre confit de canard local jusqu’à la reprise de la production !
* Direction Départementale de la Protection des Populations
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