Une réaction très maladroite du ministre Yassine Fall, dont on dit que les intérêts de son pays doivent lui être très étrangers, a donné une ampleur extraordinaire à une déclaration d’un organisme des Nations Unies. Le Sénégal tout entier a salué l’annonce par les Nations Unies du retrait prochain du Sénégal de la liste des pays les moins avancés. Le communiqué avait par ailleurs clairement indiqué que le retrait lançait un processus de cinq ans au terme duquel le retrait serait définitif. Il n’a pas fallu longtemps pour que les services du ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, sous la houlette de Mme Sy Yassine Fall, tentent de calmer l’élan enthousiaste qui s’emparait de la Nation.
Se prenant sans doute pour Prométhée qui vient d’offrir le feu à l’humanité, Mme Fall a, à travers le communiqué de ses services, poussé un portail grand ouvert : « Une période de 5 ans a été réservée pour permettre au Sénégal de préparer sa sortie. de cette catégorie. C’est à l’issue de cette période transitoire que le retrait pourrait être prononcé.» Et pour montrer que le gouvernement auquel elle appartient n’entend pas se laisser distraire par ce qu’elle présente comme des « allégations », à propos d’un communiqué de la plus haute instance internationale au monde, le ministre Fall Yassine assure : « Afin d’éviter toute perturbation Dans le cadre de son programme de développement, le gouvernement travaille à l’élaboration d’une stratégie nationale pour une transition en douceur, basée sur son nouveau cadre de politique publique intitulé « Sénégal 2050 : Agenda national de transformation ».
On se demande si, en élaborant leur communiqué, les services du Ministère de l’Intégration Africaine ont pris le temps de lire le texte de la Résolution AG des Nations Unies en date du 19 décembre 2024. C’est clairement précisé là-bas. que l’ONU a décidé « d’accorder, à titre exceptionnel, au Cambodge et au Sénégal une période préparatoire de cinq ans conduisant à leur retrait de la catégorie des pays les moins avancés ». Le document conclut en invitant le Sénégal et le Cambodge « à élaborer, pendant la période de 5 ans qui s’écoulera entre l’adoption de cette résolution et leur retrait de la catégorie…, une stratégie nationale pour une transition en douceur, avec l’assistance des agences des Nations Unies et leurs partenaires de développement bilatéraux, régionaux et multilatéraux. Une personnalité politique de l’envergure qu’elle revendique aurait dû saluer les progrès réalisés par son pays pour atteindre ce niveau, et avoir l’humilité de reconnaître les efforts que son régime devra fournir pour répondre aux attentes.
Cette sortie de route du ministre Yassine Fall, couplée au silence tonitruant du pouvoir, notamment face aux déclarations triomphalistes des membres de l’APR, parti de l’ancien président Macky Sall, qui n’ont pas hésité à souligner que ce Ce sont les efforts de leur régime qui ont abouti au résultat que Mme Sy Yassine Fall tient à relativiser dans son communiqué, trahissant avec force le malaise dans les rangs de Pastef.
Il est indéniable pour tous les observateurs que le Sénégal a fait des pas de géant pour atteindre les critères requis pour sortir de la catégorie des PMA. Déjà, en octobre 2023, une tribune sur cette même page indiquait qu’en termes de revenu national brut, le Sénégal avait déjà dépassé les conditionnalités des Nations Unies, ainsi que pour le critère du Capital Humain. Le point de friction était l’indice du capital humain, avec lequel le pays continue de se débattre. Il faut croire qu’entre le moment où nous écrivons cette chronique et aujourd’hui, le gouvernement de M. Macky Sall a dû accomplir beaucoup de choses, pour nous valoir cette remarque de l’Assemblée générale des Nations Unies.
Ce qui devrait inquiéter les amis de Mme Yassine Fall, c’est le temps qui leur reste pour transformer l’essai des Nations Unies. En octobre 2023, nous disions ceci : « Il y a sans aucun doute des avantages à rester dans la catégorie des PMA. Nous empruntons à des taux concessionnels. Nous bénéficions de certaines facilités pour exporter nos produits vers des pays plus développés. En revanche, nous ne pouvons pour ainsi dire avoir une économie compétitive si nous devons toujours exporter nos matières premières sans les transformer localement, accentuant ainsi le niveau de chômage de notre jeunesse. De plus, nous nous retrouverons avec une économie totalement extravertie, qui devra s’appuyer sur le commerce extérieur pour nourrir sa population.
Quand vous avez, avant tout le monde, déclaré votre pays en ruine et assuré que rien de bon n’y avait été fait au cours des 12 dernières années, vous pouvez être saisi de peur face à la mission de le maintenir sur une trajectoire de croissance. compris. N’oublions pas que le Comité des politiques de développement des Nations Unies évalue tous les 3 ans les efforts des pays, pour s’assurer qu’ils n’ont pas faibli dans leurs efforts pour sortir de la catégorie. Les cinq années accordées au Sénégal serviront essentiellement à vérifier que le pays maintient ses efforts dans chacune des catégories concernées. Rappelons que pour sortir de la catégorie PMA, un pays doit atteindre les seuils de sortie établis pour au moins deux des 3 catégories. Le CDP révise la liste des PMA tous les trois ans. Pour chaque critère, les pays doivent avoir dépassé les seuils de sortie pendant au moins 3 années consécutives, pour garantir qu’ils ne retomberont pas en dessous de ces seuils.
Difficile aujourd’hui, quelles que soient les conclusions de la Cour des comptes, dont personne ne comprend plus pourquoi elles arrivent si tard, d’admettre que le Sénégal a été mis en ruine pendant les 12 années de Macky, et peut, dès son départ, être déclassé. Le gouvernement Sonko, qui peine à tenir ses promesses sur le plan économique et social, se demande sans doute par quoi il devra passer pour ne pas baisser la barre en dessous des critères imposés par le Plan Sénégal émergent (PSE). par Macky Sall. On sait que beaucoup de Sénégalais rêvent sans doute de voir le pétrole et le gaz, dont l’exploitation vient de commencer, permettre d’améliorer encore notre balance des paiements et de réduire notre dépendance à l’exportation de produits essentiellement agricoles ou d’or qui, incidemment, a est notre produit d’exportation numéro un depuis plusieurs années.
Les gens ne voudront certainement pas accepter que notre optimisme soit affaibli. Mais il ne faut pas oublier que des pays comme l’Angola, très riche en pétrole et puissance militaire en Afrique centrale, et la Zambie, dont les ressources minières, notamment le cuivre, sont de classe mondiale, font partie des PMA. Cela signifie que la gouvernance politique et économique et la lutte contre les inégalités sociales sont des éléments importants. A quoi il faudra aussi ajouter une bonne diplomatie économique, pour ne pas être trop vite mis en concurrence avec des pays mieux équipés que nous.
N’oublions pas qu’en tant que pays non PMA, nos relations commerciales avec les pays de l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique en particulier vont évoluer. L’initiative Tout sauf les armes (Tsa) qui nous permettait d’exporter vers les pays européens sans quotas ni douanes risque de nous être retirée, maintenant que nous nous dirigeons vers l’exportation de nos hydrocarbures. Pour nos produits de la pêche et de l’agriculture, nous risquons de voir nous appliquer des droits de douane assez importants, d’autant que nous ne semblons pas nous y préparer, compte tenu de la réaction de notre ministre. De plus, étant Pma, nous avons eu du mal à respecter nos tarifs d’exportation vers les États-Unis dans le cadre de l’Agoa (Africa Growth Opportunité Act), qui permet d’exporter vers le pays de l’Oncle Sam. Les choses seront-elles plus faciles pour nous alors que nous nous préparons à changer de catégorie ? En devenant producteur et exportateur d’hydrocarbures, nous n’aurons aucune faveur par rapport à des pays comme le Nigeria, l’Algérie ou encore l’Arabie Saoudite, si nous exportons vers des pays avec lesquels nous n’avons pas de relation. accords commerciaux bilatéraux.
Tous ces défis, qui auront un impact sur les politiques économiques et sociales de l’État, doivent être d’ores et déjà anticipés, et non réduits à de simples exercices de compétition entre régimes politiques entrants et sortants. En partant, Macky Sall n’a pas démoli tout ce qu’il a réalisé en douze ans. Le nouveau pouvoir ne doit pas s’obstiner à réduire à néant les prouesses de ses prédécesseurs, d’autant qu’il continue d’en bénéficier, et à tous les niveaux. Il serait judicieux que nos autorités se préparent, au terme du quinquennat, à pouvoir démontrer qu’elles sont capables de relever le défi et de sortir définitivement le pays du groupe des PMA.
N’oublions pas qu’en son temps, le président Abdou Diouf, confronté à une situation menaçant de se ruiner, a cru bon de se réfugier sous le manteau des PMA, ce qui lui a permis de bénéficier des avantages liés à cette situation. Abdoulaye Wade, qui l’avait accusé de « manque d’ambition », n’a pas cru bon de partir, après avoir profité de tous les bénéfices de la politique de son prédécesseur. Macky Sall, qui a entamé le processus de sortie, ne peut que se réjouir, 5 ans après, de constater que ses efforts n’ont pas été vains.