Environnement carcéral –
Des agents de détention témoignent de leur métier
Nous avons rencontré trois agents de détention qui travaillent pour le SPEN. L’occasion de découvrir ce métier d’ombre, loin des clichés.
Publié aujourd’hui à 10h00
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Cet article du 8 novembre 2024 a été importé de Femina.ch et republié sur notre site le 7 janvier 2025.
Dans le canton de Vaud, 350 agents de détention travaillent pour le Service pénitentiaire (SPEN) et s’occupe de la prise en charge des personnes détenues dans les cinq établissements pénitentiaires pour adultes ainsi que dans celui de détention des mineurs et des jeunes adultes.
Depuis cet été, un nouveau processus de recrutement a été mis en place dans la région avec l’organisation de séances d’information du public quatre fois par an. Des soirées au cours desquelles il est possible de rencontrer des personnes en uniforme et d’en apprendre davantage sur ce métier et le milieu carcéral, souvent méconnu du public. Le SPEN voit de plus en plus de candidatures féminines, mais elles ne représentent à ce jour que 17 % des agents de détention. Pour découvrir la réalité de leur métier, nous avons pu rencontrer trois femmes travaillant dans trois prisons vaudoises pour hommes.
Bois-Mermet Prison
Le premier rendez-vous est pris à l’établissement pénitentiaire du Bois-Mermet à Lausanne, où se déroulent les détentions avant jugement. On y retrouve Johanne Osti, 39 ans, directrice adjointe de cette prison depuis 2021. « Je ne peux pas vous présenter une journée type, car elle est toujours différente », nous explique-t-elle. Mais je gère les agents de détention, je leur confie les missions quotidiennes et je les accompagne dans leurs tâches. Je dois aussi être présent pour répondre aux questions des personnes incarcérées.
Certains jours sont plus calmes que d’autres, mais l’arrivée de nouvelles personnes et leur placement en cellule peuvent vite prendre du temps. « Avec la prison pleine, la mission n’est pas facile. Il faut trouver qui mettre en place pour que la cohabitation se passe bien», précise la Vaudoise. L’établissement est conçu pour 100 personnes en cellules, mais en accueille 170. Une situation de surpopulation à laquelle de nombreuses prisons ont été confrontées ces dernières années face à l’augmentation du nombre de personnes détenues. Une hausse de 7% a par exemple été enregistrée en 2024.
Johanne Osti s’est lancée dans le métier en 2013, après avoir travaillé dans la vente. “C’est ma mère qui m’a montré l’annonce et m’a encouragé à postuler, car au début je ne m’y voyais pas vraiment.” Elle, qui rêvait d’être « Julie Lescaut » lorsqu’elle était plus jeune, ne connaissait pas vraiment cet autre métier. Avant de prendre ses fonctions à Lausanne, elle a travaillé pendant huit ans comme agent de détention à la prison de La Croisée à Orbe. « Dès mon premier jour de stage, je savais que c’était ce que je voulais faire », dit-elle. Mais si tu ne te sens pas bien dans cette ambiance particulière, tu ne devrais pas rester.»
Trois jours d’immersion sont en effet prévus en début de formation pour savoir si l’environnement est supportable. Parmi les aspects qui pourraient rebuter certains, le chef adjoint évoque notamment le stress, le bruit des portes qui s’ouvrent et se ferment – un bruit imposant qui nous accompagnera tout au long de notre reportage – et le fait d’être enfermé. . « C’est vrai que tout cela provoque beaucoup de fatigue, plus psychologique que physique. Nous passons beaucoup de temps à discuter avec les détenus. Quand je rentre chez moi, je ne pense plus au travail car c’est important de faire une pause, sinon on n’y arrivera pas», constate Johanne Osti.
Une distance avec eux doit également être respectée : « Ils peuvent nous raconter des choses lourdes liées à leur vie ou à leur incarcération, mais il ne faut pas prendre ces aspects personnellement. Cela ne nous empêche pas d’avoir de l’empathie. Notre mission est de les accompagner pendant leur détention. Il y a le côté sécuritaire, mais il y a aussi le côté social. Il est essentiel de ne pas les juger, notamment sur la base de leur crime, et de les traiter tous équitablement. »
Et en tant que femme, qu’est-ce que ça fait de travailler parmi des hommes ? « Je l’ai toujours considéré comme une force. Ils se sentent différemment en notre présence, ils peuvent sûrement plus facilement s’ouvrir à nous », révèle Johanne Osti. Elle déplore également les préjugés de certaines personnes qui pensent qu’elle ne fait qu’« ouvrir et fermer les portes », ou qui craignent pour sa sécurité : « Je n’ai jamais eu peur, si j’ai un problème, j’appuie sur un bouton et tous mes collègues arrivent. dans quelques secondes. Et il faut savoir que nous n’avons pas d’armes, la communication est notre plus grande alliée.
Mineurs et jeunes majeurs détenus
La suite de notre reportage nous emmène à Palézieux, à l’établissement pour mineurs et jeunes adultes (EDM) Aux Léchaires. Il accueille des filles et des garçons âgés de 10 à 25 ans en milieu fermé, avec actuellement 36 personnes détenues. Là, des ateliers et des cours spécifiques leur permettent de poursuivre leur cursus scolaire.
Nous rencontrons la responsable de l’atelier créatif, Wanda, 41 ans. Après avoir travaillé à la prison de La Croisée (avec Johanne Osti notamment), elle a occupé un poste à la blanchisserie avant d’atterrir dans cet atelier pour mineurs, en 2020. « Cela faisait longtemps que je visais ce métier », mentionne-t-elle. Elle.
Avant de devenir agent de détention, elle a travaillé dans le marketing et le tourisme. « Mais je voulais trouver un métier plus humain, avec un côté social, mais j’avais peur qu’il ne soit trop tard pour changer », se souvient-elle. Puis, elle tombe sur une annonce et se sent intriguée par le métier, non sans quelques appréhensions : « J’avais peur d’être confrontée à des gens fermés, mais ce n’était pas du tout le cas et du tout… Ça s’est bien passé.
Bulle d’air
Lorsqu’on arrive dans son atelier, on a l’impression d’atterrir dans un cours de bricolage dans n’importe quelle école. Les créations des résidents sont disposées un peu partout dans la pièce, comme des visages en poterie. «Cet endroit représente une bouffée d’air frais pour les jeunes», déclare Wanda. Cela permet à certaines personnes de mener enfin à terme un projet. Créer quelque chose de leurs mains leur procure beaucoup de fierté. Ici, ils peuvent montrer autre chose d’eux-mêmes, loin de l’étiquette de prisonniers.
La Vaudoise a notamment entrepris deux projets fédérateurs, comme une favela en papier, aujourd’hui exposée au CHUV. Ces moments de création permettent à certains de s’ouvrir : « Ils ont souvent grandi dans des familles dysfonctionnelles, violentes, et ont peut-être été victimes d’abus dont il est difficile de parler. »
N’est-il pas trop difficile d’enfermer des adolescents ? « C’est vrai qu’il est parfois surprenant de les voir dans les cellules. Mais il faut dire que leur séjour leur impose un cadre et un rythme de vie qui leur assurent finalement une stabilité qu’ils n’ont jamais eue, et qui les aident à avancer. Ils se sentent parfois plus sereins ici et ils auront peur en sortant », répond Wanda, qui souligne la nécessité d’accompagner davantage les jeunes mineurs qui quittent ces établissements et de « créer un pont entre les deux mondes afin de faciliter la réinsertion ». . Les peines dans cet établissement sont très souvent de courte durée.
La chef d’atelier aime particulièrement son métier, mais rappelle la nécessité de s’accorder une pause dans le travail, de prendre des pauses pour se reposer ou de vraies vacances. En fin de journée, par exemple, elle se change en civil avant de monter dans sa voiture. En extérieur, elle aime révéler tous les aspects de son métier lorsque les gens sont surpris ou pourraient la juger.
Quant au fait d’être une femme, cela permet d’éviter une « lutte de pouvoir où la virilité entre en jeu ». Mais parfois, l’autorité féminine est moins acceptée. Wanda tient à assurer qu’elle « n’abuse pas de son autorité. Quand les règles sont respectées, nous sommes véritablement égaux.
Exécutions des peines à Orbe
Notre dernière visite a lieu à la prison d’Orbe, pénitencier de Bochuz, où 142 personnes purgent leur peine. Nous rencontrons Jennifer, une future agente de détention qui travaille dans cette prison depuis un an et demi. « J’ai toujours été attirée par les métiers liés à la justice », dit-elle.
Avant cette reconversion, elle avait « mis sa carrière de côté » et entrepris un apprentissage d’intendance au sein d’une unité psychogériatrique. Elle a particulièrement apprécié « le contact humain ». Puis, une annonce l’a encouragée à commencer à travailler comme agent de détention. Ainsi commence son parcours. Après une formation interne, elle entamera prochainement son brevet fédéral.
« Travailler ici a dépassé mes attentes, tout s’est bien passé très vite et je me sens chez moi », dit-elle avec une grande confiance. Pour elle, la mauvaise image qui peut coller à son métier vient « de ce qu’on peut voir dans les médias, les films, les séries ou encore les reportages télé. Ils ont tendance à ne montrer que les aspects négatifs et durs, alors qu’en réalité, nous en sommes loin.
Le jeune agent de détention met en avant la diversité des tâches et les différents types de soins apportés aux personnes incarcérées. Un contact qui demande « de ne pas avoir de préjugés ». Elle explique qu’elle a choisi de travailler avec des hommes et qu’elle se sent à l’aise ainsi. Promouvoir le fait que ce métier soit « aussi masculin que féminin est important », clame-t-elle.
Jennifer apprécie le soutien qui lui est offert et qui lui permet de parler à quelqu’un à tout moment « si quelque chose nous touche trop ». Elle évoque aussi la nécessité de « garder une certaine barrière » avec les détenus, et aime passer beaucoup de temps dehors, faire du sport, profiter de sa famille, ce qui lui permet facilement de « se vider la tête ». Elle ne regrette absolument pas cette reconversion : “C’était la meilleure chose que je pouvais faire !”
Prochaines séances d’information SPEN : mardi 7 janvier 2025 à la salle communautaire d’Orzens (inscription seulement) et mardi 8 avril (lieu non encore connu). Plus d’informations.
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