Publié en octobre dernier, le rapport spécial de la Cour des comptes de l’Union européenne a créé l’émoi au sein de la filière kiwi de l’Adour, située à la frontière des Landes et des Pyrénées-Atlantiques. Malgré le circuit court et la promotion des productions locales, culture de fruits riches en vitamines et adaptation au changement climatique ne font pas bon ménage.
Originaire de Chine et introduit en 1965 par le Landais Henri Pedelucq, le kiwi de l’Adour est la seule variété à bénéficier de la double certification Label Rouge et Indication Géographique Protégée. Désormais huitième fruit produit en France, dont 75 % proviennent du Sud-Ouest, il se retrouve néanmoins sous le feu des critiques.
Des besoins d’irrigation « insuffisants » ?
Le principal élément avancé par le rapport concerne la question d’une irrigation inadaptée aux ressources en eau, de l’ordre de « 2 000 m³ d’eau par hectare ». Il met en avant la faiblesse des investissements publics en matière d’infrastructures comme « la construction d’un réservoir destiné à irriguer cinq hectares d’actinidés » en région Nouvelle-Aquitaine, qui a bénéficié d’un financement de 110 064 euros au titre du Fonds. Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).
Mais alors que la région est parmi les plus pluvieuses du pays selon Météo-France, Jean-Marc Poigt, président de l’Association des Kiwis de l’Adour et producteur depuis trente ans, a accueilli la nouvelle avec stupéfaction. « Je n’utilise pratiquement pas l’irrigation pour mes cultures. Les 2 000 m³ d’eau mentionnés dans le rapport sont presque entièrement recouverts d’eau de pluie ! »
Selon lui, ce fruit a moins besoin d’eau que le maïs, qu’il cultive également. « Nous disposons d’outils de calcul très précis, comme des tensiomètres, pour déterminer quelles zones doivent être irriguées. » Il souligne également que le kiwi est peu sensible aux maladies, et n’a pas besoin d’utiliser de produits phytosanitaires.
La châtaigne du Pays Basque, un trésor aux richesses insoupçonnées
Autrefois présente dans toutes les assiettes, la châtaigne basque a progressivement disparu des habitudes de consommation locales. Symbole d’un patrimoine oublié, Beñat Itoiz s’efforce depuis neuf ans de faire revivre ce patrimoine, plus que jamais ancré dans nos problématiques actuelles.
Les forts contrastes climatiques sont aussi une aubaine, estime le président, pour ce fruit originaire de pays exotiques. « Le climat idéal pour nos plantes, c’est une centaine de millimètres de pluie par mois, un hiver froid et une sécheresse en été pour fracturer le sol et nettoyer les parasites. »
« La question de l’eau est un vrai sujet pour l’agriculture, mais elle n’est pas la même partout »
Aude Witten, directrice générale adjointe du programme de l’agence de l’eau Adour-Garonne, en charge de l’aménagement et de la gestion de l’eau de l’Adour, confirme les propos du producteur de kiwi. « L’Adour n’est pas un secteur touché par les tensions hydriques. » Elle constate ainsi une demande en eau plus importante au printemps pour les usages antigel notamment, « mais les prélèvements restent compatibles avec le débit de la rivière. »
Trop d’eau
Mais il ne faut pas se méprendre sur cela. La production annuelle de kiwis en France est passée de 80 tonnes il y a vingt ans à 65 tonnes aujourd’hui, et force est de constater que la filière rencontre des difficultés.
Le producteur de kiwis reconnaît lui-même avoir perdu 80 % de ses volumes. Selon lui, « la question de l’eau est un vrai sujet pour l’agriculture, mais elle n’est pas la même partout ». Le vrai problème ici, c’est qu’au contraire il y a trop d’eau. « Le véritable tournant a eu lieu en 2013, après d’importantes inondations. »
Depuis, ces épisodes de submersion se répètent régulièrement, comme en 2019 ou plus récemment en octobre 2024. Or, l’hydromorphie provoque le flétrissement des cultures car « les plantes n’ont pas de racines profondes et se retrouvent vite étouffées », poursuit-il. .
Vers le Béarn ?
Même si la vallée de l’Adour ne semble pas touchée par la pénurie d’eau, contrairement à ce qu’affirme le rapport, des problèmes d’irrigation existent dans plusieurs régions de France et d’Europe comme l’Italie et la Grèce, principaux pays producteurs. En 2020, l’Organisation internationale du kiwi (IKO) a enregistré une baisse de 20 % de la production italienne en 2019 par rapport à la période 2014-2017.
Pour survivre, le secteur doit s’adapter aux nouvelles conditions climatiques. Jean-Marc Poigt évoque la possibilité de déplacer la zone de production de kiwi de l’Adour vers le Béarn, « qui a un climat plus froid et moins humide ». Il tente également de trouver des solutions pour ses cultures en expérimentant un porte-greffe plus résistant.
La Région Nouvelle-Aquitaine finance actuellement un programme de recherche pour lutter contre le dépérissement. Très convoité et encore largement importé, le kiwi est une culture que les communautés ne souhaitent pas voir disparaître, tant pour son prestige que pour sa forte valeur ajoutée.