Marine Le Pen dit vouloir “écouter” les Mahorais. Le chef des députés du Rassemblement national, plusieurs fois candidat à l’élection présidentielle, se rend à Mayotte début janvier, trois semaines après le passage du cyclone Chido qui a ravagé le département le plus pauvre de France.
Déjà, vendredi 3 janvier, le député RN Thomas Ménage a tenu à montrer que son parti était au chevet des Mahorais. Dans le 8h30 de Franceinfo, il a assuré que le RN veillerait à ce que le gouvernement fasse le nécessaire pour reconstruire Mayotte. Il voulait également rappeler « que l’année dernière, lors du projet de loi de finances, nous avons déposé un amendement de 100 millions d’euros pour l’accès à l’eau en Outre-mer et notamment à Mayotte, et que toutes les formations politiques ont voté contre. Vrai ou faux ?
Le RN a bien déposé un amendement pour faciliter l’accès à l’eau en Outre-mer, aussi bien en 2023 pour le projet de budget 2024 qu’en 2024 pour le projet de budget 2025, mais ce n’était pas 100 millions d’euros, c’était la moitié.
Le député du Gard Yoann Gillet, qui a déposé ces amendements pendant deux années consécutives, a demandé la création d’un « plan global pour le droit d’accès à l’eau dans les territoires d’outre-mer » doté de 50 millions d’euros. Il a été examiné quant au fond en commission des Finances (amendement II-CF1915) et en commission des Lois saisie pour avis (amendement II-CL283).
Il est toutefois important de souligner que le RN n’était pas le meilleur offrant. Le Parti socialiste avait déposé un amendement au projet de budget 2025 pour un plan d’urgence pour le droit d’accès à l’eau dans les territoires d’outre-mer, plus ambitieux : 100 millions d’euros (amendement II-CF2528). La France insoumise avait proposé encore plus : 500 millions d’euros (amendement II-CF1016).
L’amendement RN déposé en 2024 pour 2025 a été rejeté tant en commission des Finances qu’en commission des Lois et n’a donc pas été examiné en hémicycle. En revanche, il n’est pas possible de savoir si tous les partis représentés dans ces commissions ont voté contre ces amendements d’un seul bloc, car les archives du site de l’Assemblée nationale ne détaillent pas les votes en commission.
En revanche, ils donnent accès aux comptes rendus des débats de ces commissions. Ces rapports apportent peu d’explications directes sur les rejets des amendements du RN, mais ils apportent davantage d’informations sur les raisons pour lesquelles les deux amendements de gauche n’ont pas été adoptés.
L’amendement de la France Insoumise est « tombé » en commission des Finances, car il ne pouvait plus être financé. Il a prévu de prélever 500 millions d’euros sur le programme Emploi Outre-Mer pour les réorienter vers ce plan d’urgence pour l’accès à l’eau. Cependant, l’amendement rebelle a été examiné après plusieurs autres amendements qui avaient déjà largement prélevé des sommes sur le programme d’emploi à l’étranger. Le plan d’urgence ne pouvait plus être financé de cette manière. L’avenant RN prévoyait de financer son plan de la même manière.
Celui du Parti socialiste a été retiré après l’adoption d’un autre amendement qui prévoyait d’ajouter près de 11 millions d’euros aux secteurs sanitaire, social, jeunesse, culturel et sportif des Outre-mer, pour compenser la baisse initiale de budget prévue par le gouvernement en son projet de loi de finances.
A noter cependant que la commission des finances a retenu un amendement de Christian Baptiste, député socialiste de Guadeloupe, qui proposait de verser 10 millions d’euros à l’Union paritaire de gestion de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe, dont le budget avait été initialement réduit dans le projet de loi de finances. Ce syndicat subit la pression de l’État en raison de « dysfonctionnements » comptables, selon la préfecture de Guadeloupe, alors que l’approvisionnement en eau de l’île est notoirement médiocre.
A noter également que Yoann Gillet avait déposé le même amendement pour qu’il puisse être examiné en séance publique à l’Assemblée, mais qu’il n’a pas pu l’être.
Notons enfin que, le budget 2025 ayant été censuré par les députés, rien de tout cela ne s’appliquera a priori. A moins que cela ne soit réintroduit dans le budget 2025 qui sera finalement adopté.
L’année précédente, en 2023, Yoann Gillet avait également déposé un amendement au projet de loi de finances pour créer un plan d’accès à l’eau dans les territoires d’outre-mer d’un montant de 50 millions d’euros. (amendement II-354). Cette fois, cela a été débattu dans l’hémicycle, mais cela n’a pas été accepté. Le détail du vote n’est pas non plus disponible sur les analyses des sondages de l’Assemblée.
Le député RN Jean-Philippe Tanguy avait également déposé un amendement de recours pour créer un « Fonds exceptionnel pour les investissements dans l’eau en Guadeloupe » de 150 millions d’euros (II-3421). Il avait en effet été rejeté par tous les partis à l’exception d’un député Liot qui avait voté pour, selon l’analyse du scrutin.
Or, le compte rendu des débats du lundi 6 novembre 2023 permet d’apprendre que, à cette époque, les députés avaient retenu un autre amendement qui proposait de débloquer 500 millions d’euros pour rénover les canalisations en Outre-mer. Ils ont expliqué avoir rejeté les deux amendements du RN par ce vote. La gauche, qui avait également déposé des amendements sur l’eau outre-mer, les a ensuite retirés.
Finalement, selon Outre-Mer La 1ère, la mesure n’a pas été retenue dans le budget adopté par le 49.3.