Pour Augatnaaq Eccles, coudre des parkas est une façon de se rapprocher de Rankin Inlet, sa communauté au Nunavut, tout en restant à Ottawa. Cependant, comme de nombreux Inuits, la jeune femme est souvent contrainte de vendre ses œuvres à des prix bien inférieurs à leur valeur réelle. Une réalité dont profitent certains marchands d’art.
Heureusement, les modifications à la Loi sur le droit d’auteur proposées dans l’énoncé économique de l’automne 2024 du gouvernement fédéral pourraient remédier à la situation. Les artistes recevraient alors une partie des bénéfices de la revente de leurs œuvres.
La communauté artistique inuit attend cette réforme avec impatience depuis plusieurs années déjà. Plus de 90 pays à travers le monde ont adopté un système de redevances similaire, notamment l’Australie, le Royaume-Uni et tous les États membres de l’Union européenne.
Selon Mme Eccles, ces changements législatifs garantiraient une plus grande équité. Certains artistes ne reçoivent parfois pas un centime de leurs œuvres vendues plusieurs milliers de dollars.
A titre d’exemple, elle évoque la célèbre chouette de l’éminent artiste Kenojuak Ashevak, incluse notamment sur le moteur de recherche Google à l’occasion de son anniversaire posthume.
Lors de la première publication de cette œuvre emblématique de la culture canadienne, en 1960, la gravure était vendue pour la modique somme de 75 $. Le 2 décembre, une reproduction à l’encre bleue de la gravure s’est vendue 366 000 $ à la maison de ventes. Premiers Arts.
La chouette enchantée de Kenojuak Ashevak, symbole de l’art autochtone au Canada, apparaît depuis longtemps sur les timbres canadiens.
Photo : West Baffin Co-Operative Ltd.
Augatnaaq Eccles reconnaît qu’il s’agit d’un cas extrême, mais l’artiste inuk estime que peu importe la valeur de revente, les artistes devraient toujours recevoir une partie des profits.
Dans les cas où l’artiste est décédé, les redevances devraient revenir à la succession, selon Mme Eccles, comme cela devrait être le cas dans ce cas-ci avec la vente aux enchères de la reproduction de la chouette enchantée.
Les détails des modifications législatives proposées seront révélés lors de leur présentation au Parlement, selon le ministère du Patrimoine canadien. Aucune date n’est prévue pour le moment.
Des questions demeurent
Selon William Huffman, directeur exécutif de la West Baffin Co-op, la plus ancienne organisation artistique au Canada appartenant à un groupe autochtone, la réforme annoncée est un pas dans la bonne direction, mais elle comporte de nombreux problèmes non résolus.
Certaines de ses préoccupations portent sur la façon dont les ventes seront suivies, si un prix de vente minimum sera requis pour qu’une redevance s’applique ainsi que l’administration des paiements à la succession d’un artiste décédé.
La communication avec les artistes concernés, qui résident souvent dans des régions isolées, suscite également chez lui des inquiétudes.
Nous avons déjà du mal à travailler avec nos artistes lorsqu’il s’agit de distribuer des redevances, des cachets ou encore d’obtenir leur autorisation pour participer à certaines choses.
note-t-il.
C’est pourquoi il est fondamental, selon M. Huffman, que toute agence fédérale chargée d’encadrer le futur système de redevances, s’il est adopté, établisse des partenariats locaux dans les régions où vivent les artistes inuits.
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William Huffman (à droite) déballe des œuvres d’art inuites au English Harbour Arts Centre.
Photo : Avec l’aimable autorisation de Valérie Howes
Augatnaaq Eccles suggère que les artistes aient la possibilité de contacter une personne désignée dans chaque communauté, ou qu’ils puissent consulter des affiches dans les lieux publics.
Basé sur un texte de Samuel Wat de CBC Indigenous.