« L’atelier Honoré, c’est un peu notre troisième enfant. » Derrière ce nom, Christelle et Cyrille Vandroux, un couple de Clermont (Oise), qui ont relancé une pratique artisanale quasiment disparue dans l’Oise ; la fabrication de moutardes traditionnelles. Autrefois courante, cette production avait peu à peu laissé la place à d’autres activités, au même rythme que la culture des graines de moutarde avait disparu des champs de l’Oise, au profit de plantes aux rendements plus fiables, comme le colza.
C’était sans l’envie viscérale d’entreprendre de ce professeur de marketing et de ce cadre bancaire, intéressé de longue date par le monde de l’artisanat. « Comme beaucoup de personnes pendant le confinement, nous avons pensé à lancer une entreprise, un projet que nous avions depuis longtemps », raconte Cyrille.
Un territoire dans lequel il ne reste plus grand monde dans l’Oise ni même dans les Hauts-de-France, hormis Philippe Guillomy, à Ribécourt-Dreslincourt, dont l’entreprise familiale Champ’s existe depuis 1964, qui était jusqu’alors le dernier artisan moutardier de la région. En France, seule une poignée aurait conservé ce savoir-faire.
A Clermont, Christelle et Cyrille n’ont mis que deux ans pour créer une gamme de moutardes traditionnelles et bio dont la réputation commençait à dépasser les limites du département. Et ils se sont lancés après le Covid, sans vouloir surfer sur la pénurie de moutarde qui pourrait toucher le pays en 2022. « On avait déjà l’idée avant cet épisode, on a eu la chance de rencontrer des artisans moutardiers qui nous ont conseillé et aidé. » souligne le couple.
Le tout avec des produits régionaux : graines de moutarde et vinaigre de vin de la Somme. « Tous les ingrédients viennent de France », assure le couple. Nous avons réussi à refaire une moutarde locale aux graines blanches, qui n’est pas une copie de celle fabriquée à Dijon. »
Un ancrage local qui a séduit les consommateurs mais aussi les restaurateurs. « Pour un établissement de Beauvais, nous avons créé une moutarde spéciale à base de thym et de thym sauvage. Et nous travaillons également avec des agriculteurs qui peuvent commercialiser leur moutarde dans leurs exploitations. » Le succès est tel que le couple a recruté un apprenti pour gérer leur site internet et leurs réseaux sociaux, tout en recherchant des locaux plus grands pour leur atelier toujours situé au sous-sol de leur maison.
Au point d’envisager sérieusement de quitter son emploi pour se consacrer exclusivement à l’atelier Honoré ? « C’est une question que nous nous posons évidemment, en 2024, nous avons transformé 2 tonnes de moutarde et nous avons participé au salon Made in France à la Porte de Versailles en novembre. Avec un atelier plus grand, nous pourrons produire davantage et faire visiter le site de fabrication, un processus qui intéresse toujours les gens. »