TCela commence par un drame : la mort d’un bébé dans une crèche lyonnaise durant l’été 2022. Dans la foulée, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) est chargée d’enquêter sur les crèches françaises. «Pendant un an, nous avons visité une quarantaine d’établissements en tout genre», raconte Christophe Itier, inspecteur général des affaires sociales. Une mission exclusivement centrée sur l’accueil collectif : une deuxième enquête, au premier trimestre 2025, scrutera les assistantes maternelles.
Recentrer les politiques de l’enfance autour… de l’enfant
Premier constat dressé par Igas : « Une qualité d’accueil très hétérogène. » Deuxième sujet d’observation : « La politique d’accueil des jeunes enfants a été conçue pour répondre aux besoins des familles, et notamment dans le cadre de l’équité professionnelle », décrypte l’Inspecteur général. Si l’intention est louable envers les mères, les besoins de l’enfant ne sont pas au premier plan. “Mais elles sont décisives, notamment dans les 1 000 premiers jours”, comme le rappelle la commission présidée par le neuropsychiatre bordelais Boris Cyrulnik.
« Il faut rééquilibrer la politique de l’enfance, entre les besoins légitimes des familles et ceux des enfants »
Aussi, les inspecteurs concluent qu’« il est sans doute nécessaire de rééquilibrer la politique de l’enfance, entre le besoin légitime des familles d’avoir une réponse de garde et les besoins des enfants ». C’est dans cette optique que dans ses recommandations, l’Igas propose de renforcer le congé parental. “Cette piste est actuellement étudiée au niveau politique”, appuie Christophe Itier, se félicitant que la Cour des comptes ait rendu le 12 décembre des conclusions validant l’intérêt, notamment financier, du congé maternité prolongé d’un mois et des mesures favorisant le congé parental. En l’état, cette dernière est trop mal payée – environ 440 euros – pour être considérée comme une véritable option.
Pénurie de personnel…
Toutefois, les familles doivent avoir le choix, soutient Igas. « Aujourd’hui, ils n’en ont pas », déplore l’inspecteur, détaillant la pénurie. « 170 000 Français abandonnent une formation ou un emploi faute de services de garde d’enfants. » Et si le gouvernement a prévu le déploiement de 200 000 places d’accueil d’ici 2030, c’est parce que l’offre actuelle ne « permet pas de satisfaire un cinquième de la demande des familles », détaille la Cour de justice. comptes.
…et une pause entre la réception et l’école
Autre réflexion tirée du terrain mais aussi de la comparaison avec d’autres pays européens : si cette période de la très petite enfance est courte, elle s’articule aussi mal avec l’entrée à l’école. « Or, il existe un véritable continuum entre l’éveil de l’enfant et ses apprentissages scolaires », soutient Christophe Itier. Bref : les premiers mois passés en « mode accueil » sont déterminants pour la scolarité. « Il faut donc changer notre regard sur les professionnels de la petite enfance, trop souvent considérés comme des gardiens et non des acteurs du développement de l’enfant », poursuit l’inspecteur.
D’où la pénurie de personnel, mesurée par la CAF dans une étude publiée en 2022 : 10 000 places fermées faute de professionnels. En conséquence, ces dernières années, le niveau de formation requis a été abaissé et les taux d’encadrement assouplis. « Et, par conséquent, des phénomènes de maltraitance institutionnelle. »
Déjà, une restructuration des métiers est en cours, sous l’impulsion du comité sectoriel petite enfance, dans différentes directions : la formation des professionnels, la mise en place d’un référentiel de qualité et un travail sur l’architecture des diplômes.
Rapport d’échec
Conclusion : les besoins des familles ne sont ni quantitativement ni qualitativement couverts, alors que les professionnels du secteur souffrent. Un constat d’échec qui interroge, au plus haut niveau, le modèle d’accueil de la petite enfance en France. « C’est un changement structurel qui s’impose », affirme Christophe Itier.
Après le rapport de l’Igas sur les crèches collectives, celui de la Cour des comptes, et en attendant l’enquête sur les assistantes maternelles – dont 48 % prendront leur retraite d’ici 2030 – une conférence, organisée par l’Igas, a réuni début décembre tous les acteurs dans les politiques de la petite enfance en France et dans les pays voisins, pour développer les idées d’un nouveau modèle.
« Certaines de nos recommandations ont déjà été mises en œuvre, comme le contrôle des crèches privées ou la refonte des formations », appuie l’inspecteur général. La balle est désormais dans le camp du gouvernement. « Il s’agit de donner une plus grande impulsion à la petite enfance, par exemple avec un changement de gouvernance. »