En Belgique, pas de nouveaux bunkers, mais de la « résilience » face à la menace russe

En Belgique, pas de nouveaux bunkers, mais de la « résilience » face à la menace russe
En Belgique, pas de nouveaux bunkers, mais de la « résilience » face à la menace russe

En Belgique comme au Grand-Duché de Luxembourg, la question s’est posée dans le sillage de l’Allemagne : où et comment protéger la population si la guerre en Ukraine se propageait à l’Europe occidentale. La réponse est simple : si la Belgique est truffée de bunkers datant des deux guerres mondiales, aucun n’est « aux normes » pour offrir une réelle protection en cas de conflit, qu’il soit traditionnel ou nucléaire.

Le nationaliste flamand Theo Francken s’en inquiète, tout en reprenant une déclaration de l’ancien colonel Roger Housen selon laquelle « nous sommes déjà en guerre sans le savoir ». Theo Francken – qui convoite le portefeuille de la Défense dans le encore hypothétique prochain gouvernement De Wever – s’interroge : comment la Belgique se prépare-t-elle à un éventuel conflit alors que l’Allemagne a lancé un « plan bunker » et que la Suède et la Finlande distribuent des brochures aux civils ?

Plus de 600 bunkers – inutilisables – sur le sol belge

Réponse : selon Theo Francken, il existe trois bunkers à Anvers et un autre dans le Parc Royal de Bruxelles. Situé sous le très sélect Cercle Gaulois, il pourrait accueillir une partie des parlementaires de la Chambre et du Sénat si ses couloirs n’étaient pas totalement bouchés. Il est dans un état de délabrement absolument déplorable. A cela s’ajoutent deux centres de commandement souterrains, dont l’un situé en Flandre occidentale sert aujourd’hui de musée. Enfin, dans la commune wallonne de Glons (Bassenge, au nord de Liège), le Centre de Contrôle et de Signalement (CRC) est fermé depuis 2021.

Le pays compte effectivement des centaines de bunkers, mais la grande majorité d’entre eux sont hors service ou réaffectés à d’autres missions. La Belgique sous les bombes, un rapport d’après-guerre de l’Air Protection Commission mentionne que plus de 600 abris ont été rendus fonctionnels de 1942 à 1944, permettant la protection (théorique) d’un million de personnes. Aucun n’est plus vraiment opérationnel.

Il a récemment fallu en ajouter trois supplémentaires, puisqu’au printemps dernier un trio de bunkers en béton armé a été découvert lors de travaux dans la dune de Knokke-Heist, une station balnéaire de la côte belge. Ils faisaient partie du Mur de l’Atlantique, une structure destinée à repousser les débarquements alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils furent construits par l’armée allemande entre 1942 et 1944 sur ordre du Führer qui souhaitait protéger la « Forteresse Europe ».

Le très beau et très vaste fort d’Eben-Emael

Enfin, il faut rappeler l’existence du très beau et très vaste fort d’Eben-Emael, ouvrage militaire de défense considéré comme absolument imprenable avant la guerre, pourtant pris sans coup férir par les Allemands, les 10 et 11 mai 1940, dans le 30 premières heures de la guerre sur le front occidental. Les planeurs de la Luftwaffe avaient atterri sur la « pelouse » qui recouvre l’énorme bunker. Des commandos s’étaient déployés pour exploiter les batteries du fort. Les troupes d’élite entrent alors dans la brèche, tuant les défenseurs belges. Eben-Emael, cette splendeur du génie militaire, était tombé comme un fruit mûr entre leurs mains.

Mais tout n’est pas perdu. « La tragédie d’Eben-Emael fait qu’aujourd’hui la Wallonie dispose sur son territoire de la seule structure de défense passive capable d’accueillir une population en proie aux risques de guerre. C’est toujours la propriété de la Défense. A l’origine, le fort était conçu pour une garnison de 1 200 à 1 300 hommes. Comme il n’a pas subi d’attaques répétées, il est comme neuf. L’ensemble dispose du chauffage central au fioul. Ce qui fonctionne. La ventilation électromécanique renouvelle constamment l’air. L’eau est puisée directement de la nappe phréatique par un système de pompes. Les toilettes sont fonctionnelles”, écrit le quotidien francophone Le soir. De là à imaginer que des milliers de personnes pourraient s’y réfugier en cas d’attaque russe, il y a évidemment une marge. L’endroit pourrait vite se transformer en un gigantesque piège.

Un grand « plan de résilience »

La Belgique reconnaît sans enthousiasme la nécessité de protéger sa population face à la menace russe. Bruxelles constitue une cible privilégiée pour une attaque orchestrée depuis Moscou. La capitale rassemble de nombreuses institutions internationales, européennes et atlantiques. “Mais l’intention n’est pas de creuser constamment de nouveaux bunkers”, argumente le député Theo Francken.

Pour l’heure, le Centre national de crise travaille sur un grand « plan de résilience ». Cet organisme d’analyse des risques est également l’interlocuteur des infrastructures critiques. « L’OTAN, précise son porte-parole, nous a assigné sept objectifs pour que nous soyons plus résilients en tant que membres. Par exemple, les services gouvernementaux doivent réfléchir à la manière de continuer à fonctionner en cas de panne de courant. Comment pouvons-nous continuer à garantir l’approvisionnement alimentaire même en cas de crise ? Ou où emmener la population si l’on doit évacuer une ville comme Bruxelles ou Anvers par exemple. »

Le Centre reconnaît que la guerre en Ukraine a quelque peu accéléré la mise en œuvre de son plan de résilience. Mais pas question de distribuer à la population une brochure similaire à celle diffusée par le gouvernement suédois. “Cela provoquerait la panique et nous ne voulons pas que la population se précipite vers le papier toilette comme ce fut le cas lors de la pandémie de coronavirus”, commente la porte-parole du Centre de crise. L’objectif est de rendre les Belges plus autonomes en leur apprenant à constituer une trousse d’urgence ou à lutter contre un incendie dans leur maison. « Il va falloir opérer un changement de notre culture à ce niveau, mais cela ne se fera pas du jour au lendemain », conclut le porte-parole.

 
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