Depuis sa création, le festival ReQueer s’est imposé comme un événement incontournable pour les personnes LGBTQIA+ à La Réunion. Cette initiative, soutenue par l’association éponyme, va bien au-delà de la célébration. Elle incarne un combat pour la visibilité, les droits et l’acceptation de la diversité. À travers les voix de ses acteurs clés, nous explorons les enjeux actuels et les perspectives de la communauté LGBTQIA+ de l’île. (Photo : www.imazpress.com)
Créée par Brandon Gercara, artiste, chercheur et activiste, l’association ReQueer a organisé du 12 au 14 décembre 2024, la quatrième édition de son festival de fin d’année.
À travers des événements artistiques, militants et festifs, l’événement a offert un espace d’expression unique aux personnes LGBTQIA+. « Notre cheval de bataille, c’est la joie », explique Brandon Gercara.
Mais le festival ReQueer n’est pas seulement une fête. C’est aussi un lieu de réflexion, comme l’illustre la projection du film « Critical Failure » de l’artiste franco-marocain trans et queer. Section Phénix.
“Ce film raconte à la fois une histoire de science-fiction, d’émancipation et en même temps l’histoire des gens qui ont décidé de faire ce film”, explique l’artiste. Brandon et moi jouons les rôles des réalisateurs. Nous l’avons construit en dehors des cadres normatifs et hétéro-patriarcaux. Nous façonnons nos propres outils pour raconter nos histoires d’émancipation », explique Phoenix Atala, ouvertement investi dans les pratiques décoloniales et queer.
– La force d’un collectif et la lumière de l’art –
Pour Jonathan Marcel, président de ReQueer, se retrouver avec des gens du milieu est essentiel : « Cela nous rend plus forts. » Il souligne également l’importance de l’éducation : « Les associations LGBTQIA+ de l’île, comme Horizon, interviennent dans les écoles, grâce au Corah (Comité opérationnel de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT), pour déconstruire les préjugés. »
Phoenix Atala, de son côté, rappelle que l’art joue un rôle crucial dans la lutte contre le pouvoir de la norme. « L’idée selon laquelle activisme et art ne font pas bon ménage est un argument fallacieux », assène-t-il. « Il n’y a pas d’art qui ne soit pas engagé et politiquement positionné. L’art est un marqueur de classe, de genre, de race. Nous devons raconter des histoires qui nous mettent dans une position d’autonomisation », insiste l’artiste.
Phoenix Atala se souvient aussi du manque de représentation trans dans sa jeunesse. «Il y en a eu, mais avec des dénouements tragiques», explique l’artiste. Le message était clair : « si vous voulez vivre votre transidentité jusqu’au bout, vous allez mourir, vous n’allez pas fonder de famille », conclut l’artiste qui enseigne dans une école d’art à Paris.
– Une île en mouvement, une lutte pour continuer –
ReQueer, et plus largement le combat des personnes LGBTQIA+ à La Réunion, reflète une société en transformation. Même si des progrès significatifs ont été réalisés, de nombreux défis demeurent.
Depuis la première marche de visibilité LGBTQIA+ en 2021, un tournant décisif a eu lieu. « Cette marche a tout changé, notamment au niveau des moyens mis à disposition par les institutions », explique le fondateur de l’association.
Un centre LGBT de l’Océan Indien a également été créé, offrant un espace d’accueil et de ressources aux associations.
– La transidentité comme curseur de discrimination –
Malgré des progrès notables, notamment pour les gays, les lesbiennes et les bisexuels, les personnes transgenres restent confrontées à une exclusion systémique. « 100 % des personnes LGBTQIA+ subissent des discriminations dans leur quotidien à La Réunion, mais l’exclusion est systématique pour les personnes transgenres », souligne Brandon Gercara.
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À cela s’ajoute un manque flagrant de soutien médical pour les personnes trans de l’île. Si un chemin de transition est possible à La Réunion, il reste semé d’embûches. Beaucoup choisissent de partir pour éviter le poids des ladi lafé (potins) et des jugements familiaux.
Phoenix Atala insiste aussi sur les enjeux mondiaux. « Si les droits ont progressé, la montée de l’extrême droite est une réponse directe à ces avancées. Les réseaux sociaux, s’ils facilitent nos connexions, sont aussi des plateformes de censure, notamment pour la communauté queer.
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Le discours vantant le « vivre ensemble » réunionnais est également remis en question par les membres de ReQueer. « Ce discours ne tient pas pour les personnes LGBTQIA+. Il y a des discriminations et des rejets familiaux très violents », affirme Brandon Gercara.
– Vers une fédération locale et une coopération régionale –
Pour répondre aux nombreux défis pour mettre fin aux discriminations LGBTQIA+, ReQueer a des projets ambitieux.
L’association envisage de créer une fédération locale en 2025, regroupant les différentes structures existantes sur l’île. Cette organisation permettra de structurer les actions autour de pôles dédiés : sanitaire, social, culturel et événementiel.
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Parallèlement, des liens sont en cours avec des associations à Maurice, à Madagascar et aux Comores. L’objectif est de construire un espace de dialogue et d’action dans la région de l’Océan Indien, où les droits LGBTQIA+ sont souvent mis à mal.
Avec la création d’une fédération locale et d’une coopération régionale, les acteurs et actrices de ce mouvement espèrent pérenniser ces luttes. Animée par la joie, l’art et la solidarité, la communauté LGBTQIA+ réunionnaise continue de tracer son chemin, construisant un avenir où chacun pourra vivre et aimer librement.
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