Comment s’est passé votre retour en Bretagne ?
J’ai quitté Mayotte à bord d’un avion militaire le 23 décembre. Nous avons atterri à la Réunion, où nous avons été largués comme ça. Les familles des policiers étaient accueillies, hébergées, bénéficiaient d’un billet gratuit pour rentrer en France… Ce n’était pas le cas de la part de notre ministère. Ma mère a tout géré à partir d’ici, elle m’a trouvé un vol le lendemain. Je suis arrivé à Paris jeudi soir.
Dans quel état d’esprit avez-vous quitté l’archipel ?
C’est difficile à dire. J’étais coincé là depuis plusieurs jours, sans aucune notion du temps, avec de brèves informations. Les journées consistaient à attendre. Nous étions fatigués. J’étais heureux de partir, soulagé. Je n’ai pas perdu grand-chose, car je n’étais pas là depuis longtemps. Mais certains de mes collègues ont presque tout perdu.
Ma maison n’avait plus de toit donc je vivais avec mes voisins du rez-de-chaussée. Nous n’avions plus de réseau, pas d’internet, seulement de 18h à 19h, grâce à un voisin qui avait acheté un réseau qui fonctionnait par satellite. Je me rapproche de l’aéroport, en attendant que la préfecture me contacte pour pouvoir repartir.
Quelle était la situation sur l’île lorsque vous l’avez quittée ?
Cela devenait tendu. Il y avait des problèmes d’insécurité, avec des pilleurs. Nous nous sommes retrouvés à circuler avec un marteau, un voisin avait un pistolet, pour protéger des biens. Il y avait de la nourriture dans les magasins, mais il n’était pas nécessaire d’être difficile. Par contre, il n’y avait pas d’eau. L’eau du robinet n’est pas potable. Nous devions faire la queue, parfois pendant deux heures, pour accéder aux poubelles afin de remplir les récipients pour faire la vaisselle, la lessive, etc. En tant qu’enseignant, nous avions droit à deux packs d’eau au collège.
Savez-vous comment ça se passe pour ceux qui ne peuvent pas rentrer en France ?
La plupart de mes collègues sont revenus. On ne sait pas comment ça se passe pour les autres. Nous vivions isolés depuis dix jours. Je sais que des réservoirs d’eau ont été installés dans certains villages mais cela tourne à la mêlée s’il n’y a pas de forces de l’ordre. C’est premier arrivé, premier servi. Tout le monde attend toujours de l’eau et de la nourriture.
Pensez-vous y retourner un jour ?
Si j’ai un logement permanent et un emploi, je partirai. Mais je me rends compte que cela n’arrivera pas tout de suite. Le préfet a parlé d’une réouverture des écoles le 13 janvier, mais c’est impossible. Une grande partie des établissements sont endommagés. Le mur du collège où je travaillais a été emporté par le vent.
Que pouvons-nous faire à partir d’ici ?
Je ne sais pas vraiment. L’envoi de nourriture prend trop de temps. L’important est de continuer à informer. Le manque de ressources sur cet archipel est alarmant. Les directeurs d’université se retrouvent face à des bagarres, à s’occuper de gens scalpés à coups de métal… C’est à la police, aux politiques, aux militaires de gérer ça. Nous avons entendu dire que des secours étaient arrivés mais nous ne les avons jamais vus. Ce n’est pas résolu et cela ne le sera pas de si tôt. Aucun moyen n’est mis.
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