Des gens qui ont faim. D’autres qui meurent dans la rue. Gouvernements en rouge foncé, tant au Québec qu’à Ottawa. L’année qui s’achève a été une année de records, et pas des plus heureuses. Permettez-moi de dépoussiérer mon boulier pour revenir sur 2024 en quelques chiffres.
2 900 000
La hausse du coût de la vie a continué à frapper durement. Brutalement, même. Les banques alimentaires de la province ont reçu en moyenne 2,9 millions de demandes d’aide chaque mois en 2024, apprend-on dans le « Rapport sur la faim » publié en octobre. C’est 13 % de plus que l’an dernier… et 55 % de plus qu’en 2021. Autrement dit, ils reçoivent un million de demandes de plus par mois qu’il y a trois ans ! Deux chiffres m’ont frappé : 20 % des personnes qui fréquentent les banques alimentaires ont un emploi et 72 % des organismes communautaires interrogés ont manqué de nourriture au cours de l’année. C’est effrayant.
30
Trop de familles ont faim, mais pire encore : de plus en plus de personnes se retrouvent à la rue. On a vu des camps s’installer dans les parcs de Montréal et d’autres villes du Québec, une solution fragile aux rigueurs de l’hiver. Ce qui devait arriver s’est produit : un sans-abri est décédé d’hypothermie à la mi-décembre, dans Hochelaga-Maisonneuve. Un autre décès, après les 72 dénombrés en 2023 par le Bureau du coroner, et tous ceux qui n’ont pas encore été dénombrés en 2024. La demande est si forte que les refuges et les refuges doivent refuser des personnes chaque soir. La Ville de Montréal a trouvé une solution urgente, quelques jours avant Noël : elle transformera l’édifice Lucien-Saulnier, jouxtant l’hôtel de ville, en un relais thermique pour 30 personnes. Sans la moindre aide ni financement du Québec. Aux grands maux, il existe de grands remèdes…
25 000 $
De gros investissements ont été réalisés dans le roaming en 2024, même si les besoins semblent infinis. Mais ce qui ressort également, c’est que l’ajout de tous ces refuges et autres ressources ne se fait pas sans heurts. La cohabitation est souvent éprouvante. À Milton-Parc, au sud du Plateau-Mont-Royal, deux groupes de citoyens sont tellement dégoûtés qu’ils ont déposé des demandes d’action collective contre la Ville et Québec, entre autres. Ils ne supportent plus les sans-abri qui « urinent, défèquent, ont des relations sexuelles, consomment des boissons alcoolisées et des substances illicites, jonchent le sol de leurs déchets, seringues, canettes, vêtements et nourriture abandonnée ». Montant demandé : 25 000 $ par résident gêné. Une facture théorique de plusieurs dizaines de millions… dans le cas très hypothétique où le tribunal autoriserait ces actions. Je ne vous parle même pas des déboires de la Maison Benoît Labre, dans Le Sud-Ouest.
62 milliards
Chrystia Freeland n’a pas seulement provoqué une crise politique en démissionnant. L’ancien ministre fédéral des Finances a également laissé aux Canadiens un déficit gigantesque de 62 milliards de dollars. Très loin de l’objectif (déjà incroyable) de 40 milliards qu’elle s’était fixé. Les dépenses sont hors de contrôle à Ottawa et il n’y a pas la moindre allusion à un plan de retour à l’équilibre budgétaire. La situation n’est guère meilleure au Québec, remarquez. Le gouvernement Legault se dirige vers un déficit de 11 milliards, et il coupe partout pour tenter d’améliorer son bilan l’année prochaine. Construction d’écoles en pause, cours de français annulés, suppression de postes d’infirmière, gel généralisé des embauches : la tronçonneuse de la CAQ est à l’œuvre. Mais n’ayez crainte : ce ne sont PAS des mesures d’austérité. Compris ?
2033
Il s’agit de la deuxième série interminable de transport collectif dans la province, après celle de la ligne bleue du métro de Montréal : le tramway de Québec ! Maintes fois annoncé, souvent moqué, le projet va enfin avancer, sous la houlette de CDPQ Infra, apprenait-on en décembre. Si tout se passe comme prévu, le réseau de 19 km sera prêt… en 2033. Sept ans plus tard que prévu. Facture estimée : 7,6 milliards. Malgré tout, c’est une excellente nouvelle pour le Québec, qui mérite un système de transport collectif digne de son statut de capitale. Mais… je le croirai quand je le verrai ! L’arrivée probable des conservateurs de Pierre Poilievre à Ottawa pourrait faire dérailler le tramway avant même qu’il ne quitte la gare.
Zéro décibel
Le voisin antibruit a gagné : le cabaret La Tulipe ne produit plus un seul décibel depuis septembre dernier. L’institution du Plateau-Mont-Royal a fermé ses portes après des années d’une bataille juridique ruineuse. Un combat mené par un seul homme, qui trouvait anormal qu’un théâtre émette des sons, alors qu’il s’était installé à côté en toute connaissance de cause. La Cour d’appel du Québec a confirmé qu’il était dans son droit, puisque la réglementation municipale de Montréal sur le bruit penche systématiquement en faveur des plaignants. Face au tollé suscité par cette fermeture, la commune du Plateau a modifié en urgence sa réglementation. Une demande qui lui a été faite au milieu de vie nocturne depuis de nombreuses années. La liste des bars et salles de spectacle tombés dans la guerre contre le bruit s’allonge dangereusement à Montréal. Qui sera le prochain ?
Deux
C’est le nombre de morts causés par l’incendie criminel du Vieux-Montréal en octobre dernier. Un deuxième drame du genre en deux ans. Cette fois, les victimes étaient Léonor Geraudie et Vérane Reynaud Geraudie, une mère de famille de 43 ans et sa fille de 7 ans. Les deux touristes français dormaient dans leur chambre d’hôtel lorsque le restaurant situé au rez-de-chaussée a été visé par un cocktail Molotov. Cette odieuse attaque a fait l’effet d’un électrochoc collectif : étions-nous vraiment à Montréal ? Oui. L’événement a mis en lumière la sauvagerie de la vague d’extorsion lancée par trois groupes criminels contre les commerçants. Le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) a redoublé d’efforts pour traquer les incendiaires. Il a procédé à plusieurs arrestations au cours de l’automne. Enfin. Il semble y avoir une certaine accalmie, que les Montréalais espèrent prolonger le plus longtemps possible.
700
Un dernier, plus agréable, pour la route. Depuis plusieurs mois, l’administration montréalaise semble vouloir accélérer la cadence en matière de logement. La Ville multiplie les mesures comme l’acquisition de propriétés locatives existantes. Son objectif : « pérenniser » ce parc abordable, plutôt que de le laisser vendre à des spéculateurs qui augmenteraient les loyers. Dans cette optique, Montréal a annoncé à la mi-décembre son intention d’acquérir un complexe de 700 appartements à Côte-des-Neiges, pour 104 millions. La Ville a utilisé son droit de préemption pour mettre la main sur cet actif. La gestion des immeubles sera confiée à l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM), qui devra sans doute réaliser d’importants travaux de rénovation. Mais dans tous les cas, des centaines de familles se retrouveront protégées de l’expulsion.
Alors, on se souhaite une meilleure année 2025 ?