A Lyon, 26 écoles ouvrent leurs portes aux familles sans abri

Lyon, rapport

Le hall de l’école Gilibert résonne du bruit des cavalcades d’enfants. Située au cœur de Lyon, cette petite école avait définitivement fermé ses portes cet été. Ils ont été rouverts en hiver pour accueillir des écoliers sans abri, leurs parents, ainsi que des femmes isolées vivant dans la rue. Serrés les uns contre les autres, des matelas de fortune sont disposés sur le parquet des anciennes salles de classe. C’est ici que dort Amélia, 11 ans, scolarisée à Vénissieux, en banlieue lyonnaise.

Comme elle, il y a soixante-seize réfugiés, dont trente-quatre enfants, originaires pour la plupart d’Albanie et d’Afghanistan. Ils dormaient tous depuis plusieurs mois dans le froid glacial de la place Carnot, à une centaine de mètres de là. L’approche du marché de Noël les a obligés à trouver refuge dans l’école abandonnée. « La police est passée, menaçante, nous disant que nous devions partir. »» dit Bijoux, originaire de la République Démocratique du Congo.

La nuit, des matelas gonflables sont installés dans les salles de classe.
© Moran Kerinec / Reporterre

A Lyon, occuper les écoles s’inscrit dans la tradition solidaire. Les réfugiés de l’école Gilibert sont accompagnés par le collectif de parents et d’enseignants Jamais sans toit, fondé en 2014. Ces bénévoles ouvrent chaque hiver des salles de classe et des gymnases pour héberger les écoliers sans abri. « Quand une petite fille que tu vois tous les jours te dit « je ne veux pas être expulsée », tu ne peux pas rester inactif »» confie Laëtitia, directrice de l’école.

402 écoliers dans la rue à Lyon

Cette année, 402 enfants, dont 41 bébés, dorment dans la rue, selon le recensement du collectif. Pour leur venir en aide, Jamais sans toit occupe désormais vingt-six écoles, où sont hébergés 110 élèves et leurs parents. D’abord tolérée par la municipalité jusqu’au 15 décembre, l’occupation de l’école Gilibert a été autorisée jusqu’à la fin des vacances d’hiver, le 31 mars.

« Nous ne voulons pas de luxe, juste une chambre par famille »

Un répit pour ces familles, dont les conditions d’hébergement restent précaires. « La nuit, nos matelas sont trempés d’humidité »dit Finem, un jeune homme d’origine albanaise. Les exilés doivent partager une expérience unique toilettes. Le lavage et le lavage se font dans des bassines avec de l’eau froide. Chaque jour, Finem appelle le 115 pour trouver un hébergement d’urgence pour sa famille. La réponse est systématiquement négative. « Nous ne voulons pas de luxe, juste une chambre par familleil explique. Ce n’est pas bien de rester tous ensemble. Si une personne attrape la grippe, nous tomberons tous malades. »

Les bijoux sont une exception. La jeune femme se rendra prochainement dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Le traitement de son cas s’est accéléré depuis le début de l’occupation. « Chance ! » s’écrie Amélia en apprenant la nouvelle. La mairie a promis la venue d’assistantes sociales à l’école Gilibert pour éviter que les gens ne soient remis à la rue. Pendant ce temps, un agent de sécurité surveille les allées et venues dans le bâtiment occupé. Parfois, il rugit le bruit joyeux des plus jeunes. Alors, Amélia grogne : « Mais nous sommes des enfants, nous avons le droit de jouer ! »


Pendant la journée, dans les écoles très fréquentées, les affaires familiales sont rangées dans un coin de la classe.
© Moran Kerinec / Reporterre

L’occupation des écoles la nuit est autorisée en semaine par la commune, sous réserve de la présence des enseignants ou des parents d’élèves. Le week-end et pendant les vacances scolaires, les familles sont hébergées à l’hôtel grâce à des collectes solidaires. Comme celui organisé un soir devant l’école Veyet, dans le quartier de la Guillotière.

Situation administrative dans une impasse

Une table dressée devant l’établissement à l’heure du goûter attire les regards gourmands des enfants. Chaque pâtisserie, gâteau et biscuit fait maison est échangé contre une pièce de monnaie qui paiera les nuits d’Héléna, qui a fui l’Angola après l’assassinat de ses parents par des policiers, de sa fille Suriel, en grande partie, et de son fils Haniel, CM1. « Nous avons financé plus de 2 000 euros de nuitées grâce aux dons depuis septembre »se réjouit Christelle, membre du collectif Solidarité Veyet, qui accueille la famille d’Héléna, hébergée jusqu’en janvier dans le studio d’un parent d’étudiant.


Héléna et sa fille, Suriel, sont hébergées temporairement dans le studio d’un parent d’élève.
© Moran Kerinec / Reporterre

De nombreux parents se sont engagés dans l’entraide après avoir été alertés par un courrier du directeur de l’école de la situation d’Héléna, ou contactés par l’association des parents d’élèves. « Nous créons le lien entre l’établissement et les familles, que ce soit pour les foires, le marché de Noël ou la solidarité »présente Christelle, également représentante des parents. Les tâches sont nombreuses. « Nous organisons les plannings des parents pour être à l’école le soir, les repas du soir et les petits déjeuners, nous fournissons des produits d’hygiène, etc. » énumère Virginie, une autre parent d’élève.

« C’est compliqué pour les enfants de changer constamment de logement »

« Les mères de l’école m’aident beaucoup, à cuisiner pour les enfants, à laver le linge, dans les démarches administratives… Sans elles, ce serait très dur »sourit Héléna, dont la situation administrative est dans une impasse. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a rejeté sa demande d’asile, jugée tardive. L’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) lui a indiqué que sa situation était bloquée.

Selon les médias d’investigation Divulguerelle fait partie des 460 femmes demandeuses d’asile laissées à la rue à Lyon par l’Ofii. En janvier, Héléna, Haniel et Suriel quitteront leur studio pour retourner dormir à l’école. Sans horizon de soutien. « C’est compliqué pour les enfants de changer constamment de logement »elle soupire. Notamment pour son fils, qui souffre d’anémie et est accompagné par un psychologue.


Des goûters solidaires organisés devant les écoles permettent de financer des actions en faveur des familles sans abri.
© Moran Kerinec / Reporterre

Malgré les trésors de solidarité déployés par Jamais sans toit et la politique volontariste de la ville de Lyon, les écoliers à la rue semblent chaque année plus nombreux. Bien que la municipalité n’ait pas de compétence en matière d’hébergement d’urgence, l’exécutif écologiste de Grégory Doucet a initié un plan en 2021 » zéro enfant dans la rue « . La Ville a mis son patrimoine communal à disposition des bailleurs sociaux et des associations pour renforcer l’offre d’hébergement d’urgence.

« On sent une volonté de l’État de se désengager complètement »

« D’une dizaine de milliers d’euros en début de mandat, la commune est passée à 2,5 millions d’euros investis dans la mise à disposition d’hébergements d’urgence en 2024.compte Sophia Popoff, adjointe au Logement à la mairie de Lyon. Près de 200 personnes ont été hébergées dans des places financées par la Ville, et 200 sont hébergées dans des locaux municipaux, sans compter les occupations scolaires. » Malgré ces efforts, « la situation se détériore »note l’élu. Le nombre de squats et camps à Lyon est passé de soixante-trois en 2023 à quatre-vingts cette année. Jamais sans toit compte trois fois plus d’enfants dans la rue qu’il y a trois ans.

Un appareil au bord de la panne

La faute à un marché immobilier tendu, qui ralentit la construction de nouveaux logements sociaux, à la saturation des logements existants, qui empêche les familles hébergées en hébergement d’urgence d’y trouver un logement, et au blocage des services. de l’État. « Le chef de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ne répond plus aux mails et il est de plus en plus difficile de discuter avec la préfectureregrette Allan Maria, directeur de l’école Veyet et membre fondateur de Jamais sans toit. On sent une volonté de désengagement total de la part de l’État. »

Les métiers qui accéléraient auparavant le traitement des dossiers s’éternisent. « C’est le prix du succès» raconte Juliette Murtin, professeur de français au collège. Nous avons été intégrés dans le paysage même si nous avons un rôle de lanceurs d’alerte. » Seules les occupations massives semblent efficaces. Au risque que ce transfert des services publics aux citoyens les conduise à l’épuisement militant, certains enseignants passant leurs journées et leurs nuits à l’école. « Le combat est désespérécet Allan Maria. C’est ingérable pour la ville, pour tout le monde, mais c’est extrêmement violent le jour où on abandonne. »

Et pourtant, leurs méthodes ont permis de se diffuser dans toute la . En 2022, Jamais sans toit a créé un réseau national de soutien aux enfants sans abri. Des écoles ont été occupées dans une vingtaine de villes l’an dernier, à Paris, Grenoble, Tours, Toulouse… Là aussi, la solidarité citoyenne a permis aux écoliers de trouver refuge.


C’était le premier article de notre série sur les initiatives solidaires et écologiques en France. Pour ne pas manquer les prochains, abonnez-vous à notre newsletter.

 
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