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Malgré la Libération, Strasbourg fête Noël assiégée

« Strasbourg vit dans une atmosphère de siège… Pour faire le nécessaire, il faut assurer l’avenir. Il est clair que ce n’est pas le cas. » Ces paroles ont été prononcées par le général de Gaulle, alors qu’il se trouvait dans la capitale alsacienne, le soir du 24 décembre 1944. Le chef du gouvernement provisoire parlait autant de la situation militaire – les troupes françaises étaient à bout de forces – comme du moral de la population civile qui manque de tout. « L’armée est forte, mais fatiguée. L’Alsace est fidèle, mais inquiète. »

Fin novembre, l’opinion publique française accueillait avec joie l’annonce de la libération de Strasbourg. Le drapeau tricolore au sommet de la cathédrale marque pour beaucoup la fin de la guerre sur le territoire national. Toutefois, les combats continuent dans le nord de l’Alsace et autour de Colmar. Strasbourg est toujours en première ligne et le restera jusqu’en avril 1945 ; l’hiver est particulièrement rigoureux, l’Alsace manque de ravitaillement et l’armée allemande menace de revenir. Pour les Strasbourgeois, Noël 1944 se déroule au cœur de la guerre.

Une carte de Noël signée par Charles Frey, maire de Strasbourg, en 1944.Photo : Musée de la Libération de Paris – Musée du Général Leclerc – Musée Jean Moulin

Les combats continuent

En décembre 1944, les combats s’éloignent de Strasbourg. Au nord, l’armée américaine avance et repousse la Wehrmacht jusqu’à la frontière. En centre Alsace, les Allemands résistent autour de Colmar, et Mulhouse est toujours coupée en deux par la ligne de front. A Strasbourg aussi, la guerre persiste. Retraitée de l’autre côté du Rhin, l’artillerie allemande bombarde la capitale alsacienne depuis Offenbourg et Oberkirch. Ces tirs sèment la panique et entraînent de nouvelles destructions dans une ville déjà marquée par les bombardements américains de l’été. Au total, 600 bâtiments ont été entièrement détruits et 2 700 endommagés ; Une partie de la population s’est donc réfugiée dans sa propre ville et les loyers s’envolent.

La période de Noël est également propice aux rumeurs. Tandis que l’armée allemande contre-attaque dans les Ardennes belges, des rumeurs circulent sur son retour en Alsace. Après tout, dans un tract trouvé en novembre à l’hôtel de la préfecture, les nazis promettaient aux Alsaciens : « Nous reviendrons ! » » L’inquiétude de la population est telle que les autorités ont publié la veille de Noël un communiqué ordonnant à la population de dénoncer les « bobardiers » OMS « jeter les esprits dans la confusion ».

Mais les craintes des Alsaciens étaient loin d’être infondées. À la veille du Nouvel An, les Allemands attaquent dans le nord de l’Alsace et menacent de reprendre Strasbourg, les Américains préférant se replier et abandonner la ville à l’ennemi. Il faudra toute l’insistance du général De Gaulle pour les convaincre de défendre l’Alsace.

Message du général de Lattre de Tassigny promettant aux Strasbourgeois de défendre la ville contre la contre-attaque allemande du 6 janvier 1945.Photo : Archives de Strasbourg

Pénurie et marché noir

Après la Libération, le commandement américain avait promis « le rétablissement d’une vie normale. » Pourtant, fin décembre, le quotidien des Strasbourgeois était tout sauf ordinaire. Le couvre-feu à partir de 19 heures et l’absence d’éclairage public plongent la ville dans une ambiance morose. L’alimentation électrique n’est assurée que quelques heures par jour depuis le bombardement de la centrale électrique du Port du Rhin début décembre. Le gaz de ville est totalement coupé, les habitants manquent de bois de chauffage et de charbon alors que l’hiver est particulièrement rigoureux. L’économie ralentit et une partie de la population est contrainte au chômage.

Appel du Commissaire Général de la République aux agriculteurs alsaciens, pour nourrir les villes, 11 décembre 1944.Photo : Archives de Strasbourg

Pour Noël, les Strasbourgeois peuvent encore compter sur le stock de nourriture laissé par les Allemands lors de leur fuite, mais il s’épuise. En raison de la proximité du front et des restrictions de déplacement, les marchandises ont du mal à atteindre la ville. En janvier, le système de rationnement français a remplacé celui des Allemands, maintenu temporairement en place, mais la désorganisation de l’administration a provoqué une pénurie à long terme. Conséquence logique, le marché noir se développe et les prix explosent. Le kilo de café se vend 1.600 Francs (F) sur le marché parallèle alors que son prix officiel n’est que de 89 F.

Prix ​​de vente officiels des denrées alimentaires en mars 1945.Photo : Archives de Strasbourg

Vide politique et purge

Bien que libérée par les troupes du général Leclerc, Strasbourg se retrouve en décembre sous administration militaire américaine. Les déplacements hors de la commune nécessitent un laissez-passer et la population vit sous couvre-feu entre 19 heures et 6 heures du matin. L’armée réquisitionne sans discernement les bâtiments administratifs et les usines, ajoutant au chaos de la situation. Surtout, les Américains étaient peu conscients de la situation particulière des Alsaciens, certains soldats s’imaginant se trouver en Allemagne. La situation est tellement critique que des affiches sont placardées sur les murs pour rappeler aux GI’s que même si les habitants parlent une langue germanique, ils sont français.

Appel à dénoncer les saboteurs, 15 décembre 1944.Photo : Archives de Strasbourg

En décembre, l’Alsace traverse également un véritable vide politique. Les autorités françaises peinent à réinstaller une administration absente depuis quatre ans. Si Charles Frey, maire de Strasbourg en 1940, arrive le 27 novembre, son conseil municipal ne sera officiellement installé qu’en avril. Dans le flou qui suivit la libération, ce sont les Forces françaises de l’intérieur de l’Alsace (FFIA) qui prirent la place de l’administration jusqu’à ce que la situation politique se précise à partir de 1945. Dès fin novembre, la FFIA aborde la question de l’épuration, les collaborateurs sont internés sur simple présomption et sans base légale. Fin décembre, le commissaire de la république a mis en place une commission pour juger du bien-fondé de ces arrestations et limiter les abus. Dans le Bas-Rhin, 5 000 à 6 000 personnes ont été internées et 18 simplement exécutées.

Un lent retour à la normale

Si la Libération a été accueillie avec joie par les Strasbourgeois, pour de nombreuses familles, se retrouver de ce côté-ci de la ligne de front signifiait aussi une perte de contact avec leurs proches enrôlés de force dans les armées allemandes. Pour ces derniers, ce furent des mois d’angoisse jusqu’en juin, date à laquelle le « Malgré nous » et « Malgré eux » a commencé à revenir. Sur les 130 000 Alsaciens et Mosellans inscrits, 40 000 ne reviendront pas.

Le défilé de la Première Armée française à Strasbourg le 16 avril 1945 suite à la conquête de la rive orientale du Rhin.Photo : Archives de Strasbourg

Il faudra attendre la mi-mars 1945 pour que l’Alsace soit totalement libérée et fin avril pour que les tirs d’artillerie venus de Bade cessent. Lorsque l’Allemagne capitule le 8 mai 1945, l’Alsace sort à peine de la guerre. Les difficultés d’approvisionnement sont toujours présentes, le lait manquera à Strasbourg jusqu’en 1946. Le retour des réfugiés et déportés aggrave la crise du logement déjà présente à Strasbourg, certains trouvant leur logement occupé par d’autres familles ou détruit. Dans la capitale alsacienne, pas moins de 15 000 personnes bénéficient d’une allocation parce qu’elles sont victimes ou réfugiées. Il faudra attendre 1949 pour que la vie strasbourgeoise redevienne normale.

 
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