Thiobon (Bignona), 21 déc (APS) – Le village de Thiobon, dans le département de Bignona, constitue un point de départ important vers d’autres localités de la région de Ziguinchor à travers les bolongs du fleuve Casamance. Les canoës assurent le transport des personnes et des marchandises. C’est ici qu’embarquent les femmes du GIE Karonguène Soul (ostréiculture) pour se rendre dans leur champ ostréicole situé dans l’Aire Marine Protégée (AMP) de Kaalolaal Blouf-Fogny.
Le décret créant la Force Aérienne Marine Protégée (KBF) de Kaalalaal Blouf Fogny ainsi que celle de Gorée a été signé le 27 mai 2020. L’AMP polarise les communes de Diouloulou, Kataba 1, Djinacky, Mlomp, Thionck Essyl, Diégoune, Kartiack, Suel et Djibidione, une superficie de 83 854 hectares. La zone marine comprend une partie estuarienne et une partie terrestre qui comprend une forêt de mangrove, des vasières, des forêts continentales, une mangrove côtière et de petits estuaires. Un écosystème riche en ressources ligneuses et halieutiques.
A bord des canoës, le port d’un gilet est obligatoire sous le regard vigilant du conservateur adjoint de l’AMP et du président du comité de direction. À Thiobon, la cueillette des huîtres s’intensifie avec le projet « Renforcement de la filière conchylicole au Sénégal par le respect des normes sanitaires et phytosanitaires (SPS) ». Le projet SPS qui vise à promouvoir la sécurité sanitaire des coquillages et leur accès aux marchés régionaux et internationaux est mis en œuvre par la FAO et le Gouvernement du Sénégal, avec l’appui du Fonds pour l’Application des Normes et le Développement du Commerce. (STDF) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Son objectif est d’améliorer la valorisation des coquillages, de les rendre plus sains pour la consommation humaine et ainsi de permettre leur exportation vers des marchés en croissance en les mettant aux normes sanitaires et phytosanitaires (SPS).
Depuis janvier 2024, des prélèvements mensuels pour analyses sont effectués sur 50 sites de production répartis dans les régions de Saint-Louis, Louga, Thiès, Fatick, Kaolack, Kolda, Sédhiou et Ziguinchor, dans le but d’améliorer la valorisation des coquillages. et ainsi permettre leur exportation vers des marchés en croissance.
L’avènement de ce projet permet de développer la récolte d’huîtres. C’est le cas à Thiobon où les habitants peuvent désormais se lancer dans l’ostréiculture, c’est-à-dire l’élevage d’huîtres.
Les bateaux se rapprochent de la mangrove. Des coquilles pendent aux racines. Un crocodile de taille moyenne se prélasse dans cette végétation aquatique. Il est dans son environnement.
Partenariat ANA-FAO
Après une dizaine de minutes de navigation, les équipes arrivent au parc ostréicole du GIE Karonguène Soul. Dans l’eau salée, les guirlandes sont installées. Il s’agit de fils tendus entre des branches d’eucalyptus soutenus par des tuteurs plantés à proximité de la mangrove. Ce procédé permet de capturer les naissains (larves) qui s’accrochent aux fils. Ces larves peuvent se développer entre ces filets ou être collectées et placées dans des sacs pour poursuivre leur croissance. En plus des guirlandes, il existe également les coupelles qui permettent de capturer les larves.
A Thiobon, grâce au partenariat entre l’Agence Nationale de l’Aquaculture (ANA) et la FAO, les femmes du GIE Karonguène Soul (ostréiculture) combinent cette technique moderne de cueillette des huîtres et la traditionnelle qui consiste à détacher les huîtres des racines. de mangroves. Arabiatou Diémé est à la tête de ce groupe de 100 membres dont une majorité de femmes. Avec le projet FAO, ils ont acquis des connaissances dans la transformation et la conservation des huîtres. « Avant, on allait cueillir les huîtres, on les faisait sécher. Mais de plus en plus nous les faisons bouillir pour les conserver en bocaux et les vendre”, raconte la vice-présidente du GIE, Aïssata Diédhiou.
L’année dernière, la production n’était pas au rendez-vous car ils ne maîtrisaient pas encore les techniques ostréicoles. Cette saison, le vice-président fonde beaucoup d’espoir. A Thiobon comme dans les zones de production, les femmes plaident pour l’accès aux marchés et l’acquisition de pirogues et de matériel.
Le passage à l’ostréiculture est salué par Ousmane Coly, président du comité de direction de l’AMP Kaalolaal Blouf Fogni et membre du GIE Karonguène Soul, qui rappelle les conditions dans lesquelles travaillaient ces femmes.
« Pour exploiter les huîtres, les femmes montaient à bord de petites pirogues et se rendaient dans les mangroves pour ramasser les coquilles, explique-t-il. Souvent, dans ce travail, ils utilisaient des couteaux. Nous avons compris, avec le soutien de l’État et de l’ANA, que cette forme d’exploitation n’était pas adaptée car on pouvait tuer les mangroves. Et les femmes, conscientes de la situation, ont confectionné des gants avec des pantalons en jean usés pour récolter les huîtres sans couper les racines des mangroves.
Aujourd’hui, les gens s’initient à l’ostréiculture avec le soutien de l’ANA qui leur a permis d’installer des guirlandes.
Selon M. Coly, « les communautés ont accepté d’avancer vers la modernité en pratiquant l’ostréiculture. Le comité de gestion est l’affaire des communautés. Ce sont les communautés qui ont mis en place le comité de gestion avec l’équipe technique de l’Aire Marine Protégée. Le comité de gestion représente les communautés. Vous y trouverez les GIE, les associations. Nous nous engageons en faveur de la conservation pour une exploitation durable de la ressource.
Selon le président du Comité de gestion, la FAO était déjà présente avant la mise en œuvre de l’AMP. « Cela est passé par l’ANA, partenaire historique de l’exploitation ostréicole. La FAO nous a donné un cadre de travail pour l’exploitation rationnelle de la ressource et sa valorisation. A l’époque, les huîtres étaient uniquement destinées à la consommation locale. Aujourd’hui, avec l’aide de la FAO, nous pourrions exporter des huîtres. Nous pouvons produire, transformer et vendre. C’est véritablement la promotion de l’huître”, souligne Ousmane Coly.
L’un des objectifs du projet STDF est d’assurer la production d’huîtres saines. Cela favorisera la vente d’huîtres fraîches, plus susceptibles de procurer de meilleurs revenus aux producteurs.
« On peut sécher une grande quantité de coquillages et se retrouver avec seulement une petite quantité d’huîtres. Aujourd’hui, nous maîtrisons les techniques de conservation des huîtres fraîches qui nous permettent de générer plus de revenus. Mais pour vendre partout cette huître fraîche, il faut qu’elle soit saine. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’initiative de la FAO. C’est un processus”, affirme Ousmane Coly.
Selon lui, la tendance aujourd’hui est à s’orienter vers les fermes ostréicoles. ”C’est l’objectif. Si ces parcs sont bien gérés, un partenaire peut demander des huîtres fraîches, et dans ce cas, il suffira simplement d’aller dans un champ et d’en récolter. Il aura un produit de qualité, propre à la consommation”, soutient M. Coly, non sans plaider pour l’érection d’un centre de dégorgement sur place.
Le débouchage des huîtres est une technique qui permet de conserver les huîtres une fois sorties des poches dans un compartiment ou un déboucheur pendant 6 heures afin d’éliminer tous les résidus de boue et le contenu du système digestif des huîtres.
Ensuite, les huîtres sont placées pendant 24 à 48 heures dans un autre compartiment pour être purifiées par mélange dans une micro bulle où l’eau est bien oxygénée puisque l’eau du bassin d’épuration est filtrée et stérilisée. Les huîtres, une fois propres, sont collectées et décortiquées.
Aujourd’hui, le seul centre de dégorgement de toute la région de Ziguinchor est situé à Katakalousse, dans la commune de Diembéring.
L’exploitation durable de la ressource est au cœur de la démarche des communautés dans le cadre de l’Aire Marine Protégée. Adjoint au Conservateur de l’AMP, le lieutenant Lamine Loum explique qu’elle « est composée de deux équipes : l’équipe de l’État dirigée par le conservateur et l’équipe du comité de gestion qui s’occupe de la ressource ».
Exploitation rationnelle de la ressource
Elle rappelle leur rôle de « régulateurs » en tant qu’agents. ”Nous sommes là pour accompagner la population, pour accompagner le comité de gestion dans l’exploitation des ressources. Cette exploitation est réglementée, qu’il s’agisse de produits de la pêche ou de produits forestiers. Nous sommes là pour être les garants de cette exploitation et ces régulations sont définies par la population”, explique-t-il.
Le lieutenant Loum rappelle qu’« il y a des périodes d’opération et des périodes de fermeture. Pendant la période d’exploitation, nous observons si les conditions sont remplies. Les femmes portent-elles leur gilet, les normes de sécurité sont-elles respectées ? Il est strictement interdit de couper la mangrove, que ce soit les racines ou les feuilles. Les communautés constituent la base de la création d’AMP ; et lorsque l’État crée une AMP, il la met à disposition des collectivités. C’est une approche purement participative.
Pour Ibrahima Tamsir Mané, chef du village de Thiobon, « le projet de la FAO est arrivé au bon moment, compte tenu des difficultés liées à la vente des produits. Les femmes travaillent beaucoup et souvent dans des conditions difficiles. À cela s’ajoutent des difficultés pour écouler leurs produits. Le projet de la FAO permettra aux femmes non seulement de réduire la pénibilité de leur travail et de faciliter la vente des produits grâce à la vente d’huîtres fraîches respectant les normes sanitaires. Il y aura des avantages économiques pour les familles.
A Thiobon, comme dans la plupart des sites de production, les femmes travaillent davantage sur la transformation artisanale. Un travail acharné qui ne rapporte pas grand-chose. L’Etat et ses partenaires sont engagés dans une démarche de valorisation du potentiel ostréicole en mettant l’accent sur la sécurité sanitaire des huîtres, une perspective prometteuse, selon le Dr Mamadou Ndiaye.
« Nous avons été dans les zones de production et nous avons vu la difficulté de cette transformation. En termes de rendements, selon les chiffres avancés, il faut 70 kg d’huîtres fraîches transformées pour avoir un kg de produit séché. Et le prix au kg atteint à peine 5000 francs CFA. Cependant, si nous pouvons garantir la qualité sanitaire, nous pouvons vendre le produit à l’état brut. Du coup, on peut valablement en vendre une douzaine pour 5000f. Et on passe de 1 x 5000 à 70 x 5000 francs CFA. La marge en termes de développement et d’amélioration des revenus est extrêmement importante”, dit-il.
M. Ndiaye estime ainsi que travailler sur la certification des produits, c’est travailler à multiplier par 70 les revenus des acteurs du secteur, dont plus de 80% sont des femmes. On voit bien les répercussions sociales que cela aura.
OID/AKS/ADL