“La réforme fiscale de l’Arizona ne profitera qu’aux riches”

Paul Magnette. ©EDA
mouette

« Pour les bas et moyens revenus, la hausse des revenus sera annulée par toute une série de hausses d’impôts »

Vous avez analysé les notes divulguées. Quel est votre état d’esprit concernant les mesures envisagées par les cinq parties en négociation ?

Très inquiet. Les partis de droite répètent qu’il faut « récompenser le travail ». En réalité, ils veulent faire le contraire. La réforme fiscale sur la table (NDLR : augmentation de la part défiscalisée, révisions des tranches et des primes à l’emploi) permet une modeste augmentation de 150 € par mois pour les bas et moyens salaires, annulée par les impôts, le gel des salaires ou modification de l’indice. A l’inverse, quelqu’un qui gagne entre 8 000 et 10 000 € pourrait en réalité gagner 1 000 € de plus par mois ! C’est ce qui rend leur exercice budgétaire compliqué.

Il n’en reste pas moins qu’à politique inchangée, les perspectives budgétaires sont mauvaises…

L’Arizona veut en trouver 18 milliards sur cinq ans. Ce n’est pas l’Himalaya. La dernière année de Vivaldi, nous avons fait mieux. Ils alourdissent également le bateau avec des dépenses. Même si certains sont légitimes, comme les investissements dans la police et la justice. Ou même en Défense. Mais pour ces derniers, je pense qu’il faut dire à la Commission européenne qu’elle ne doit pas entrer dans la trajectoire budgétaire.

Pouvons-nous retirer ces dépenses du budget ? N’est-ce pas une composition budgétaire ?

Bien sûr ! Regardez le budget wallon… Sortir ces dépenses de la trajectoire est important, car nous ne pouvons pas dépenser plus pour la défense et devons faire des économies sur les soins de santé ou les retraites. Il est légitime que ces dépenses ne soient pas supportées par les retraités et les malades. Et si on ne mène pas une réforme fiscale qui profite principalement aux plus riches et qui coûte 10 milliards, on obtient un plan plus facile à réaliser.

Pour aider les revenus faibles et moyens, que feriez-vous ?

Nous avons proposé une réforme fiscale progressive, offrant 300 € nets supplémentaires par mois aux revenus faibles et moyens, sans compensation via les impôts. Elle était financée par un apport sur les bénéfices des multinationales et par un impôt sur les grandes fortunes.

Face à la situation, ne faut-il pas encore faire des économies structurelles ? Une sorte de « downsizing » de l’État ?

Vous pouvez toujours économiser de l’argent. Mais personne ne veut moins de magistrats, de policiers ou d’argent pour la santé. Ensuite, j’ai toujours détesté l’expression « dégraisser ». D’abord parce qu’elle est grossophobe. Ensuite, cela donne l’impression que les fonctionnaires et l’État sont en surpoids. Mais investir dans la santé, c’est permettre au personnel de bien faire son travail et aux patients d’être bien soignés. Investir dans la sécurité signifie avoir suffisamment de policiers dans les rues. Enfin, investir dans la SNCB, c’est disposer de suffisamment de trains.


« Il n’est pas surprenant que ces mesures suscitent des réactions négatives »

Paul Magnette
« La droite a gagné, qu’elle gouverne ! » ©EDA

En cas de blocage dans les négociations, le PS pourrait-il prendre ses responsabilités ? Dans De Zondag, Elio Di Rupo a fait valoir que l’Arizona n’était pas la seule option.

Il a exprimé une opinion très personnelle. L’ensemble du bureau du parti a décidé, après les élections, de passer dans l’opposition. Mais le PS est un parti responsable. S’il y avait une crise systémique, sanitaire ou financière, et qu’on nous demandait de participer à un gouvernement, nous ne refuserions pas. Mais la droite a gagné, qu’elle gouverne !

Avec ces négociations interminables, la N-VA ne veut-elle pas prouver par l’absurde que la Belgique est ingouvernable ?

Quiconque ne parvient pas à former un gouvernement se trouve dans une mauvaise position pour critiquer le fonctionnement du système. Si vous ratez une sauce béarnaise, vous ne pouvez pas dire que la béarnaise est une sauce impossible à préparer. C’est parce que vous n’êtes tout simplement pas capable de le faire. Ce n’est pas la même chose.

L’Arizona n’est pas encore constitué et pourtant des actions ont été annoncées. Les syndicats ne réagissent-ils pas un peu tôt ?

Depuis que nous avons voté, nous avons vu une série de notes. Et pour l’instant, il n’y a pas une seule grève nationale. Juste des actions ciblées, en particulier dans des secteurs comme l’éducation, où il existe déjà des gouvernements à part entière. Mais si ce gouvernement fédéral réalise tout ce qui est prévu, y compris la déréglementation des droits des travailleurs, deux milliards d’économies sur le dos des retraités, neuf milliards sur les services publics ou même six milliards de nouveaux impôts, il ne faut pas s’étonner que ce gouvernement fédéral provoque des réactions négatives.

En Wallonie, le PS critique le budget…

Premièrement, le gouvernement wallon ne procède quasiment à aucune consolidation budgétaire. Ils annoncent un effort de 268 millions d’euros. Mais en réalité, si l’on regarde le coût réel de leurs mesures, leur solde est négatif pour 2025. Ils aggravent la situation et transfèrent tout aux communes. Certains devront augmenter leurs impôts… Et ce sera la faute du MR et des Engagés.


« La question du nom du parti se pose. Mais nous resterons socialistes.»

Le PS lance un processus de refondation. Vous souhaitez vous inspirer de la démarche initiée par Maxime Prévot avec Les Engagés ?

Non, il s’agit plutôt de réaliser ce que Vooruit s’est fixé pour objectif de faire. Par rapport aux Engagés, cette démarche sera plus civique et participative. Nous voulons ouvrir le dialogue en tirant parti des technologies modernes, telles que l’intelligence artificielle, et des innovations démocratiques telles que les panels de citoyens. Nous souhaitons également nous appuyer sur nos militants, qui constituent nos racines, afin de moderniser notre message sur plusieurs thématiques majeures.

S’agira-t-il d’une véritable transformation, ou d’un changement de façade, comme une évolution vers un nom comme En avant ou Les Socialistes ?

J’ai dit que le nom du parti pouvait même être débattu. Il faut être capable de faire un exercice sans tabous. Mais nous resterons socialistes.

La formation du gouvernement bruxellois est bloquée car le PS refuse de s’allier avec la N-VA. David Leisterh souhaite que les présidents nationaux participent aux discussions.

L’interlocuteur PS pour les négociations est et reste Ahmed Laaouej. Les socialistes bruxellois ont toujours négocié pour Bruxelles depuis la création de la Région bruxelloise ; Philippe Moureaux a négocié, Laurette Onkelinx alors et Ahmed Laaouej aujourd’hui. Cependant, nous sommes surpris du départ du MR car cela fait 3 semaines qu’ils n’ont pas contacté les négociateurs socialistes. Enfin, la N-VA représente 2% des Bruxellois et ne peut pas imposer sa vision aux autres.

A ce sujet, nous avons eu un incident à la Chambre car un agent de train a osé dire « Goeiemorgen – Bonjour » à Vilvorde. Ce qui est considéré par Sammy Mahdi (CD&V) comme une atteinte scandaleuse à l’intégrité linguistique de la Flandre. C’est hallucinant. Est-ce vraiment le monde dans lequel nous voulons vivre ? Nous sommes au 21ème siècle.

Est-ce le retour des CD&V « scotchés » à la N-VA ?

Au CD&V, je n’ai pas senti qu’ils étaient tous très à l’aise face au départ de leur président. Il a en revanche été applaudi par la N-VA et le Vlaams Belang. Mais faut-il raviver les guerres communautaires et linguistiques ?

L’affaire du CPAS d’Anderlecht a-t-elle été exploitée en lien avec les négociations de Bruxelles ?

Cette affaire a été complètement exploitée. Et la presse en a parlé bien plus que des billets de loterie de Didier Reynders. Même si je ne commente jamais une information judiciaire en cours.


Il l’a dit aussi…

Paul Magnette
Paul Magnette, président du PS. ©EDA

Sur l’accord UE-Mercosur

« La Belgique doit s’opposer à l’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne. Il existe des partis favorables en Flandre parce qu’ils ont peut-être une agriculture différente. En Wallonie, l’agriculture reste fondamentalement familiale avec de petites exploitations. Et au Brésil, vous avez des méga-usines bovines, qui utilisent des produits phytosanitaires. C’est une concurrence complètement déloyale. En plus, c’est une absurdité écologique. le café et le chocolat sont très bons. Nous n’avons pas le climat pour le produire. Mais importer du bœuf ou de la volaille n’a aucun sens.

La nouvelle gare de Mons et son coût de 480 millions d’euros

«C’était une décision prise par la SNCB à l’époque. Et il faut rappeler que cette gare coûte bien moins cher que celle d’Anvers, dont on ne parle jamais. A Charleroi, j’ai demandé des aménagements fonctionnels. Personnellement, je n’aime pas du tout l’architecture de Calatrava. Quand je sors de la gare de Venise, je déteste son horrible passerelle qui enjambe le grand canal. Mais pour Mons, cela n’a rien à voir. Je le répète, c’est la SNCB qui l’a choisi.» G.BARK.

 
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