Pour les Québécois qui voyagent à l’extérieur de la province, le phénomène a quelque chose de presque magique. Ailleurs, vous approchez d’un passage piéton… et les voitures s’arrêtent pour vous laisser traverser !
Publié hier à 7h00
Si vous êtes comme moi, vous pourriez même ressentir un certain inconfort à ce sujet.
« Je ne voulais pas interrompre la circulation, j’aurais pu attendre mon tour », me dis-je parfois en me dépêchant de traverser pour ne retarder personne.
Le non-respect des passages piétons fait partie de la spécificité québécoise, au même titre que la poutine ou les débats sur la prononciation du mot « baleine ». Mais à l’heure où des collectifs réclament un « protecteur de la sécurité routière » pour améliorer la sécurité des piétons1Je me demandais si l’application de cette disposition Code de la sécurité routière ne serait pas une solution simple pour y parvenir.
À Montréal, selon les chiffres fournis par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), 17 piétons ont perdu la vie jusqu’à présent cette année. Sur ce lot, un décès est survenu à un passage pour piétons. C’était en Anjou, à la fin de l’été. La victime était un garçon de 15 ans.2.
Au total, 1 005 autres piétons ont été blessés dans la métropole au 13 décembre. On ne sait pas combien se trouvaient aux passages pour piétons.
Au SPVM, mon idée de renforcer le respect des passages ne suscite pas un grand enthousiasme.
« Nous convenons que chaque décès est un décès de trop. Mais depuis 2020, il n’y a eu qu’un seul décès lié à un passage piétonnier à l’extérieur d’une intersection à Montréal», a répondu le sergent Jonathan Guillemette, superviseur du module consultatif de la Section de la sécurité routière.
Année après année, le SPVM affirme émettre environ 600 contraventions liées au non-respect des passages piétonniers. Cela représente moins de 0,2 % des quelque 350 000 contraventions émises chaque année. La police en déduit qu’il n’y a pas de délinquance particulière liée à ces passages.
Je ne considère pas nécessairement cela comme un problème, pas plus que n’importe quelle autre infraction. Là où se situe le nœud du problème, c’est aux intersections. C’est là que se produisent la grande majorité de nos collisions.
Sergent Jonathan Guillemette, superviseur du module consultatif de la Section de la sécurité routière
Le SPVM tient néanmoins à préciser qu’il réalise régulièrement des opérations particulières de sécurité routière au cours desquelles les policiers portent une attention particulière aux passages piétonniers.
« Si des citoyens constatent que, dans un secteur particulier, un passage piétonnier est dangereux et n’est pas respecté, je les invite à contacter leur poste de quartier soit par téléphone, soit via le site Internet du SPVM », ajoute le sergent Guillemette.
«S’il s’agit d’un problème d’urbanisme, nous le référerons, par exemple, à la Ville de Montréal», a-t-il précisé. S’il s’agit réellement du fait que les gens ne respectent pas le passage piéton, des opérations plus soutenues seront menées. »
Le SPVM est donc loin d’envoyer le message qu’il s’en fiche des passages piétonniers. Mais il estime que la priorité est ailleurs.
Une culture à changer
Je ne veux pas opposer les perceptions aux statistiques. Mais je persiste à penser qu’il y a un problème culturel dans le respect des passages piétons. Et que le réparer contribuerait à la sécurité des piétons.
Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec, est du même avis.
« C’est clair qu’il y a un problème ! » dit-elle. On quitte le Québec, on va en Ontario, au Nouveau-Brunswick, aux États-Unis, on le remarque. Dès que l’on met le pied dans la rue ou même que l’on s’approche du passage piéton, les conducteurs s’arrêtent. »
Selon elle, le fait qu’il n’y ait pas plus d’accidents aux passages piétonniers est dû à la vigilance des piétons québécois. Ils ont compris que ces dormeurs sont pratiquement une invitation à se faire renverser si on leur fait aveuglément confiance.
Ce que nous disent les spécialistes, c’est qu’au Québec, c’est généralement le piéton qui fait la manœuvre d’évitement. C’est lui qui s’arrête et laisse passer les voitures. Ailleurs, c’est davantage le conducteur qui s’arrête.
Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec
« Est-ce que cela rend les déplacements à pied agréables, sûrs, conviviaux ? Non, continue M.moi Cabana-Degani.
Le directeur de Piétons Québec souligne également que si la proportion de piétons tués aux passages pour piétons est effectivement faible (14 % à Montréal, 9 % dans l’ensemble du Québec), ce n’est pas le cas des accidents qui surviennent en pleine rue. , c’est-à-dire hors intersections et passages pour piétons.
“Il est probable que les piétons traversent là parce que l’intersection ou le passage pour piétons est trop éloigné”, a-t-elle expliqué. Ajouter des passages piétons pourrait donc réduire le nombre d’accidents… à condition de les respecter.
J’ajoute que si les passages piétons étaient plus nombreux et mieux respectés, les piétons les utiliseraient davantage pour traverser les rues, libérant ainsi les intersections – ces lieux de tous dangers où véhicules, cyclistes et piétons arrivent de plusieurs directions à la fois.
Des passages piétons respectés auraient également pour effet de ralentir les automobilistes et d’accroître leur vigilance.
Sandrine Cabana-Degani souligne qu’il y a encore des progrès. Avec l’arrivée du Réseau Vélo Express sur la rue Saint-Denis, à Montréal, des passages piétonniers qu’elle juge exemplaires ont été créés.
Les piétons peuvent segmenter leur traversée en se plaçant sur des îlots entre les voies. Et la suppression des places de stationnement aux passages à niveau oblige les automobilistes à dévier de leur itinéraire, ce qui les rend plus alertes.
Ailleurs à Montréal, on voit des passages piétons surélevés, un peu comme des dos d’âne. C’est le cas notamment de l’avenue Létourneux, entre la rue de Rouen et la rue Ontario. Cela aussi est positif.
Le moment est venu de faire comprendre à tous que ces bandes blanches peintes sur la route ne sont pas décoratives. Quand les Québécois pourront regarder la pochette de l’album Route de l’Abbayepar les Beatles, sans sentir l’anxiété monter, on saura qu’ils se sentent plus en sécurité.
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