Par Ben SIMON.
Si la plupart des Canadiens prennent cette petite phrase de Donald Trump comme une plaisanterie, elle continue de faire jaser, d’inquiéter les uns et d’agacer les autres.
En début de semaine, le président élu américain s’était moqué du Premier ministre canadien, le qualifiant de « gouverneur » sur son réseau Truth Social, titre désignant aux Etats-Unis le chef de l’exécutif d’un Etat fédéré.
Une moquerie qui fait suite aux propos de Donald Trump sur la possibilité pour le Canada de devenir le 51e État américain, afin de ne pas se voir imposer des droits de douane plus élevés, selon la chaîne conservatrice Fox News.
En 1973, le roman à succès « Ultimatum », écrit par Richard Rohmer, racontait une tentative américaine d’annexion du Canada après l’annonce d’une augmentation des droits de douane.
Dans cette dystopie, comme dans la vraie vie, le président américain était Richard Nixon, tandis que le premier ministre canadien était Pierre Elliott Trudeau, le père de l’actuel dirigeant Justin Trudeau.
Même si les deux hommes politiques sont décédés depuis longtemps, pour Richard Rohmer, les propos de Donald Trump, insinuant que le Canada pourrait être absorbé par les États-Unis, ne doivent pas être pris à la légère.
“Cela doit être pris au sérieux”, a déclaré à l’AFP l’écrivain de 101 ans, vétéran du débarquement. «C’est un homme plein d’imagination qui sait ce qu’il fait concernant le Canada.»
– Propos « humiliants » –
Depuis, au nord de la frontière, on s’interroge sur ces piques à répétition. Si certains estiment que « Trump est Trump », cela touche néanmoins une corde sensible.
Le Premier ministre canadien, inquiet d’une éventuelle augmentation drastique des droits de douane, n’a pas répondu publiquement aux moqueries de l’Américain.
Mais certains dirigeants politiques n’ont pas hésité. Ainsi, l’ancien premier ministre du Québec, Jean Charest, a vertement mis en garde Donald Trump de « réfléchir à deux fois avant d’envahir le Canada ».
Ce dernier a même fait allusion à la guerre de 1812 entre les deux pays, lorsque les avancées américaines sur le territoire canadien se sont soldées par une défaite – et l’incendie de la Maison Blanche.
Or, au Canada, un sondage réalisé cette semaine par l’Institut Léger démontre que 13 % des Canadiens souhaiteraient que leur pays devienne un État des États-Unis.
Pour Laura Stephenson, professeure de sciences politiques à l’Université Western, les pensées de Trump représentent une escalade par rapport à sa menace d’augmenter les tarifs douaniers.
«C’est un autre monde. Parler d’annexion, ce n’est pas dire ‘je vais nuire à votre industrie’», estime le chercheur.
Si une confrontation directe avec les États-Unis lui semble impensable, elle estime néanmoins que de telles moqueries sont « humiliantes » pour les Canadiens.
D’autant que, selon le professeur, de nombreux Canadiens se définissent par opposition aux Américains et que les piques de Donald Trump « ont toutes sortes d’implications pour l’identité canadienne ».
– Patriotisme –
A l’inverse, pour son collègue de l’Université de Toronto Renan Levine, les éclats de Donald Trump pourraient être un « bon signe » pour les Canadiens, mettant en avant une collusion avec Justin Trudeau.
“Ça envoie en gros le message suivant: +J’ai une certaine familiarité avec vous, et on peut plaisanter ensemble+”, explique Renan Levine à l’AFP.
Richard Rohmer espère que cette confrontation réveillera le patriotisme de son pays. C’est selon lui l’une des clés du succès de son livre. Le roman avait touché la fierté nationale des Canadiens, d’habitude très peu exprimée.
La vice-première ministre Chrystia Freeland a répondu aux moqueries de M. Trump en expliquant que le Canada était « le meilleur pays du monde ».
Est-ce l’occasion pour le pays de relever la tête face à son puissant voisin ? Richard Rohmer le pense : « Nous devrions le faire, mais je ne sais pas comment ».
bs/tib/vla/ube