Par
Julien Munoz
Publié le
6 décembre 2024 à 10h28
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Un jour, alors qu’elle se trouvait dans les couloirs du Palais Bourbon, Geneviève Gosselin-Fleury reçoit un appel téléphonique. Les syndicats préparent une réunion publique pour annoncer ce qui se passe avec Areva, en difficulté financière. « J’appelle Bernard le soir, se souvient le député PS entre 2012 et 2017. Je l’informe de la situation, et les retours que je reçois, qui disent que le gouvernement ne dit rien, ne l’entendent pas. » Bernard Cazeneuve grogne : « mais enfin Geneviève, depuis quand l’État donne-t-il des ordres aux chefs d’entreprise ? » L’État est ici l’actionnaire majoritaire, glisse-t-elle…
CMN, Areva, base de défense, maternité, classe Ulis…
Le lendemain, à 7 heures du matin, le ministre appelle le député. Elle a rendez-vous à 10 heures au bureau. Manuel Vallsle Premier ministre. Ce dernier doit venir. Geneviève Gosselin-Fleury s’y rend avec d’autres députés socialistes qui ont des sites Areva dans leur circonscription. Lors de la réunion, Valls relève la tête et propose qu’une question soit posée au gouvernement dans l’hémicycle dans l’après-midi.
Plus tard, Cazeneuve a proposé au député d’appeler Emmanuel Macron, ministre de l’Économie. Elle l’invite à organiser une rencontre avec les élus locaux et les syndicats. Il s’agira de la première délégation syndicale de France reçue par celui qui deviendra plus tard président de la République.
« Je me faisais un devoir d’essayer de régler mes dossiers et de ne faire appel à lui que lorsque j’avais l’impression d’être dans une situation bloquée. Je pense au maintien du niveau 3 à la maternité, aux suppressions d’emplois qui étaient prévues à la base de défense. »
Le député avait tenté d’avertir le ministère, mais Jean-Yves Le Drian n’était pas là. Le soir, elle appelle Cazeneuve. Le lendemain, le chef du groupe de soutien à la base de défense souhaite faire des annonces. Cazeneuve parvient à intervenir, à annuler une réunion prévue et à permettre de retravailler le sujet. Et puis, il y a eu le contrat du CMN avec le Mozambiquequi donnera une nouvelle vie au chantier naval.
« J’ai toujours été convaincu qu’il aurait une carrière nationale. Quand je l’accompagnais à Paris, il était comme un poisson dans l’eau. Il y avait une réelle appréciation pour lui, peu importe où nous étions. Personne n’a été surpris de le voir évoluer. Nous avons toujours su que ce jour viendrait. »
Depuis la capitale, il prêtera main-forte chaque fois que cela sera possible. Il y a ceux qui se voient eux-mêmes, et les autres. Avoir un ministre est un atout sur lequel nous aimons pouvoir capitaliser.
Jean-François Le Grand et Laurent Beauvais lui demandent de sauver les abattoirs de Villedieu. C’est lui qui a signé le décret. «Ça s’est mal terminé, mais on a pu pendant un - sauver des emplois et une partie des actifs qui étaient en jeu», rappelle Jean-François Le Grand. Un jour, il a organisé une rencontre entre Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation, et Geneviève Gosselin-Fleury, à la fin de Questions au gouvernement. Ce jour-là, Querqueville obtient la création d’une classe Ulis.
La carte et le territoire
En 2012, après la victoire de François Hollande, tout Cherbourg savait que Bernard Cazeneuve allait devenir ministre. Une réunion est organisée un soir. Jean-Michel Houllegatte lui succédera à la mairie. Malgré certaines envies, André Rouxelson premier adjoint au CUC, assumera le fauteuil de président de la communauté urbaine.
« Une fois à Paris, il n’est jamais intervenu dans les affaires municipales. Il voulait avant tout être informé. Le mandat que j’ai exercé était un mandat de continuité par rapport aux actions qu’il avait initiées. Il s’agissait de faire bouger les choses, de continuer à convaincre. Notamment sur la passerelle. »
Fidèle à ses convictions, et malgré les accusations d’intentions que certains intéressés ont pu formuler à son encontre au sujet de ses affiliations (dont il n’a jamais été sourd), il a toujours intenté une action en justice soutien aux candidats socialistes locaux qui lui a réellement demandé, quelle que soit l’élection.
Les premières années après son départ, il avait le pouvoir, en intervenant dans les derniers jours d’une campagne, de contribuer à faire basculer une élection très serrée. L’effet s’est estompé un peu avec le -, à mesure que de nouvelles histoires étaient écrites localement.
En 2017, le jour de son départ de Matignon, au cœur d’un remarquable échange républicain entre mendésistes et Édouard Philippequi lui succéda, il eut cette phrase qui résume sa pratique de la politique.
« Nous ne venons pas de nulle part. Et si nous voulons montrer une direction ferme, nous devons savoir précisément quels sont ces héritages dont nous sommes responsables et auxquels nous devons toujours nous référer si nous voulons rester fidèles à nous-mêmes. »
Attache
Son influence va décliner avec l’avènement d’une nouvelle génération d’élus. Une forme de distance s’installe. Il ne s’exprime jamais publiquement sur l’actualité locale, mais fait parfois connaître ses positions.
« Le PS sera toujours le port d’attache de Bernard Cazeneuve. Tout comme Cherbourg. »
Un soir de cérémonie de vœux à la Cité de la Mer, la veille de l’élection du premier président de l’Agglomération du Cotentin, au pupitre, il a clairement indiqué sa préférence pour un candidat plutôt qu’un autre… sans jamais les nommer. Mais tout le monde aura compris le message.
« Finalement, quand on y réfléchit, pour que la grande commune de l’agglomération se fasse définitivement, il a fallu attendre que Bernard soit au ministère de l’Intérieur. Il a contribué à l’adoption de dispositions qui ont rendu possible ce qui s’est passé. Il avait vraiment insisté sur le sujet. Aujourd’hui, certaines communes seraient en difficulté si cela n’avait pas été fait. »
Il y avait la carte, le territoire et les liens du cœur.
Au ministère de l’Intérieur, pour de nombreux Français, il incarnait une certaine idée de la grandeur de l’État et des fondamentaux républicains. C’est dans ce costume qu’il viendra assister à la cérémonie d’hommage à Guillaume Le Dramp, emporté par la folie des hommes le soir du 13 novembre 2015.
Presque chaque année, il est présent à la cérémonie familiale de Karachi8 mai. Même si certains lui en veulent de ne pas être allé plus loin dans la déclassification des documents de cette affaire tentaculaire, une fois arrivé au sommet du pouvoir.
« Il a tout essayé pour faire éclater la vérité. Il n’avait pas les moyens d’en faire plus. Bernard avait obtenu qu’une commission d’enquête soit créée à l’Assemblée. J’ai demandé la même chose au Sénat. J’ai heurté un mur. Tout a été fait pour enterrer le travail de la commission. Je comprends la douleur des familles, mais Bernard a fait tout ce qu’il a pu. Un jour, nous le saurons. »
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