jeIl y a deux façons de raconter cette belle histoire. La version lyrique : le grand chêne d’Hélyette a rejoint le ciel pour l’éternité. Ou la variante plus technique : la bûche « 2 484 » récoltée en avril 2021 dans la forêt Hélyette Bonnefin à Blasimon, en Gironde, a servi à la reconstruction de la nef de Notre-Dame de Paris.
Deux ans plus tôt, le monde entier assistait à la chute de la flèche de la cathédrale et à la destruction de sa charpente centenaire surnommée « la forêt », ravagée par un incendie. L’incendie le plus célèbre de la décennie.
«J’ai versé quelques larmes ce jour-là. Ce magnifique arbre pourrait encore vivre au moins un siècle de plus. »
Mobilisation de la nation. Quelques arbres remarquables ont dû être sacrifiés pour la reconstruction de la cathédrale. L’expert forestier d’Hostens, Jacques Hazera, a immédiatement sollicité deux de ses clients. Ils ont des bois en Gironde. Le spécialiste sélectionne trois chênes à Cabanac-et-Villagrains. Ironiquement, la ville sera touchée un an plus tard par le gigantesque incendie de Landiras. L’expert choisit également un feuillu droit dans une forêt privée de 27 hectares à Blasimon, dans l’Entre-deux-Mers, à Hélyette Bonnefin.
Un beau sacrifice
« C’est une forêt familiale, composée de chênes pédonculés, de châtaigniers, de charmes, de pommiers, de cerisiers, de pins maritimes », raconte le propriétaire, qui a grandi à l’ombre des grands chênes. « C’est ici que mon père a construit ma première cabane. » La femme des bois quitte la Gironde pour poursuivre une carrière de professeur de lettres. Elle vit désormais à Saint-Martin-de-Gurson, en Dordogne. « Je reviens régulièrement me ressourcer dans ma forêt natale. » Offrir un de ses chênes à la nation, pourquoi pas. « Mes enfants m’ont poussé à dire oui. Nous sommes allés visiter la cathédrale plusieurs fois en famille », sourit le septuagénaire.
Hélyette ne croit pas à la résurrection, sauf pour les églises. « Je ne suis pas croyant. Mais Notre Dame fait partie de notre histoire. » Feu vert. Jacques Hazera organise tout au printemps 2021 : sélection de l’arbre, chasse à l’ancienne avec chevaux de trait, choix du bûcheron. Deux ans jour pour jour après l’incendie de Notre-Dame, le chêne choisi a été abattu dans le bois de Blasimon. Un trait de peinture blanche sur l’écorce en guise de signature : « NDP », Notre-Dame de Paris. Direction la capitale.
Qu’il repose en paix
«J’ai versé quelques larmes ce jour-là. Ce magnifique arbre pourrait encore vivre au moins encore un siècle », admet Hélyette. Son arbre reposera en paix plusieurs siècles à 97 mètres de hauteur, au niveau de la nef. L’expert forestier rend un dernier hommage au chêne porteur : « C’était un arbre plutôt jeune (70 ans) avec une circonférence de 60 centimètres. Il était parfaitement droit avec une bûche de près de 10 mètres de long. »
La cathédrale sera de nouveau ouverte au public le 7 décembre. Hélyette Bonnefin n’a pas été invitée à l’inauguration. « Il est normal de donner la priorité aux pompiers, aux artisans et aux ouvriers. Nous le visiterons en 2025. J’irai avec ma belle-fille coréenne. Elle a été très émue en voyant les images de l’incendie. C’est la preuve que Notre-Dame est dans le cœur du monde entier. »