Par
Maison d’édition de Cahors
Publié le
2 décembre 2024 à 17h00
Voir mon actualité
Suivre le lot d’actualités
Lundi 15 avril 2019, la France et le monde sont consternés et regardent le flames devastate Notre Dame de Paris. UN catastrophe planétaire! Le soir même, les commentateurs autorisés de la radio et de la télévision envisagent déjà la reconstruction. “On ne pourra pas restaurer la charpente en chêne, il faudrait déboiser, les diamètres des chênes d’antan n’existent pratiquement plus…” disent des “spécialistes” qui s’expriment dans les médias.
Aujourd’hui, on peut dire que la charpente médiévale de Notre Dame, détruite dans l’incendie, a été restaurée à l’identique selon un savoir-faire ancestral grâce à la générosité de nombreux passionnés du Patrimoine. Parmi eux, deux artisans du Lot.
Chênes équarris à la hache
Septembre 2023 : la « Forêt de Notre-Dame » ressuscite sous nos yeux, dessinant le squelette de la cathédrale incendiée. Les artisans brillent. Le bois des milliers de poutres sent bon.
1 500 chênes sont abattus dans les forêts françaises pour reconstruire la charpente médiévale.
Une fois coupés, tous les arbres devenaient des rondins et étaient équarris à la hache pour former des poutres. Ce fut, entre autres, l’œuvre de Benoît Bouchard et Édouard Cortèsdeux artisans du Lot “monta à Paris pour Notre-Dame”. Pas de scie électrique mais une soixantaine de haches forgées par les tailleurs comme celles utilisées par les charpentiers du XIe sièclee siècle.
L’arbre, lien discret entre Dieu et les hommes
L’arbre devient un symbole, un signe tangible d’un temps défié, d’une éternité compréhensible par le cycle de vie de l’arbre alors que cette notion d’éternité dépasse l’intelligence humaine. L’arbre, dont le bois constitue la charpente de Notre-Dame, sera présent, discret, indispensable depuis des siècles et des générations. Ainsi l’arbre devient le lien entre Dieu et les hommes.
Si, comme nous, il se transforme, après nous il continuera à vivre. C’est le signe vivant d’une certaine éternité.
Un temps d’espoir pour ces nouveaux bâtisseurs de cathédrales
Pendant quatre mois, une équipe de dix-huit menuisiers a travaillé à la main. Du jamais vu depuis la nuit des temps. Refaire un cadre comme à l’époque médiévale était tout simplement incroyable.
Ces menuisiers recrutés pour leur savoir-faire se sont rapidement associés. Les délais serrés et la passion du bois et du « projet Notre-Dame » les ont galvanisés.
« Plusieurs années de travail, des défis à relever mais de grands moments de joie pour le travail accompli. » « Je vois la charpente se monter chaque jour et chaque lever de soleil est plus beau que la veille. » « Que nous soyons croyants ou non croyants, nous contribuons à une renaissance » : tels sont quelques-uns des témoignages reçus.
Pourquoi Notre-Dame touche-t-elle le cœur de tant de gens ?
Si depuis 2019, tant de personnes de toutes confessions et même sans appartenance religieuse particulière, ont été touchées, c’est parce que cet édifice est le signe visible d’une réalité invisible. C’est-à-dire que la cathédrale est la réplique visible de cet espace invisible qui réside en chacun de nous. Tout être humain vit de l’intérieur de lui-même et porte en lui une part de sacré. À tel point que lorsque nous voyons son signe visible flamber, nous percevons tous que quelque chose s’effondre en nous.
Depuis 850 ans, Notre Dame de Paris a été témoin des plus grands moments de notre histoire. Croyants ou non, « les Français sont attachés à ce lieu de culte, célébrant jusque dans ses contradictions l’idée fédératrice d’une nation-cathédrale » concluait Fabienne Lemahieu le 14 novembre dans le journal La Croix.
Que Notre Dame soit demain, d’un point de vue global, le lieu ou le signe de la consolation des hommes. Compte tenu du contexte international actuel, des tensions et des angoisses vécues par tant de personnes dans le monde, Notre Dame doit, vaincue par son épreuve, devenir le témoin visible de l’espérance.
Le témoignage de Lotois Benoit Bouchard
Benoît Bouchard, charpentier du Lotparticipé à la reconstruction de la charpente de la cathédrale Notre Dame de Paris. Il raconte.
Pourquoi as-tu été choisi ?
J’ai eu l’occasion de participer au projet Notre Dame par l’intermédiaire d’un ami angevin qui avait des contacts dans les ateliers Perrault à Angers (entreprise qui a obtenu le marché pour refaire la charpente). J’ai postulé pour participer en tant qu’équarrisseur. L’équarrisseur part d’un arbre fraîchement coupé, pour tailler une poutre, le tout avec une hache, plus précisément une doloire. Etant menuisier, mon profil a été retenu.
Quel a été votre premier ressenti à votre arrivée ?
Lorsque j’ai reçu l’appel téléphonique confirmant que je devais rendre le rendu, j’étais vraiment heureux et fier. Puis, un stress intérieur m’a envahi devant la grandeur et la noblesse de la tâche. J’ai donc été appelé en janvier 2023 pour couper les poutres de Notre Dame. Entouré de 10 à 20 personnes selon la charge de travail, le projet à Angers a duré un an avec 8 à 10 mois de rendu.
Qu’avez-vous dû laisser derrière vous pour travailler pour la cathédrale ?
J’ai dû quitter le Lot pour venir aux ateliers d’Angers. Cette grande aventure de quitter femme et enfants est un défi. D’autant plus que j’étais en train de m’installer à mon compte. Mais j’ai pris du temps pour Notre-Dame. C’était l’inconnu. Ayant été marin, nous connaissons les départs et cela ne nous a pas trop gêné. Depuis Angers, l’ensemble de l’ouvrage fut démonté pour être remonté à la cathédrale. Nous avons suivi le framework jusqu’à son installation finale. Nous célébrions le travail accompli en déposant un bouquet de fleurs au sommet de l’abside comme c’est la tradition de la corporation des menuisiers lorsqu’un chantier se termine.
En tant que chrétien, comment l’avez-vous vécu ?
Ce que j’ai retenu de ce site, ce sont les rencontres : la majorité des équarrisseurs avec qui j’ai travaillé n’étaient pas du tout chrétiens. Mais ils étaient là pour la beauté et pour redonner à la cathédrale sa splendeur initiale. Ce sont des souvenirs précieux dans mon cœur. Aujourd’hui, l’institution ecclésiale est en bouleversement et ici enfin, le Christ utilise ceux qui sont les plus éloignés de lui pour reconstruire sa maison : c’est une leçon d’humilité dont l’Église doit se souvenir si elle veut continuer à annoncer le Christ.
Que retiendrez-vous de ce temps passé sur les toits de Notre Dame ?
J’ai pleinement profité de ce temps : marcher sur les traces de tous ces hommes et femmes qui ont bâti la France, des grands Hommes mais surtout des inconnus qui ont constitué la pâte humaine de notre Histoire et de notre civilisation chrétienne est rempli d’émotions. Une histoire commune, une histoire unique que nous aimerions aujourd’hui aplanir et aseptiser. Entrer dans une histoire millénaire, dans l’histoire d’une profession, dans l’histoire de l’Église, dans l’histoire de notre pays, quel honneur ! En ce sens, c’est un projet dont je me souviendrai longtemps !
C’est une fierté d’avoir son nom inscrit dans le coq qui, au sommet de Notre-Dame, veille sur Paris et la France. J’espère que ma vie m’apportera d’autres rencontres, d’autres projets pleins d’espoir comme celui-ci !
André DECUP
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias préférés en vous abonnant à Mon Actu.