Employé depuis deux ans chez Emmaüs Pau-Lescar, ce quadragénaire qui a longtemps travaillé dans les villages les plus reculés du monde, a rejoint une équipe de cinq salariés dans deux immenses hangars équipés et adaptés pour recevoir les meubles dont se débarrassent particuliers et entreprises. Parfois de véritables bijoux qui attirent vite l’œil des antiquaires. D’autres fois, des armoires de grand-mère, qui méritent leur expertise pour être recomposées.
Création totale
Entre les mains de cette fille basco-béarnaise, les vieilles planches et les bois nobles auront forcément une seconde histoire. Il suffira parfois de réaliser une corniche pour couronner une bonnetière, de retoucher un buffet coincé sous des couches de plâtre, de rafistoler un tiroir ou tout simplement de changer les poignées pour qu’elles trouvent un nouveau foyer. Quant aux meubles trop abîmés, ils serviront de matériaux en pièces détachées.
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« C’est par exemple ce que je compte faire avec ces boules de bois. Je me suis inspirée d’une table de salle à manger contemporaine », explique-t-elle. On imagine déjà cette longue table en bois clair accueillant les festins d’une grande tribu. Il ne reste plus qu’à faire les finitions et le rabotage des pieds en acier. Ou encore ce bureau d’écolier au parfum d’antan. Un objet unique qui donnera du caractère à une chambre d’enfant.
1 038 tonnes de bois revalorisées
Cette grande brune à la voix posée aime passer de l’usinage à la finition. Elle terminera ses créations après avoir donné la priorité à la réception des deux livraisons quotidiennes de meubles. « Il faut rapidement les examiner, les trier, fixer un prix cohérent mais attractif, divisé par deux ou trois par rapport au même modèle référencé sur internet. »
« Pourquoi devons-nous changer de meubles tous les deux ans ? »
L’entrepôt forme ainsi une véritable caverne qui laisse un peu sans voix tant le volume ne cesse de croître. « Pourquoi continue-t-on à acheter du neuf alors qu’il y a tant à recycler ? », s’interroge-t-elle. Chez elle à Jurançon, elle a choisi de refaire petit à petit son appartement avec une bonne pincée de temps, des matériaux de seconde main, saupoudrés du plaisir de l’artisanat. Pas de clic donc pour une livraison immédiate sur internet.
Apprentissage par la pratique
« L’atelier de menuiserie du Village Emmaüs Lescar-Pau, c’est environ 1 038 tonnes de bois revalorisées par an », explique-t-elle. Alors que dans le même temps, la planète perd onze terrains de football de forêt tropicale par minute, selon les chiffres de 2022. « C’est absurde, déplore-t-elle. Pourquoi ce besoin de changer de mobilier tous les deux ans alors qu’il est prévu qu’il ait une longue durée de vie ? C’est à nous tous de l’entretenir ! »
Ce métier, engagé dans le « plaisir d’apprendre en faisant », sied parfaitement à cette ancienne ingénieure en physique de l’eau et de l’environnement, qui a beaucoup voyagé pour favoriser l’accès à l’eau dans les villages les plus reculés de la planète. A tel point qu’elle a fini par rejoindre Médecins sans frontières pendant cinq ans dans le secteur dédié à l’eau, à l’hygiène et aux déchets.
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« De retour en France, j’ai cherché un métier plus manuel, peut-être une passion transmise par mes grands-parents, très bricoleurs », souligne-t-elle. Son CAP menuiserie avec une reconversion en ébénisterie lui a ouvert les portes d’un autre village, habité par des compagnons aux profils aussi variés que l’univers contenu dans les meubles qu’elle ouvre chaque jour. Sa nouvelle façon de prendre soin de la planète.
Corde de sécurité
Famille : née le 27 juin 1984 aux Lilas en Seine-Saint-Denis. Puis grandit dans le Béarn.
Formation : lycée à Angaïs, collège à Nay, Bac S à Barthou. Prépa physique/chimie. Ecole d’ingénieur à Grenoble en spécialité mécanique des fluides/hydraulique et environnement.
Profession : bureau d’études hydraulique spécialisé dans les débordements de rivières. De 2011 à 2015, a travaillé pour Médecins Sans Frontières dans le domaine de l’eau, de l’hygiène et des déchets. Reconversion en 2017 avec un BEP menuiserie et intégration dans l’équipe Emmaüs en 2022.
Engagement : volontariat auprès de l’ONG Aquassistance pour donner accès à l’eau potable au Bénin, au Népal, à Madagascar, au Sénégal, etc.
Loisirs : piano et vielle à roue.
