Après leur triomphe électoral de 2019, les conservateurs britanniques ont promis d’investir dans la revitalisation des régions défavorisées.
Cinq ans plus tard, les résultats semblent maigres comparés aux difficultés causées par la hausse des prix à Keighley, dans le nord de l’Angleterre.
La ville d’environ 50 000 habitants a élu un député conservateur lors des dernières élections générales. Mais le 4 juillet, Chris Ashworth, un employé de pub de 40 ans, compte punir le parti au pouvoir.
« Tout est beaucoup plus cher, et les listes d’attente du NHS (service public de santé) sont considérables », regrette-t-il auprès de l’AFP.
De nombreux résidents locaux partagent sa colère et le candidat travailliste John Grogan est désormais le favori pour remporter la circonscription.
« La pauvreté est le problème numéro un… La vie peut être très dure à Keighley. Il y a tellement de talents gâchés », déplore-t-il.
Après sa victoire écrasante en 2019, l’ancien Premier ministre Boris Johnson s’est engagé à revitaliser ces régions traditionnellement dirigées par les travaillistes du centre et du nord de l’Angleterre qui venaient de basculer vers les conservateurs.
Il avait lancé une grande politique de « nivellement par le haut », visant à réorienter les fonds vers le réaménagement des zones durement touchées par le déclin de l’industrie lourde, qui se sentaient délaissées par Londres, avaient voté massivement pour le Brexit et se sentaient enfin écoutées par un leader politique.
– “Ville morte” –
Mais la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine ont fait grimper les prix. Et face à la hausse du coût de la vie, la banque alimentaire de l’Armée du Salut à Keighley est en première ligne.
« Il y a un an, nous livrions 40 colis par semaine. Aujourd’hui, nous en livrons 60 », explique la pasteure Imogen Stewart, debout devant des chariots remplis de produits d’épicerie.
« Sans des endroits comme celui-ci, tout le monde serait en difficulté », a déclaré Shaun Broom, 30 ans, licencié il y a six semaines.
« Ce ne sont pas seulement des individus, mais toute la communauté qui a souffert », a déclaré Alannah Hodgson, une mère au foyer de 31 ans.
« Les magasins ferment (…) c’est une ville fantôme », déplore l’électeur, qui votera néanmoins conservateur par sympathie pour le député sortant Robbie Moore plutôt que pour son parti.
Les détaillants, pour leur part, ont dû faire face à la double pression de la hausse des coûts et de la baisse du pouvoir d’achat des clients.
Stefania Risidi, propriétaire d’un salon de coiffure à Keighley depuis 44 ans, a été contrainte de quitter le centre en raison d’une augmentation de 30 % de son loyer : « C’est vraiment triste (…) Là où nous sommes, il n’y a plus de commerces à proximité. »
– Projets culturels –
La commune a néanmoins obtenu « plus de 80 millions de livres » (94 millions d’euros) d’investissement dans le cadre de la politique de rééquilibrage régional, insiste le député sortant Robbie Moore, devant les pittoresques collines du Yorkshire qui surplombent Keighley.
Keighley Creative, une association caritative qui vise à accroître les activités culturelles dans la ville, a reçu 2,6 millions de livres sterling (3 millions d’euros) qui feront « une énorme différence » à l’avenir, a déclaré son directeur général Riaz Meer, depuis le petit cinéma construit au siège temporaire de l’association.
« Nous pouvons faire beaucoup de choses ici dans nos locaux actuels, mais nous pouvons faire beaucoup plus dans un bâtiment spécialement conçu à cet effet », dit-il.
Grâce à cette structure, Jonathan Britton, 48 ans, a pu abandonner son métier de maçon pour se consacrer à la peinture.
Ses problèmes de santé mentale se sont améliorés et « je n’ai jamais regardé en arrière depuis », a-t-il déclaré à l’AFP dans son studio.
Dans la rue, cependant, peu de résidents savent que la ville a reçu ces fonds.
« Qu’est-ce que le passage au niveau supérieur ? », demande la jeune femme au foyer Alannah Hodgson. « J’en ai entendu parler, mais je ne l’ai pas vu ici à Keighley. »
