Au pied des cités du Mirail, à Toulouse, les grilles de l’ancien collège Raymond-Badiou ne dévoilent plus une cour de récréation, mais de hautes herbes denses courbées par le vent, début juin. Le collège avait été entièrement fermé en 2020 et une partie laissée en friche. Les adolescents du quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) du Grand Mirail ne fréquentent plus l’école de cet établissement ghettoïsé, où sévissaient les problèmes de violence, mais sont répartis dans une dizaine d’établissements plus privilégiés, dont deux nouveaux.
Les jours d’école, les adolescents se pressent, sac au dos, pour ne pas rater le bus affrété par le département qui les conduit à leur collège d’affectation. Ce jeudi de juin, Ayoub, Adam, Wael, Tania (les élèves interrogés n’ont pas donné leur nom) et leurs amis s’assoient à l’arrière du bus, direction le Bellevue College. « C’est la routine »confient-ils, encore un peu endormis. Une quarantaine de minutes de trajet les attendent pour rejoindre cet établissement construit à flanc de colline dans un grand parc arboré, où se côtoient désormais fils de chirurgiens et d’aides-soignants, et filles d’ingénieurs et d’ouvriers.
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Comme eux, près de 1 700 adolescents ont bénéficié du plan mis en place en 2017 par le conseil départemental socialiste de la Haute-Garonne, soutenu par le rectorat, pour favoriser la mixité sociale et scolaire dans les collèges de la ville. L’ambition est à la fois de mélanger les populations et d’agir sur les trajectoires des élèves, alors que la France reste l’un des pays où les inégalités de naissance conditionnent le plus les parcours scolaires et où les mécanismes de l’intimité sont à l’œuvre.
Élèves de 3et Les personnages croisés dans le bus puis dans l’établissement racontent des univers qui se mélangent peu. Si Douaa aime retrouver ses amis de différents quartiers de la ville, Tania ne vit pas la même expérience. « Certains ont de grandes maisons, des piscines… Il y a une barrière entre nous »juge l’écolière. Ayoub résume une opinion partagée par de nombreux étudiants : « On rencontre de nouvelles personnes, mais c’est vrai qu’on ne parle pas des mêmes choses en général, on n’a pas les mêmes hobbies. » Lui, comme d’autres, était parfois capable d’entendre « sales Arabes » pendant sa scolarité. Ayoub ne l’a pas signalé. « C’est comme ça. Cela vient d’une minorité. »échappe au presque lycéen, préférant continuer à plaisanter avec ses amis.
« Cohabitation pacifique »
Au centre-ville, le directeur du collège Pierre-de-Fermat, qui fait également partie du dispositif, parle de « cohabitation pacifique ». « La mixité a pris toute sa place dans la salle de classe ou dans l’association sportiveraconte Patrick Massová. Elle est moins développée en dehors de l’école, pour faire les courses ou fêter les anniversaires.
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