Comment le Mexique peut-il répondre aux menaces de Trump ?

Si, au Canada, on se demande encore comment répondre aux menaces de Donald Trump, qui compte imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les marchandises pour forcer ses voisins à stopper le flux de migrants et de drogue traversant les frontières des États-Unis, Comment le Mexique, principal point d’entrée de ces deux flux, pourra-t-il réagir ?

Les trois questions sont étroitement liées et représentent les principaux points de tension dans la relation entre les États-Unis et le Mexique, souligne Mariana Aparicio, coordinatrice de l’Observatoire de la relation binationale Mexique-États-Unis à l’Université nationale autonome du Mexique.

La migration, la traite des êtres humains, le crime organisé et le fentanyl sont au cœur de la sécurité nationale américaine et feront partie de toute négociation.

Une citation de Mariana Aparicio, professeur à l’Université nationale autonome du Mexique

Si le Mexique veut discuter des questions commerciales avec le président Trump, il doit montrer qu’il agit sur le front de l’immigration, souligne-t-elle.

Ce tarif restera en vigueur jusqu’à ce que les drogues, notamment le fentanyl, et tous les étrangers en situation irrégulière mettent fin à cette invasion de notre pays ! a écrit lundi le président élu sur son réseau Truth Social.

Coercition et menaces

Le Mexique a déjà goûté à la diplomatie coercitive de Donald Trump, qui consiste à menacer ses partenaires pour obtenir ce que l’on veut, rappelle Rafael Velazquez, professeur à la Faculté d’économie et de relations internationales de l’Université autonome de Basse-Californie, à Tijuana.

En 2019, rappelle-t-il, Donald Trump avait menacé d’augmenter les droits de douane sur les produits mexicains si le président de l’époque, Andrés Manuel Lopez Obrador, n’agissait pas pour arrêter les caravanes de migrants. Le Mexique s’est alors engagé à prendre des mesures pour réduire substantiellement le nombre de migrants et de demandeurs d’asile arrivant à la frontière américaine, notamment en intensifiant la lutte contre les réseaux de passeurs et en déployant sa Garde nationale pour bloquer les caravanes.

Depuis, Le Mexique lui-même est devenu le mur qui contient des immigrants et des demandeurs d’asile, note Tony Payan, directeur du Centre pour les États-Unis et le Mexique au Baker Institute de l’Université Rice de Houston.

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Le nombre de migrants arrêtés sur le sol mexicain est en constante augmentation, avec un record de 925 085 personnes interceptées entre janvier et août 2024.

C’est dans les États méridionaux du Chiapas et du Tabasco, limitrophes du Guatemala, que se concentre le plus grand nombre de personnes en situation de migration irrégulièretel que défini par le gouvernement mexicain.

Des migrants de Huehuetan, dans le sud de l’État du Chiapas, se dirigent vers la frontière avec les États-Unis, à 1 700 km de là, le 1er novembre 2023.

Photo : Getty Images / ISAAC GUZMAN

Le Mexique expulse déjà beaucoup de gens pour les Américains, estime Payan, qui estime qu’il continuera à le faire à grande échelle.

Le Mexique va renvoyer un grand nombre de ces personnes et imposera des visas aux ressortissants de certains pays pour les empêcher d’utiliser le Mexique comme trampoline.

Une citation de Tony Payan, directeur du Centre pour les États-Unis et le Mexique à l’Université Rice

« Coopération et compréhension »

Donald Trump et la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum ont eu mercredi un échange téléphonique sur la question. Mais alors que M. Trump se vantait sur ses réseaux sociaux que le président aurait accepté de mettre fin à l’immigrationMme Sheinbaum a précisé que la position mexicaine n’était pas fermer les frontières.

Dans une lettre envoyée en début de semaine au président élu américain, Claudia Sheinbaum avait déjà signalé que si les menaces se matérialisaient, son pays imposerait ses propres tarifs de rétorsion.

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La présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, lors du sommet du G20 en novembre 2024, au Brésil.

Photo : afp via getty images / MAURO PIMENTEL

Un tarif serait suivi d’un autre en réponse, et ainsi de suite jusqu’à ce que nous mettions en danger les coentreprises.» a-t-elle déclaré, faisant référence aux constructeurs automobiles qui ont des usines des deux côtés de la frontière.

Mme Sheinbaum a souligné que l’armée mexicaine avait procédé à d’importantes saisies de drogues et d’armes et s’est dite prête à engager des discussions.

L’épidémie de fentanyl constitue cependant un problème de santé publique pour les Américains, a écrit la présidente mexicaine dans sa lettre au président Trump.

Ce n’est pas par des menaces ou des tarifs douaniers que l’on résoudra le phénomène de l’immigration ou de la consommation de drogue aux États-Unis. La coopération et la compréhension mutuelle sont nécessaires pour relever ces défis majeurs.

Une citation de Claudia Sheinbaum, présidente du Mexique

Les États-Unis restent le principal partenaire commercial du Mexique. Près de 80 % des biens produits au Mexique sont exportés vers leur voisin du nord ; ces échanges représentent environ 30% du PIB Mexicain. Le commerce bilatéral de marchandises a atteint 799 milliards de dollars américains en 2023.

Investissements chinois

Une autre question soulevée par M. Trump, mais aussi par les autorités canadiennes, est celle des investissements chinois au Mexique, qui sont en plein essor.

Des dizaines de projets impliquant des entreprises chinoises sont actuellement sur la table, comme le parc industriel de Hofusan, dans le nord du Mexique.

Ce parc, construit en 2017 sur 8,5 km2, accueille déjà 40 entreprises, dont des équipementiers automobiles. Il prévoit de s’agrandir pour inclure une centaine de nouveaux bâtiments industriels.

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Le parc industriel Hofusan, dans l’État de Nuevo Leon, au nord du Mexique, est un projet conjoint des sociétés chinoises Holley Group et Futong Group ainsi que d’investisseurs mexicains. (Photo d’archives)

Photo : Twitter/HofusanPark

Les États-Unis et le Canada insinuent que la Chine utilise le Mexique pour accéder aux avantages de l’allégement tarifaire de l’accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), souligne Mariana Aparicio.

Selon le cabinet de conseil américain Rhodium Group, les investissements directs chinois au Mexique sont six fois plus élevés que ne le montrent les statistiques officielles.

La Chine est effectivement devenue le deuxième investisseur au Mexique, mais si les échanges commerciaux entre les deux pays sont importants, cela ne veut pas dire qu’ils contreviennent auxASobserve Arturo Santa Cruz, directeur du Centre d’études nord-américaines de l’Université de Guadalajara.

Les entreprises chinoises sont libres de s’implanter sur le territoire mexicain. S’ils respectent les règles, il n’y a pas de problème.

Une citation de Arturo Santa Cruz, directeur du Centre d’études nord-américaines de l’Université de Guadalajara

Il y en aurait un si on se rendait compte qu’ils trichent et exportent des véhicules chinois aux États-Unis, mais ce n’est absolument pas le cas.note le chercheur.

S’il y a une renégociation de l’accord, comme le souhaite M. Trump, les règles du jeu pourraient changer, notamment pour augmenter le contenu régional des exportations afin de réduire le contenu chinois.

Par ailleurs, le Mexique est conscient des craintes que suscite ce partenariat et tente d’apaiser les appréhensions de ses alliés au sein duAS.

Cette idée selon laquelle les produits chinois entrent par le Mexique pour se rendre aux États-Unis est fausse.» a soutenu Claudia Sheinbaum. Les automobiles assemblées au Mexique contiennent 7 % de produits en provenance de Chine, tandis qu’aux États-Unis, ces composants représentent 9 %, a-t-elle ajouté.

La question commerciale est cruciale pour Donald Trump. Mais ce n’est pas la seule menace qui pèse sur le Mexique.

>>Un manifestant tient une affiche indiquant : « Migrer est un droit humain. »>>

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Des manifestants protestent contre les expulsions massives à la frontière américano-mexicaine, près du Palais national de Mexico, le 10 janvier 2023.

Photo : Getty Images / CLAUDIO CRUZ

Le président élu des États-Unis menace également d’expulser les personnes sans papiers vivant dans le pays, dont 4 à 5 millions de Mexicains. Si cela se concrétisait, ce serait un coup terrible pour le Mexique sur les plans politique, social et même économique.souligne Arturo Santa Cruz, puisque les immigrants (réguliers et irréguliers) renvoient au Mexique des envois de fonds annuels de plusieurs milliards de dollars.

Le Mexique a un plan pour accueillir d’éventuels expulsés, a déclaré la présidente, tout en soulignant qu’elle s’efforcerait de démontrer que nos compatriotes de l’autre côté de la frontière […] sont bénéfiques à l’économie américaine et ne devraient pas être traités comme des criminels.

Trafic de drogue

Lors de son premier mandat, Donald Trump n’a pas beaucoup insisté sur le trafic de drogue et le crime organisé, souligne Tony Payan. Mais cette fois, ce sera différent.

Trump l’a dit très clairement : le fentanyl est un problème tout aussi grave que l’immigration, rappelle M. Payan. Il entend obliger le Mexique à lutter contre le crime organisé et notamment contre les trafiquants de drogue. Et si le Mexique ne le fait pas, les États-Unis agiront seuls, unilatéralement.

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Cet opioïde de synthèse, souvent fabriqué dans des laboratoires mexicains avec des composés chimiques chinois, fait des ravages en Amérique du Nord. Plus de 283 000 Américains sont morts d’une overdose de fentanyl depuis 2021.

Donald Trump a déjà menacé de bombarder les laboratoires de fentanyl et d’envoyer des forces spéciales assassiner les dirigeants des cartels.

Il est peu probable que l’on assiste de sitôt à un déploiement de troupes américaines sur le sol mexicain, mais plutôt à des drones pour lancer des opérations ciblées contre des laboratoires de fabrication de fentanyl ou contre les propriétés des trafiquants de drogue.

L’administration Trump pourrait recourir à d’autres techniques, comme faire connaître les liens entre les politiciens mexicains et le crime organisé, souligne Payan.

Les agences américaines disposent sûrement de beaucoup d’informations, explique-t-il. Ils écoutent les téléphones, analysent les télécommunications et effectuent de nombreuses analyses de renseignements.

Donald Trump peut certainement causer beaucoup de dégâts à la classe politique mexicaine.

Une citation de Tony Payan, directeur du Centre pour les États-Unis et le Mexique à l’Université Rice de Houston

Avec des informations d’Associated Press et de REUTER

 
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